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Stoke ne veut plus faire du Stoke
En Angleterre, Stoke City a longtemps été étiqueté comme l'équipe du kick and rush par excellence. Mais depuis 2013 et le départ du lanceur de javelot Rory Delap et du pragmatique Tony Pulis, les Potters essayent de se muer en joueurs de football. Une petite révolution pour ce club de la banlieue bucolique de Manchester.
Quelques secondes après le coup de sifflet final d’un laborieux match contre Hull City, le speaker du Britannia Stadium annonce l’homme du match. Comme souvent cette saison, le Français Steven N’Zonzi rafle la distinction. Des « Oooh Steven N’Zonzi » descendent des travées du stade. Depuis son arrivée à l’été 2013, l’ancien joueur d’Amiens a permis (enfin) aux Potters de poser le jeu au sol. Calé devant la défense, en sentinelle, il dicte le tempo, oriente, guide, récupère et casse les lignes en relançant proprement et dans les pieds. À son arrivée, il n’était pourtant pas certain de rester, mais comme un symbole, Mark Hughes en a fait la condition de son arrivée dans le Staffordshire. Ont suivi les renforts de joueurs de ballon (Arnautović, Odemwingie, Ireland, Assaidi), moins grands, moins testostéronés, mais un poil plus techniques. « En Angleterre, depuis que Pulis est parti, on nous considère plus comme l’équipe de bouchers. On joue avec Mark Hughes maintenant, affirme N’Zonzi. Dès qu’il est arrivé, il nous a dit: « Les gars, maintenant on va jouer comme ça. » » Le coach gallois enterrera définitivement le style Pulis quand, le 22 juillet 2014, Stoke transfère le petit Bojan d’1m73. « Il a eu du mal à s’adapter aux contacts au début, mais après il a su les éviter. Il est tellement impressionnant » , raconte N’Zonzi qui jouait déjà avec un autre transfuge de la Masia, Muniesa.
La pâte Mark Hughes
Les Anglais, en bons fans de statistiques, ont voulu jauger l’évolution de style, et la différence est effarante. Le pourcentage de passes réussies est de 80% sous Mark Hughes (calculé sur la saison 2013-2014, ndlr), quand sous Pulis (saison 2012-2013 ndlr), le taux n’était que de 70%. À Stoke, on balance donc moins de longs ballons et on préfère désormais un décalage ou une passe en retrait. Le pourcentage de passes réussies dans le dernier tiers du terrain est également passé de 56% à 66%. Un chiffre révélateur d’un jeu mieux ficelé et moins dépendant des contingences de longs ballons aériens balancés. La nouvelle stratégie de Hughes fonctionne, même si Stoke se crée moins d’occasions et marque un peu moins de buts par match. L’ancien coach de Manchester City n’est pas fou et sait qu’il faudra du temps à sa formation pour totalement effacer ses habitudes et en finir avec ses traditions. C’est pourquoi, même si aujourd’hui cantonnés à des rôles de joker, Charlie Adam, monsieur jeu long, et Peter Crouch, meilleur buteur de la tête de Premier League avec 46 buts (ex-aequo avec Alan Shearer), sont restés. D’ailleurs, ce sont eux qui sont venus en aide aux Potters contre Hull quand le jeu de passes courtes imposé par Hughes ronflait sérieusement. À une quinzaine de minutes du coup de sifflet final, Adam balance donc dans la surface sur le géant Crouch qui place une tête en pleine lucarne. L’action rappelle celles entrevues sous Pulis. Signe que Mark Hughes n’a pas totalement métamorphosé la bête.
« C’est nul de jouer à domicile »
Si Stoke est connu pour être une équipe redoutable à domicile, tous ses joueurs préférent curieusement les déplacements. En cause, un vent capricieux et glacial s’infiltrant dans les quatre extrémités ouvertes du Britannia. Construit sur une colline dans les années 1990, non loin d’une usine en brique rouge familière à une certaine couverture des Floyd, le stade des Potters est aujourd’hui plus un handicap qu’une réelle arme. « C’est nul de jouer à domicile, t’as vu mon match, avec le vent j’ai pas touché un ballon » , souffle Mame Biram Diouf, remplacé à l’heure de jeu. Même constat chez Steven N’Zonzi, qui assure qu’aucun de ses petits camarades n’aiment jouer au Britannia à cette période : « On n’a jamais fait remonter la chose à la direction. Je crois que ça coûterait trop cher de fermer totalement le stade. Peut-être faudrait-il mettre des paravents. » Même si les Potters ont, avec le temps, pris le pli des tourbillons de vent qui viennent tourmenter les trajectoires des passes et des frappes, la tare pénalise aussi les locaux. À domicile, Stoke se classe 11e, n’a marqué que 17 buts et en a encaissé le même nombre. Un bilan mitigé. Loin de leur stade venteux, les Potters ont engrangé autant de points, mais sont plus performants en terme de classement, puisqu’ils se placent septièmes sur 20. Mark devra donc non seulement batailler avec ses joueurs, mais aussi contre le vent pour que Stoke en termine définitivement avec le kick and rush.
Par Quentin Müller