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Six mètres, la dernière pierre de la révolution

Par Maxime Brigand
Six mètres, la dernière pierre de la révolution

Si le Manchester City-Liverpool de dimanche dernier a été un plaisir pour les yeux, il a également été un cadeau pour les tacticiens. Pour la première fois lors d'un match officiel, la nouvelle règle concernant les six mètres s'est transformée en véritable arme de déstabilisation de l'adversaire. Une arme qui s'insère parfaitement dans ce qui est la base du football de Pep Guardiola : la relance ; mais qui vient aussi confirmer l'évolution du rôle du gardien de but en tour tactique. Explications.

Angel Cappa a la tête qui tourne. Voilà pourquoi : « À la fin de l’année 2006, Pep Guardiola m’a appelé moi, comme il a appelé plein de coachs. Appeler juste pour parler de jeu, l’analyser, le fractionner, le découper, ça a l’air complètement fou aujourd’hui, mais sa soif de comprendre était inaltérable. Je savais quand commençaient mes discussions avec Pep mais jamais quand elles allaient se terminer. C’est rare qu’un joueur soit aussi préoccupé par le jeu : lui, il voulait le comprendre, le dominer, le poser sur un brancard et le disséquer. » Durant l’été, c’est au tour de Guardiola d’avoir des vertiges. Le monde du foot a alors les yeux tournés vers l’Allemagne et le Catalan prend en pleine bille le football pratiqué par le Mexique, dirigé par Ricardo La Volpe. Pourquoi lui, pourquoi ce type qu’on dirait tout droit sorti de la tête de Sergio Leone ? Parce que ça : « La Volpe a opté pour que sa défense soit à l’initiative du jeu et qu’elle ne se contente pas de simplement défendre. Pour La Volpe, commencer à jouer, c’est se faire des passes entre défenseurs, sans grandes intentions. Mais il oblige à autre chose : il oblige à sortir en jouant pour que les joueurs et le ballon avancent ensemble et en même temps. Au Mexique, on m’a raconté qu’il oblige ses défenseurs à faire des courses de trente minutes avec le ballon sans s’arrêter. À la moindre erreur de passe, si le terrain n’est pas étiré comme du chewing-gum, si une passe n’est pas faite au gardien comme le jeu l’impose, il exige de tout reprendre à zéro. Il corrige, crie et recommence une centaine de fois s’il faut. Voir son Mexique jouer au football, c’est fantastique. » Il est comme ça, Pep : quand il aime, il le dit.

Et quand il aime, il fonce. Alors, en octobre 2006, le Catalan prend la roue de son ami cinéaste David Trueba, attendu pour le travail à Buenos Aires, et s’envole en Argentine. Sur place, Guardiola naît : il rencontre dans un hôtel du quartier de Palermo un certain Matias Manna, qui ouvrira plus tard un blog dédié aux idées footballistiques de l’ancien joueur du Barça, s’entretient ensuite avec César Luis Menotti dans un restaurant, puis part finalement dans la province de Santa Fe pour déterrer Marcelo Bielsa, alors retiré du foot depuis son échec sur le banc de l’Albiceleste. La discussion entre les deux hommes va durer douze heures, il y est question de schémas, de Louis van Gaal et donc d’un point d’accord, mis en mots par Bielsa : « J’ai calculé que l’Ajax réalisait en moyenne 37 passes vers l’arrière. Le supporter voit ça comme un refus de jouer, mais indéniablement, cette passe vers l’arrière est le début d’une nouvelle attaque. » Pep Guardiola est convaincu qu’il veut construire et qu’il veut le faire « à partir du ballon » . Un jour, en 2007, alors qu’il n’a toujours pas entraîné d’équipe, il monte sur un podium pour s’adresser à des entraîneurs en passe d’obtenir le diplôme et lâche sa cible : « Dans le football, l’essentiel est de voir où sont les hommes libres. » La Volpe, Van Gaal et Bielsa s’embrassent. Si Guardiola veut le ballon, c’est avant tout pour une chose : faire bouger l’adversaire.

