Et ce n'est pas tout, la préparation estivale des Mancuniens fut également chaotique : empoignade entre Roy Keane et Alex Ferguson, altercation entre Rio Ferdinand et Ruud van Nistelrooy lors de la tournée asiatique, le même Rio hué par certains de ses fans, outrés par ses exigences salariales (il venait de prolonger pour quatre ans avec 630 000 euros mensuels). Bref, un beau bordel pour le flegmatique Van der Sar qui débarque dans le club au même moment que l'Anglais Ben Foster. Pour Sir Alex Ferguson, Ben représentait d'ailleurs « le meilleur gardien anglais » du moment. Autant dire que le Batave n'était pas franchement attendu comme le sauveur de la nation. Surtout à 34 ans, après quatre saisons passées à Fulham et surtout deux années à la Juventus (1999-2001) où il n'a pas laissé un grand souvenir en tant que premier gardien étranger de la Vieille Dame. Bref, c'est donc un CV un peu poussiéreux qui débarque à Old Trafford. Bon, un beau CV quand même. Formé à l'Ajax Amsterdam, VDS affichait des références avec une Coupe de l'UEFA à vingt et un ans (en 1992), puis une C1 (toujours avec l'Ajax de Rijkaard, Seedorf, Davids et des frères De Boer, en 1995), une Coupe intercontinentale (1995) et quatre titres de champion.
« Ice Rabbit » , le retour
À Everton, Manchester United repart donc en guerre avec un vieux gardien de 34 ans sans aucune certitude sur l'avenir. Les fans de MUFC ne le savent pas encore, mais ils ont mis la main sur le jackpot. À Manchester, celui que les supporters de l'Ajax surnommaient « Ijskonijn » (le « Lapin de glace » ), pour son stoïcisme et son flegme légendaires, va devenir « Wonder Sar » , zen master appliqué, régnant dans les cages des Red Devils pendant six saisons. Ben Foster ? Une vaste blague sur laquelle VDS va rouler sans forcer. Quinze ans après avoir pris la relève de Stanley Menzo dans le but de l'Ajax, Edwin n'a pas changé. Il n'a pas pris de rides. Toujours ce même visage glabre, mêmes cheveux châtains ébouriffés, même corps sans forme. Son style va vite séduire les sceptiques. Bon sur sa ligne, envergure incroyable, il a les deux pieds et joue haut. Un vrai plus pour une équipe qui a souvent la balle. Et puis Van der Sar est un malin. Un roublard. Surtout lors d'une séance de tirs au but. Monsieur va prendre son temps pour se décrotter les chaussures sur un poteau avant de terminer sur l'autre. Ce n'est pas pour rien qu'en finale de Ligue des champions 2008, il repoussera la tentative de Nicolas Anelka avant d'être élu meilleur joueur du match.
Chez les Red Devils, on ne l'attendait plus. On se disait que le successeur de Peter Schmeichel ne viendrait plus après les échecs de Taibi, Bosnich, Barthez ou encore Tim Howard. Et puis « Ice Rabbit » est arrivé. Vieux. Expérimenté. Sans prétention. Et solide. Comme l'atteste sa folle série de quatorze clean sheets successives en championnat durant la saison 2008/2009, approchant, avec 1 311 minutes d'invincibilité, le record mondial détenu depuis 1990 par le Belge du FC Bruges, Danny Verlinden (1 390). Un géant qui fait tomber un record. Comme ça. C'était ça, Van der Sar. Dans un style bien à lui. « Il est unique. Pour lui, garder les buts n'est pas un sport, juste un métier. Son travail, dit-il, est juste de rester sur ses jambes, d'attraper le ballon et de le relancer le plus vite possible. Il considère que plonger est inutile » , a raconté un jour au Sunday Times Jaap Visser, l'auteur de sa biographie officielle. D'ailleurs, VDS n'a jamais été un grand communiquant. Ni même un joueur charismatique, et encore moins un précepteur, comme peut en témoigner son dernier remplaçant à MU, Tomasz Kuszczak, à qui il n'adressait ni la parole ni le plus petit conseil. Chacun sa merde, quoi.
Mais ne le prenez pas pour un salaud, c'est juste un professionnel aguerri. Et jusqu'au bout, le Lapin sera au sommet de son art. Son dernier acte ? La finale de la Ligue des champions 2011. On a connu clap de fin plus dégueulasse. À quarante ans et 242 jours, Van der Sar va disputer sa cinquième finale de C1. Ce qui fait de lui le plus vieux participant à une finale. Dommage pour lui, Edwin est parti sur une défaite. Contre le Barça de Guardiola. Il a quitté MU après six ans de succès (4 titres de champion, une C1, une Coupe du monde des clubs, une League Cup) et une pelletée de records. Une fois les crampons raccrochés, Edwin a retrouvé les Pays-Bas et l'Ajax. Pour se rapprocher de son épouse, Annemarie, victime d'un accident vasculaire en décembre 2009. Aujourd'hui, VDS est directeur marketing de l'Ajax Amsterdam. Il n'a pas pris une ride. Ni un kilo.
Par Mathieu Faure
Vous avez relevé une coquille ou une inexactitude dans ce papier ? Proposez une correction à nos secrétaires de rédaction.