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Thèse antithèse
Le match qui oppose Arsenal à Liverpool sur la pelouse de l'Emirates n'est pas qu'un choc entre deux équipes qui n'ont plus le droit à l'erreur. C'est surtout la rencontre entre deux pratiques du football totalement différentes. Et c'est sans doute ça le plus excitant.
Deux identités, deux styles. Le théâtre du match pourrait presque ressembler à celui d’une vieille boite de nuit « deux salles, deux ambiances ». D’un côté Arsenal, jeu qui se veut le plus léché d’Angleterre. De l’autre Liverpool, style plus anglo-saxon, pour faire court. Pour Arsenal, la donne est simple : la victoire ou le titre s’envole. Pour Jacques Crevoisier, ancien entraîneur adjoint des Reds époque Gérard Houllier, ce match est capital pour la saison des Londoniens : « Arsenal peut revenir et gagner le titre. Je reste convaincu que le parcours de Manchester United en Champion’s League peut leur faire perdre des points en championnat » . Et pour Liverpool ? « S’ils finissent 6ème cela sera déjà très bien » . Les Reds sont tombés trop bas en début de saison. Ils le payent au classement.
Arsenal est-il trop beau ?
Pour Arsenal, les jokers ont été grillés avec les trois matchs nuls consécutifs qui ont précédé la victoire du week-end dernier à Blackpool. Trois points qui ont fait du bien sur un plan comptable, mais qui ont laissé planer encore bien des doutes vu la fébrilité affichée par les hommes d’Arsène Wenger, symbole d’une équipe qui ne possède pas encore toute la froideur nécessaire pour gérer un résultat. Et si finalement la philosophie de jeu de Wenger avait montré ses limites pour gagner des titres ? Pour Benjamin Nolin, co-fondateur de l’association Arsenal France, la réponse est claire : « Pour moi, c’est évident que cette méthode n’est plus la bonne. C’est le genre de gestion qui pouvait marcher dans les années 80 ou 90 mais plus maintenant. Cela fait 6 ans que l’on n’a plus rien gagné! » . Le plaisir du beau jeu ne ravirait donc plus les plus fidèles suiveurs des coéquipiers de Fabregas ? « Bien sûr on joue bien mais cela ne suffit plus. Prenez Manchester United : à West-Ham ils ont gagné sans bien jouer (4-2). Je discutais récemment avec des supporters de l’Inter Milan. Ils ont gagné trois titres l’an dernier mais n’ont pris du plaisir qu’au moment de ces trois titres. Nous c’est le contraire. On ne voit jamais un 0-0, mais on ne gagne plus de trophée » .
Le revival de Liverpool
Pour Liverpool, la tendance est autre. Depuis l’arrivée de Kenny Dalglish, les Reds se sont refait une santé, notamment grâce à leurs deux recrues du mercato hivernal : Suarez et Carroll. Si le premier a vite trouvé ses marques, le second a mis plus de temps. Arrivé blessé, l’homme qui, paraît-il, vaut quand même 41 millions d’euros, a trouvé le chemin des filets pour la première fois, même deux, lundi face à Manchester City. Mais plus que par ses buts, c’est par son profil que Carroll a changé Liverpool. Pour Jacques Crevoisier, l’ancien buteur de Newcastle est un atout. « Il a des qualités que peu de joueurs ont, notamment son jeu de tête. Il peut changer la face d’une équipe » . En tout cas il en a déjà modifié la façon de jouer. Avec lui, la tentation est grande de sauter le milieu de terrain et d’aller chercher une déviation de la queue de cheval. Avec Suarez et Kuyt qui gravitent autour, jouer de la sorte est loin d’être une aberration. Le Liverpool de cette deuxième partie de saison redonne ainsi quelque peu vie au bon vieux kick and rush du 20e siècle. Un style de jeu qui fait peur à Benjamin Nolin : « Carroll a déjà marqué chez nous avec Newcastle. C’est typiquement le genre de football qui peut gêner notre défense centrale » .
Et si finalement la différence entre les deux équipes ne venait pas plutôt de la philosophie et de l’histoire de leur club? « Je ne pense pas que notre style de jeu soit apprécié à Liverpool. Eux il faut que ça gagne ! C’est une autre culture, précise d’ailleurs Benjamin. Mais sur ce match je pense que Liverpool va baisser le pied pour que Manchester ne soit pas champion » . Leur marge d’erreur ne permettant pas aux Reds de perdre des points, on devrait quand même voir une équipe conquérante à l’Emirates. Anachronique, mais conquérante.
Alexandre Alain
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