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Tactique : comment le PSG peut embêter le Bayern

Par Maxime Brigand
12 minutes
Tactique : comment le PSG peut embêter le Bayern

Porté par la meilleure attaque d’Europe, qualifié de « quasiment imbattable » par Simone Inzaghi au tour précédent et habité depuis toujours par la conviction d’être le meilleur club du monde, le Bayern est un ogre. Mais la bête a aussi quelques failles structurelles, conséquences naturelles d’un plan de jeu audacieux. Le PSG n’a pas trop le choix : comme quelques rares adversaires malicieux avant lui, c’est là qu’il devra appuyer. Décryptage.

Il a l’allure d’un croque-mort, type Mathias Bones, avec haut noir, pantalon noir, et visage pâle. En ce dimanche de septembre, Sebastian Hoeness souhaiterait surtout que la caméra qui lui fait face s’éteigne. Alors, sous le soleil d’Hoffenheim, il souffle, légèrement agacé : « Pour être honnête, j’aurais préféré que nous soyons deuxièmes parce que là, on ne va parler que de ça toute la semaine. » Le « ça » n’est pourtant pas n’importe quoi : à 38 ans, Hoeness vient de réussir pour la première fois depuis décembre 2019 à stopper un Bayern inexpugnable, vainqueur quelques jours plus tôt, à Budapest, face à Séville, de son vingt-troisième match consécutif, du jamais-vu pour un membre des cinq plus grands championnats européens. Le « ça » est donc un exploit, et Sebastian Hoeness, qui vient de vivre sa première à domicile sur le banc d’Hoffenheim, le sait mieux que personne, lui qui était encore quelques semaines plus tôt l’entraîneur de l’équipe réserve du géant munichois, lui dont le père, Dieter, est l’un des meilleurs buteurs de l’histoire du Bayern et lui dont l’oncle, Uli, a été un président mythique du club bavarois. Mais le « ça » n’a pas vraiment surpris un Hoeness qui a vu sa troupe de canailles appliquer son plan à la lettre. On ne bat pas un adversaire aussi complet que le Bayern sans une approche millimétrée et, si Hoffenheim a habitué l’Allemagne à plusieurs succès de prestige face au monstre bavarois ces dernières années, c’est cette fois le score qui pète aux yeux : 4-1. Comment est-ce possible ? « On a fait le match parfait, en étant à 200%, ce qui est indispensable face à la meilleure équipe du monde », sourit Andrej Kramarić, auteur d’un doublé lors d’un match que le PSG doit absolument revoir avant de se déplacer à Munich, mercredi prochain. Car même si Goretzka et Lewandowski étaient remplaçants au coup d’envoi et même si le Bayern a peut-être eu ce jour-là un coup de pompe physique, plusieurs ingrédients pour secouer le leader de Bundesliga sont à grappiller dans cette rencontre.

Hoffenheim : un modèle d’unité collective

Alors, comment Hoffenheim a-t-il réussi son pari ? En laissant d’abord majoritairement le ballon au Bayern (72% du temps) et ne gaspillant pas inutilement d’énergie en cherchant à entrer vainement dans une bataille pour la possession. Les hommes d’Hoeness ont plutôt fait preuve d’une énorme discipline défensive et ont avant tout cherché à limiter les voyages des Munichois dans la largeur grâce à un 5-3-2 rapidement identifiable.

Le 5-3-2 d’Hoffenheim avec la paire Kramarić-Dabbur chargée de cadrer Boateng et Alaba, tout en aidant Samassékou à contrôler l’accès à Kimmich, pendant que Geiger et Baumgartner complètent le milieu et coupent l’accès aux demi-espaces. Cette structure permet notamment de maîtriser la largeur.

Face à cette structure, le Bayern a vu des tiroirs lui sortir sur le nez tout au long de la rencontre, Hoffenheim essayant en priorité de densifier le cœur du jeu grâce à un maillage très précis.

Deux éléments pour ce maillage. D’abord, une grande rigueur collective : sur cette séquence, alors que Kadeřábek contrôle l’appel dans la profondeur de Pavard, Bičakčić sort sur Gnabry. En compensation, Samassékou recule d’un cran et aide au maintien de la structure défensive.

