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Thierry Tusseau : « Je mettrais Giroud et Benzema devant »

Propos recueillis par Quentin Moynet
7 minutes
Thierry Tusseau : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je mettrais Giroud et Benzema devant<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Spectateur privilégié de la victoire de l’équipe de France face à l’Espagne au Championnat d’Europe 1984, Thierry Tusseau n’est pas un grand fan du groupe de Laurent Blanc. Ce qui ne l’empêche pas d’être derrière les Bleus.

Qu’est-ce que ça fait de gagner sa vie en vendant du pinard ? (rires) C’est parfait, je vends un produit, je parle d’une chose qui m’intéresse et je suis récompensé du travail que je fais.
Tout au long de votre carrière, on vous aura reproché votre polyvalence. Ça fait quoi d’être considéré comme « bon partout, excellent nulle part » ?
Je pense que ce sont les gens en dehors du milieu qui disaient ça. Les entraîneurs au contraire étaient satisfaits parce que je pouvais rendre des services. Après, j’ai surtout joué milieu de terrain ou arrière latéral gauche. Toute ma carrière à Nantes, je l’ai faite en 4-3-3 et c’est en arrivant à Bordeaux que j’ai joué en 4-4-2, ce qui m’a permis d’avoir plus de liberté.
Maintenant, vous pouvez nous le dire, vous étiez latéral gauche ou milieu de terrain ? Plutôt milieu de terrain défensif, mais sur le côté gauche, ce qui fait que ça ne m’a pas trop desservi de jouer arrière gauche par la suite.
C’est d’ailleurs cette polyvalence qui vous a coûté une place de titulaire à l’Euro 84…Oui et non. Je pense que physiquement, je n’étais pas à 100%, j’avais été blessé deux mois auparavant. Physiquement, j’étais bien, mais pas suffisamment pour prendre une place de titulaire. Ma blessure m’a coûté un peu plus de temps de jeu.
Regrettez-vous de ne pas avoir plus joué ? Déjà d’être dans le groupe, c’est quelque chose de super. Beaucoup de joueurs auraient voulu être à notre place. Après, déçu, oui, forcément, quand on est dans le groupe, on veut être dans les onze, mais, déjà, être dans le groupe, c’était très important. C’était peut-être les mentalités de l’époque… Les remplaçants n’étaient jamais exclus.
Quels souvenirs gardez-vous de cet Euro ?On ne garde qu’une seule chose, c’est la victoire. Le premier match a été relativement disputé, tout le monde nous attendait, on a gagné difficilement contre le Danemark. Après, que ce soit contre la Belgique ou la Yougoslavie, ça a été des matches somptueux.

