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Strachan, la cicatrice Ferguson

Par Maxime Brigand
Strachan, la cicatrice Ferguson

Sélectionneur de l'Écosse depuis janvier 2013, Gordon Strachan fête aujourd'hui ses soixante ans. Si sa légende n'est plus à écrire, un passage reste indélébile : sa fracture avec Sir Alex Ferguson lors de leur passage commun à Aberdeen, et ce, malgré les titres historiques. Récit.

Une soirée de mai à Glasgow. Ici, certains aiment l’appeler César, d’autres préfèrent lui taper sur l’épaule comme quand on retrouve un vieil ami et lui donner du Billy, par respect. Une légende se respecte, c’est comme ça, et Billy McNeill est un mythe. S’ils sont aussi nombreux ce soir-là, c’est en partie pour le voir, lui et son costume. C’est le printemps 78 et McNeill a rangé ses crampons depuis près de trois ans maintenant. S’il est dans cette salle, face à cette assistance et ces sourires, ce n’est pas pour revisiter ses mémoires. Bien sûr, on peut, en le regardant, se repasser les images du sacre de Lisbonne, celui contre l’Inter en finale de la C1 1967 (2-1), de ses neuf titres de champion d’Écosse et de ses quelques coupes levées. Dans la mémoire collective, Billy McNeill est avant tout ça : le plus grand capitaine de l’histoire du Celtic, un club qu’il avait rejoint à dix-sept ans, où il a passé toute sa carrière et où il reviendra plus tard. Et avant tout ce soir-là, de mai, à Glasgow. C’est peut-être là que la vie d’entraîneur de Sir Alex Ferguson a changé, que celle de Strachan a pris un autre virage aussi.

Car depuis quelques semaines, Jock Stein, autre légende, a décidé de se retirer du banc du Celtic après treize ans de règne. Stein a été le guide de McNeill sur un terrain, il veut maintenant le pousser sur le banc des Hoops, alors que Billy sort de sa première saison pleine en costume avec Aberdeen. Cette soirée de mai, c’est celle des awards. Un moment, Jock sort McNeill de la foule et l’installe dans un coin. Regard fixe, voix stricte. « Billy, est-ce que tu veux revenir au Celtic ? » Silence. « Je t’ai posé une question : est-ce que tu veux entraîner le Celtic, oui ou non ? » Stein n’est pas du genre à poser deux fois les questions. Et Stein n’est pas une personne à qui on dit non. Quelques jours plus tard, Dick Donald, le président d’Aberdeen, accepte de lâcher un coach qu’il voyait rester pour la vie au Pittodrie Stadium. McNeill aura ses succès à Glasgow, mais aura aussi des regrets quant à ce départ précipité. Sir Alex Ferguson, lui, prend sa chance et débarque le 1er juin 1978. Pour la suite que l’on connaît. Pour l’histoire, en somme.

Le petit, le faux et le vrai

Gordon Strachan, lui, n’a alors qu’une vingtaine d’années. Sa carrière ne fait que décoller. Ce qu’il a de plus que les autres ? Un cœur au moins aussi gros que ses couilles, le talent avec. L’enfant d’Édimbourg déteste la défaite. Ce sera aussi le cas, plus tard, en tant qu’entraîneur. Une preuve : au printemps 2001, alors qu’il vient de comprendre que son Coventry va descendre en deuxième division, il rentre chez lui. Il ne peut accepter la situation et se sent incapable d’assurer un repas de famille dominical avec la famille de sa femme, Lesley. Il s’en va marcher et la rappellera quelques heures plus tard. Strachan a marché dix-sept kilomètres pour oublier. C’est donc ça le goût de la défaite. En 1978, il n’est pas encore international et semble même en être loin. Gordon est arrivé à Aberdeen quelques mois plus tôt pour sauver Dundee de la banqueroute – son transfert estimé à 50 000£ empêche, en quelques jours, de faire chuter l’institution –, mais ne s’est toujours pas imposé chez les Dons. Le principal regret de Billy McNeill est là : « Je n’ai jamais travaillé avec Gordon Strachan. Je veux parler du vrai Gordon Strachan. Du joueur qu’il est devenu ensuite. » L’explosion sera donc l’affaire de Ferguson, un homme que Strachan voit arriver comme « une seconde chance » . Problème, Fergie n’a pas quarante ans, soit à peine plus que les plus vieux de l’effectif.

Alex Ferguson n’est alors pas Sir, il n’est pas diplomate, laisse surtout parler son ego et pense avant tout à imposer ses méthodes, peu importent les sentiments. L’une des premières questions que lui pose le président d’Aberdeen, Dick Donald, est donc : est-ce qu’on garde « le petit Strachan » ? Le coach écossais le voit comme un talent en devenir et ne veut pas s’en séparer. Tant mieux, car Gordon ne veut pas bouger. Il s’est marié l’été précédent – un mariage qu’il a d’ailleurs passé sans les deux dents de devant, fracassées lors de l’enterrement de vie de garçon – et compte s’imposer. La suite est connue : une finale de League Cup la première année contre les Rangers, un titre de champion la deuxième devant le Celtic, une Coupe d’Écosse la quatrième, et un doublé C2-coupe la cinquième, entre autres. Gordon Strachan devient un indiscutable, un international, et explose aux côtés de Mark McGhee. Une époque où Ferguson utilise le même levier qu’il le fera plus tard à Manchester : seul contre tous. « Glasgow ne nous aime pas. Eh bien, nous ne les aimerons pas non plus. » Une époque, surtout, où Ferguson regarde Strachan avec les yeux de l’amour au point de débusquer lui-même un rendez-vous pour son joueur avec le spécialiste Patrick England, un mec qui soignait le genou du prince Charles. Le Barça s’y intéresse, Arsenal aussi, puis Tottenham, Southampton, la Juventus, Valence. Ce sera Cologne, mais dans le dos.

Le traître et le lunatique

Mais que s’est-il passé ? Gordon Strachan s’est simplement lassé de voir toujours les mêmes vestiaires, les mêmes gueules et les mêmes stades. Il rêve de grandeur depuis la Coupe du monde disputée en Espagne. Un jour, en Allemagne, il croise un homme au bord d’un terrain où Aberdeen joue un match amical. « Tu aimes bien Nuremberg ? – Oui. – Tu aimes bien la ville ? – Oui, oui. – Eh bien, je suis le président. » Drague directe. Ferguson a compris qu’il allait perdre l’un de ses joueurs de base. Alors, lorsqu’il le reçoit un jour dans son bureau, il est, lui aussi, direct : « Tu ferais mieux de me dégager ce putain de sourire de ton visage. Je suis encore là pour cinq ans. » Ce sera finalement deux ans avant de rejoindre Manchester United. Mais à l’été 84, Strachan se barre bien. Ce sera à Manchester United, sauf qu’il a signé, plus tôt, un pré-contrat avec Cologne que le club anglais doit compenser financièrement. Ferguson n’accepte pas ce départ et, pire, affirme encore aujourd’hui que Strachan est « un traître » . Dans le cœur de Sir Alex, la cicatrice est profonde malgré le fait que les deux hommes se soient ensuite retrouvés à Manchester – d’où Strachan filera rapidement pour Leeds après l’arrivée de Fergie – et qu’ils se soient ensuite croisés à quelques reprises au bord des terrains en Ligue des champions. L’histoire est tenace, vive. Strachan parle du Ferguson « lunatique » et non d’un modèle. Rien n’est plus comme avant. Mais la légende, elle, est toujours vivante. À jamais.

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Par Maxime Brigand

Tous propos tirés de Gordon Strachan, The Biography.

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