Un peu moins de trente secondes plus tard, autre illustration de la bonne organisation défensive d’Hoffenheim : Kimmich réussit à trouver Leroy Sané, mais l’ailier va rapidement se faire mordre et le Bayern être empêché d’installer une phase de possession…

Samassékou récupère alors le ballon, et le Bayern est rapidement en danger car en 2 contre 2 derrière.

Trouvé, Kramarić force Boateng à sortir et peut combiner rapidement avec Dabbur. On le voit : le Bayern joue sur un fil très fin.

Sérieux défensivement et capable de limiter le Bayern à une seule frappe cadrée en première période (ce qui s’explique aussi par le fait que les Munichois étaient privés d’un réel point de fixation offensif en l’absence de Lewandowski au coup d’envoi), Hoffenheim, qui a réussi à ouvrir le score sur un coup de pied arrêté au quart d’heure de jeu, a ensuite pu appuyer sur les espaces laissés par la structure munichoise en utilisant principalement le jeu long.

Preuve du bien-fondé de ce jeu long : à la 11e minute, Vogt a du temps pour déclencher et va chercher Kadeřábek côté gauche…

Trouvé, le latéral tchèque peut rapidement lancer Kramarić dans le dos de Pavard. Sur une passe, le Bayern est de nouveau en 2 contre 2.

On retrouve ce jeu long sur le but du 2-0 : Hoffenheim utilise alors un six-mètres pour aspirer le Bayern…

… et mieux le piquer. Alors que Davies et Pavard sont sortis assez haut, la défense munichoise se retrouve encore une fois sans filet de sécurité. Au bout de cette séquence, Dabbur va profiter d’une erreur de Pavard pour tromper Neuer.

En seconde période, nouvelle relance et nouveau jeu long : Baumann cherche Kadeřábek côté droit…

… qui gagne son duel avec Alphonso Davies – 38% de duels aériens remportés seulement ce jour-là pour le latéral canadien – et peut lancer Dabbur dans le dos d’Alaba alors que Boateng est trop loin pour couvrir correctement…

… D’une tête, Dabbur décale Bebou, qui peut ensuite offrir le troisième but à Kramarić, libre dans l’énorme espace ouvert entre Boateng et Pavard.

À Hoffenheim, le Bayern a été vulnérable sur chaque contre-attaque et, en première période, les Kraichgauer ont tiré au but toutes les quinze passes, signe de deux clés pour mettre en danger le club bavarois : la verticalité et la vitesse. Séquences :

Sur une touche rapidement jouée, Davies tarde à se replacer…

… Boateng sort à retardement…

… et voilà Hoffenheim en 4 contre 2. Heureusement, Baumgartner va rater son centre.

À la demi-heure de jeu, autre mouvement où le Bayern, pourtant en 3 contre 2 dans l’axe, se fait ouvrir par une passe de Samassékou vers Dabbur.

Ici, autre possibilité, car la paire Boateng-Alaba peut parfois jouer si haut qu’elle laisse l’adversaire partir de son camp et donc se couvrir de tout piège du hors-jeu.

Là, c’est Alaba qui traîne, mais surtout Kimmich et Boateng qui sortent sur Baumgartner au même moment, laissant ainsi Dabbur être trouvé facilement dans leur dos…

Ce premier revers de la saison du Bayern est un bon modèle pour voir un plan défensif collectif exemplaire, mais aussi pour mettre en lumière les quelques faiblesses de la machine bavaroise. Mais le PSG peut-il vraiment s’en inspirer ?