Comment vit-on une finale d’Euro sur le banc ?On la vivait aussi intensément que les titulaires, on était derrière eux. On est remplaçant, mais à n’importe quel moment, on peut rentrer. Il faut bien se dire que si on rentre, on joue une finale. Moi, je me suis préparé pareil que celui qui était titulaire. Même si je n’ai pas foulé la pelouse, j’étais super heureux. Je me considère champion d’Europe.
Dans quel état se trouvait le vestiaire à la mi-temps ? Très déterminé. On est rentrés dans le vestiaire très sereins, mais sans euphorie. Après on marque ce but, ça fait partie du foot. Mais le coup franc est bien tiré ! Après, c’est vrai que le gardien se déchire un peu… Je pense qu’on a surtout douté sur la fin. Le dernier quart d’heure a été plus difficile que la première période.
En parlant du dernier quart d’heure, avez-vous craint le pire lorsque Yvon Le Roux s’est fait expulser ?C’est peut-être paradoxal, mais cette expulsion a accentué la solidarité entre les joueurs. Les joueurs étaient encore plus déterminés pour garder le résultat. Les Espagnols ont eu une occasion à quelques minutes de la fin, mais on était toujours confiants. En tout cas, moi, j’étais toujours confiant. Et puis, à trois minutes de la fin, le but de Bruno Bellone crucifie l’Espagne.
C’est le but de la délivrance…Oui, c’est la délivrance, parce qu’il reste trois minutes et on sait très bien que c’est très rare de revenir de 0-2 en si peu de temps. Ils avaient tout fait pour égaliser et, prendre ce deuxième but, ça les a assommés.
Comment avez-vous vécu la scène entre Battiston et Hidalgo, quand Battiston demande à se faire remplacer pour qu’Amoros participe à la finale ?C’est un très beau geste de la part de Patrick Battiston. Manuel Amoros était d’ailleurs titulaire en début d’Euro. C’est une question d’éducation. Il y avait un groupe, des vraies valeurs. C’est peut-être ce qu’il manque maintenant. Dans le football français, en tout cas.
Samedi, allez-vous regarder France-Espagne ?Bien sûr, comme beaucoup d’amoureux de cette équipe de France, même si elle nous montre par moments des choses qui ne sont pas plaisantes. Les mentalités sont assez décevantes.
Est-ce plus confortable de regarder le match sur son canapé ou sur le banc de touche ?Sur le banc ! On est acteur quand même. Comme tous les joueurs de ma génération, et j’espère que c’est pareil pour ceux d’aujourd’hui, je me disais que c’était fabuleux. Même si on n’est que sur le banc, c’est quelque chose de fantastique. Ce sont des moments exceptionnels dans la vie d’un homme. Il faut se persuader que ça ne dure pas éternellement. Après, on regarde les matches dans son canapé.
Que pensez-vous de cette équipe de France version Laurent Blanc ?Après le désastre de l’Afrique du Sud, ça ne pouvait être que mieux. Il a composé avec ce qu’il avait. Ses choix ont été discutés, fallait-il reprendre les mutins de 2010… Après, Blanc n’a quand même pas un groupe exceptionnel, que ce soit individuellement ou collectivement. Ce n’est pas un grand groupe.

Donc vous ne les voyez pas aller au bout… Je souhaite qu’ils aillent le plus loin possible. Il y a des bons joueurs individuellement, mais ils ne se fondent pas dans le collectif. C’est peut-être la faute de Blanc, mais ce sont surtout les mentalités qui sont mauvaises. Qu’il y ait des problèmes dans les vestiaires, ça arrive, mais il faut faire preuve de beaucoup d’humilité. Quand on n’a pas été bon, il faut le reconnaître. Je crois que ce groupe accepte très mal les critiques.

Ça manque d’un leader ?À notre époque, il y avait un grand leader qui s’appelle Platini. Il sentait le football, il savait où se placer, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il y a peut-être de très bons joueurs, mais ce ne sont pas des leaders. Ils n’ont pas de charisme, donc c’est difficile pour les autres joueurs de suivre. Si on compare avec 98, Zidane était plus un introverti, mais il avait le soutien de joueurs comme Deschamps, comme Desailly. Zidane était un leader naturel de par son jeu, mais s’il fallait hausser la voix, Deschamps était là. D’ailleurs, pour moi, Zidane a plus réussi la Coupe du monde 2006 que celle de 1998.
Aujourd’hui, il n’y a plus Zidane. Peut-on quand même battre l’Espagne ?Je pense que ça sera plus dur, mais, pour moi, l’Espagne n’est plus aussi conquérante qu’il y a deux ou quatre ans. Je crois que David Villa manque cruellement. Si Barcelone n’est pas champion d’Espagne ou d’Europe, c’est qu’il leur a manqué un véritable avant-centre qui s’appelle David Villa.
Comment jouer contre l’Espagne ? Renforcer l’axe, associer Giroud et Benzema ?Moi, je jouerais avec deux avants-centres. Je mettrais Giroud et Benzema devant. Benzema peut percuter, et Giroud peut les déstabiliser par son jeu de tête, ses déviations, sa bonne technique. La défense centrale espagnole est un peu légère.
Vous êtes plutôt Gaël Clichy ou Patrice Évra ?J’aime bien Clichy. Je pense qu’il est meilleur défenseur, peut-être moins bon contre-attaquant qu’Évra, mais je préfère la discipline de Clichy. Évra n’a pas toujours un excellent placement.
Pour finir, un petit pronostic pour ce soir ?Je souhaite que la France gagne mais… Je dirais 2-1 pour la France. C’est le cœur qui parle. J’attends surtout une réaction des Français, qu’ils aient un peu de fierté.

Pardon d’avoir douté, Rayan Cherki

Propos recueillis par Quentin Moynet

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