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Thierry Laurey, fais ce qu’il te plaît !

Par Analie Simon
4 minutes
Thierry Laurey, fais ce qu’il te plaît !

Les mots sont sortis de la bouche de Thierry Laurey, vendredi soir, après un point ramené de Marseille par son Racing : « On n’est pas là pour faire les beaux et pour plaire au public. » Le constat est peut-être sec, mais il peut s'entendre : en 2021, comme avant sûrement, les coachs ne sont pas forcément là pour donner du plaisir, un sentiment subjectif dans le foot, et doivent avant tout répondre à des objectifs précis. Et pour les atteindre, il faut parfois accepter d'être moche. Tant pis pour les apôtres du beau.

Alors que la fin des championnats approche à grands pas, de nombreuses équipes bataillent dur pour atteindre leurs objectifs : un titre de champion, un ticket pour une Coupe d’Europe, ou essayer de se sortir d’un bourbier nommé relégation. Peu importe le but fixé en début de saison, il faut l’accomplir. Et le seul moyen d’y arriver, c’est de glaner des points à droite et à gauche. Pour la manière et le football total, on repassera. Ça, Thierry Laurey l’a bien compris. Après le nul obtenu au Vélodrome ce vendredi face à l’OM, le boss strasbourgeois n’a pas craché sur ce petit point, alors que le Racing Club de Strasbourg, actuellement 15e de Ligue 1 avec 38 noisettes, cherche à ne pas prendre l’ascenseur direction l’antichambre. «  On n’est pas là pour faire les beaux, on n’est pas là pour plaire au public ou aux téléspectateurs. On est là pour être efficace, a martelé Laurey en conférence de presse après la rencontre. Ce n’est pas toujours ultra sexy, mais c’est efficace et c’est ce qu’on nous demande pour se maintenir. »

Traduction : le résultat compte parfois plus que le sacro-saint beau jeu. Pourquoi exiger constamment d’une équipe un jeu léché et offensif, quitte à se faire ouvrir par un adversaire a priori supérieur ? Il est rare de voir une équipe de bas de tableau culminer à 60% de possession, maîtriser à merveille l’art du contre-pressing et enchaîner les phases de jeu à une touche de balle. Quelle surprise. « L’important, c’est les trois points », disait l’autre. Au Vélodrome, il s’agissait plutôt d’un point, ou plutôt d’un pas de plus vers le maintien en Ligue 1. Puis, où se situe véritablement la frontière entre le beau et le moche ? Ce vendredi soir, l’OM n’a pas été plus séduisant que son adversaire, et ce ne sont pas les Strasbourgeois qui diront le contraire. Jetons un œil aux chiffres : Strasbourg a frappé autant de fois au but que Marseille (huit), cadré plus de fois (cinq contre quatre), tout en ayant beaucoup moins la chique (68% contre 32%) et en alignant deux fois moins de passes (643 contre 299). Résultat : un but partout. Simple. Clinique. Efficace, on vous dit.

La loi du moins fort

Et cette recette n’est pas seulement propre aux clubs de Ligue 1, elle est aussi utilisée en Espagne, en Angleterre, en Italie, en Allemagne, et dans tous les pays où le football est un sport qui se joue à onze contre onze. Oui, oui. Après tout, quoi de plus jouissif qu’un petit poisson qui en accroche un gros en tirant trois fois en 90 minutes ? Surtout, qui sommes-nous pour jeter la pierre à ces clubs, ces coachs, qui s’efforcent de trouver des solutions pour rivaliser avec des concurrents qui ne font pas partie du même monde (économiquement parlant, en tout cas). Les grosses écuries ne sont pas contentes ? C’est leur problème, pas celui de Thierry Laurey ou un autre entraîneur dont l’objectif premier est la survie d’un club, une équipe, une institution dans l’élite. D’autant que le Racing, dans le dur cette saison, n’a pas toujours prôné un jeu minimaliste depuis l’arrivée du technicien français qui, on le rappelle, a remis Strasbourg sur le devant de la scène en France et sur la carte de l’Europe.

Il n’est pas question ici de faire de Thierry Laurey ou des adeptes du bus des modèles, mais d’essayer de les comprendre. Notre football français est imparfait, nos entraîneurs aussi, et notre système, récemment pointé du doigt par Pablo Longoria, mériterait une minirévolution. Mais pourquoi blâmer une équipe en difficulté et sur le papier inférieure à l’OM d’adopter une stratégie défensive au Vélodrome ? Le technicien alsacien a peut-être jeté un froid en assumant qu’il n’était pas là « pour faire plaisir au public », mais personne ne pourra lui reprocher de ne pas être un adepte de la philosophie aussi suicidaire qu’admirable de Zdeněk Zeman. Ceux qui ont grogné en découvrant le projet de Superligue des douze cadors ont répété le même slogan : le foot pour tous. Celui-ci marche aussi quand il s’agit de faire face à des petits aux idées de jeu plus minimalistes et moins sexy que les plus grands, ou plutôt les plus riches. Le foot est riche parce qu’il existe des courants de pensée différents, des entraîneurs plus pragmatiques que d’autres, et des possibilités tactiques qui font que David peut contrarier Goliath le temps d’une soirée. C’est aussi ça, la beauté. Et qui sait, dimanche prochain contre Montpellier, Strasbourg sera peut-être devenu plus séduisant.

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Par Analie Simon

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