Les souvenirs de Lisbonne

La réponse est évidemment oui, même si ces leviers tactiques ne sont pas des surprises pour des Parisiens qui en avaient déjà utilisé une partie lors de la dernière finale de Ligue des champions, perdue face au Bayern (0-1). Cette fois, ils vont malgré tout devoir corriger plusieurs éléments essentiels, car pour battre ce Bayern-là, il faut posséder des mécanismes de relance efficaces et durables. Or, en août dernier, le PSG avait peiné à se sortir de la pression munichoise, et les hommes de Flick avaient réussi un nombre d’actions défensives assez hallucinant dans le camp parisien (15 ballons récupérés, 3 interceptions, 13 tacles réussis ; contre 6 ballons récupérés, 2 tacles réussis et 1 interception pour les Parisiens dans le camp du Bayern). Le club français a-t-il mûri sur ce point depuis ? Ce n’est pas vraiment ce qu’a raconté le huitième de finale retour face au Barça, mais la double confrontation contre le Bayern se jouera en grande partie sur la capacité du groupe de Pochettino à casser le pressing adverse et à être clinique une fois l’ouverture dans la profondeur trouvée. Encore faut-il avoir les joueurs pour, alors que Paredes sera suspendu pour l’aller et que Verratti est rentré blessé à la cuisse de sélection.

En finale de la dernière C1, le Bayern a d’abord étouffé le PSG par un pressing haut très agressif…

… d’où plusieurs récupérations hautes.

Néanmoins, le PSG a eu quelques ouvertures d’abord grâce au pied de Paredes et à la vitesse de Mbappé, qui ont su profiter de la hauteur de la ligne défensive bavaroise…

… et appuyer dans la zone Kimmich-Boateng.

Peu après le quart de jeu, c’est là que l’on va retrouver les Parisiens : Thiago Alcántara relance plein axe…

Kimpembe sort parfaitement dans le rond central…

La relance munichoise est cassée : Marquinhos peut contrer rapidement et trouver Mbappé entre Boateng et Kimmich, déjà hors de position…

… Neymar va buter sur Neuer.

Cinq minutes plus tard, le PSG réussit à sortir le ballon sous pression : Mbappé devance Boateng et le PSG peut encore profiter de l’énorme espace laissé par Kimmich dans son dos…

Les Parisiens pètent de partout…

Un peu trop lentement, mais, au bout, Herrera peut trouver Di María, qui va frapper au-dessus.

La vie sur un fil

Aujourd’hui, même sans Lewandowski qui vit la meilleure saison de sa carrière, mais qui a déclaré forfait mardi pour l’aller-retour face au PSG, le Bayern fait peur, impossible de discuter ce point. Certains chiffres sont effrayants, à commencer par les 78 buts marqués par les Bavarois en seulement 26 matchs de championnat. En Ligue des champions, même chose : le champion d’Europe en titre, qui n’a quasiment pas changé depuis sa victoire face au PSG l’été dernier (seul Kimmich a remplacé Thiago Alcántara au milieu alors que Leroy Sané est venu renforcer un carré offensif déjà bien fourni, où Thomas Müller brille d’ailleurs de nouveau de mille feux), en met partout (24 buts marqués en 8 rencontres) et s’amuse à faire tourner ses victimes en bourrique (62% de possession en moyenne, un pressing toujours aussi agressif, une quinzaine de flèches tirées par match en moyenne…). Mais le Bayern, s’il ne possède aucun réel point faible dans son onze, ouvre de par son approche très audacieuse de nombreuses portes. Là aussi, les chiffres ne mentent pas : contrairement à Manchester City, qui a réussi à se fermer à double tour cette saison, les gangsters de Munich encaissent des coups (plus d’une dizaine par rencontre en C1, pareil en Bundesliga, où le Bayern a déjà encaissé 35 buts, soit quatorze de plus que le PSG en Ligue 1, et présente le 6e taux de xGA de son championnat). Il avait déjà été possible de le noter au Final 8 où, en plus du PSG, l’Olympique lyonnais avait eu de nombreux ballons pour envoûter, en vain, un Neuer toujours impeccable (il possède encore cette saison le troisième pourcentage de tirs arrêtés de Bundesliga). L’Hoffenheim de Sebastien Hoeness, lui, a su être réaliste, tout comme le Borussia Mönchengladbach début janvier (3-2) et Francfort (2-1) en février, les deux autres formations qui ont réussi à faire tomber le Bayern cette saison. Bon à revoir aussi : le match gagné contre les xG par le Bayern à Dortmund (2-3) en novembre et le nul livré face à Leipzig (3-3) au début du mois de décembre. Chacune de ces équipes a sorti les mêmes armes sur la table, que ce soit la pose de pièges ciblés sur le double pivot munichois ou les attaques rapides pour profiter rapidement de la hauteur de la ligne défensive munichoise et des espaces laissés par les latéraux.

Interrogé mi-mars par L’Équipe sur le rôle du défenseur central au Bayern, voilà ce que racontait Lucas Hernandez : « Le coach veut nous voir repartir court, avoir la possession, mais il ne veut pas qu’on l’ait de façon stérile dans notre moitié de terrain. Non, il veut qu’on ait le ballon assez haut. Et surtout, qu’on soit attentifs, parce que la plupart du temps, on se trouve dans le camp adverse et on s’expose aux contres. À nous, les défenseurs, de réussir à couper ces phases de transition. » Reste qu’à trop vivre sur un fil, même si on gagne 98% temps, parfois, on tombe. Ou du moins on se fait bousculer, comme on l’a vu lors des deux matchs face à Dortmund cette saison, notamment lors de l’aller, que le Bayern a néanmoins gagné.

À Dortmund, les failles munichoises ont de nouveau été ouvertes, à commencer par l’espace entre Boateng et son latéral droit, ici Sarr, ce qui est d’autant plus dangereux lorsque l’attaquant en face s’appelle Haaland.

Dortmund avait alors su varier les approches. À commencer par le jeu long dans le dos du latéral, qui a de nouveau été une faiblesse identifié comme ici…

Ou là, à la suite d’une belle sortie de balle enclenchée par Meunier…

… et relayée par Delaney.

Autre arme réutilisée par le BvB : la densité axiale pour casser la transition au niveau de Kimmich.

… et toujours appuyer dans les même zones.

Des zones, les demi-espaces, d’où sont logiquement venus le premier but…

… et presque un second.

Face à Leipzig (3-3) avant les fêtes, le Bayern a également été mené deux fois, avant de se sauver les miches en fin de match malgré…

Un premier but concédé sur une transition terminée plein axe entre les centraux…

Un second après un long ballon…

et une passe entre le central – Süle – et son latéral – Davies.

Et un troisième, conséquence d’un cadeau énorme offert à Forsberg, toujours entre les deux centraux.

Quelques autres exemples existent sur la saison en cours :

À Francfort, récemment, où le Bayern a encore été puni dans le dos d’un latéral (Süle, assez catastrophique ce jour-là) à la suite d’une touche…

… derrière laquelle Kostić a pu trouver Kamada plein axe.

Le 2e but est aussi un beau refrain, puisque Younes utilise la montée trop lente des latéraux munichois pour appuyer dans leur dos. Pendant ce temps, Touré démarre côté droit…

En une passe, le Bayern prend l’eau…

… Et 2-0 à l’arrivée de l’action (2-1, score final).

Face à Gladbach, toujours la répétition de certains modèles : Stindl est trouvé plein axe, alors que Pavard est loin de sa zone, ce qui a forcé Süle à se décaler…

… En trois secondes, Süle ne peut combler deux brèches : Hofmann réduit le score.

Juste avant la pause, on prend les mêmes : Stindl au départ, qui aide à un pressing sur… Kimmich, évidemment, et peut ensuite…

… profiter des espaces pour trouver Hanfmann.

Comme l’a balancé Oliver Kahn au moment du tirage, le Bayern, qui roule toujours en 4-2-3-1, reste probablement à l’heure qu’il est « la meilleure équipe d’Europe » et une bête à la faim inextinguible. Mais c’est une bête face à qui il faut faire preuve de calme, d’une grande maîtrise technique pour contourner les premiers coups de griffes féroces et contre qui il est nécessaire de cibler les zones pour espérer faire quelque chose. Autre indispensable : convertir les ouvertures, ce qu’a notamment parfaitement fait le Borussia Mönchengladbach en début d’année. Mais ça, le PSG, qui avait choisi de donner le sort de la dernière finale de C1 à ses individualités plus qu’à un jeu collectif parfaitement huilé, s’en souvient. Cette fois, sur 180 minutes, l’unité fera la différence : c’est du moins ce que les performances des récents vainqueurs d’un Bayern qui peut se retrouver en danger dans des zones brûlantes racontent.

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