« On ne la passe pas si l’adversaire ne sort pas »

Voilà pourquoi l’entraîneur de Manchester City parle de « relance » plutôt que de « sortie de balle » et pourquoi il demande à ses défenseurs de passer le ballon avec des intentions précises en tête. Tout simplement parce qu’il s’appuie sur le principe de la supériorité numérique et donc de la quête de l’homme libre : un joueur qui permet au bloc de progresser ligne par ligne tout en attirant l’adversaire vers soi. « Si je donne mon ballon sans que l’adversaire ne vienne sur moi, je ne crée aucun décalage, expliquait Dante – qui a connu Guardiola au Bayern – à L’Équipe, il y a plusieurs années. Donc il disait : on ne la passe pas si un adversaire ne sort pas. » C’est le principe de la conducción, qui veut qu’un joueur porte le ballon uniquement dans l’objectif de provoquer un mouvement adverse, ce qui nécessite évidemment des individualités avec de grandes qualités techniques. Ainsi, l’organisation défensive est devenue logiquement l’épicentre du football de Guardiola et, miracle, au printemps dernier, l’IAFB (International Association Football Board) a décidé de donner une arme supplémentaire au cocktail tactique du technicien catalan en modifiant la règle concernant les six mètres. Si jusqu’ici un gardien ne pouvait jouer qu’avec un joueur se trouvant en dehors de la surface, il lui est désormais possible de relancer avec un équipier se trouvant dans les 16,5 mètres. L’adversaire, lui, doit toujours se tenir à distance tant que le ballon n’a pas été mis en mouvement. Action, réaction : dimanche, lors de la victoire de Manchester City sur Liverpool lors du Community Shield, Guardiola a d’ores et déjà mis à profit cette avancée réglementaire, qui favorise le jeu rapide.

Jusqu’ici, City jouait ses six mètres avec les deux centraux placés le long de la surface de réparation. Comme ceci :

Dimanche, tout a été bousculé : Claudio Bravo a joué ses six mètres avec un Otamendi placé dans la surface de réparation à ses côtés, ce qui permettait ainsi la création d’un carré net (Bravo-Stones-Rodri-Otamendi) selon ce schéma.

La fameuse supériorité numérique est alors formée et, Liverpool pressant avec trois têtes (Origi-Firmino-Salah), la sortie de balle peut s’effectuer avec quatre joueurs. Cette nouvelle règle permet donc aux latéraux (ici Walker et Zinchenko) et aux ailiers (Silva et Sané/Sterling) de donner de l’amplitude, ce qui a une conséquence simple : la zone à défendre pour l’équipe adverse devient automatiquement plus importante et de nombreux espaces se forment pour les joueurs de City à l’intérieur. Dimanche, cela aura marché très bien pendant la première période pour Manchester City, moins en seconde, où Liverpool a globalement dominé. Cela a surtout transformé le gardien en pièce maîtresse de l’organisation de son équipe.

Un gardien transformé en tour tactique

Fin observateur du football de Guardiola, l’entraîneur des gardiens du Paris FC, Mickaël Boully, n’a pas manqué ça : « Cette règle vient confirmer que le gardien de but est plus que jamais dans un rôle tactique. Quand son équipe a le ballon, il devient ainsi un taureau tactique, un onzième homme qui porte des gants mais qui est complètement intégré à la structure. Ça va dans le sens de la révolution du poste mais cela impose aussi un enseignement précis la semaine. Ce n’est pas de l’aléatoire et ça ne peut être qu’une arme de déstabilisation si elle est parfaitement maîtrisée, si tu as un gardien assez technique et des défenseurs capables de trouver des solutions rapides et efficaces car à ce jeu-là, ta marge d’erreur est très réduite. » Aujourd’hui, peu d’équipes peuvent se risquer à de telles relances et cela impose un travail spécifique du poste de gardien plus élargi, que ce soit sur la notion d’espace, de jeu en triangle, de maîtrise des angles de passe… « Désormais, la phase défensive se déplie en deux axes : soit le gardien défend son but, soit il défend une zone, poursuit Boully. City arrive très bien à jouer ces situations car Ederson est un gardien exceptionnel au pied mais qui n’hésite pas, aussi, à évoluer très bas, presque dans ses six mètres. Lorsqu’il était à Lille, c’est ce que demandait Marcelo Bielsa à Mike Maignan et c’est ce qui avait permis de révéler les grandes qualités de jeu au pied de Maignan. »

Durant l’été, deux autres équipes ont utilisé cette règle : Benfica et l’Inter Milan, qui avait alors utilisé, face à la Juventus, deux joueurs dans la surface pour accompagner Handanovic dans sa relance.

Benfica, de son côté, a exploité une faille de la nouvelle règle lors d’un match contre l’AC Milan : sur un six mètres, on a ainsi vu le gardien grec Vlachodimos jouer rapidement une louche avec Ruben Dias, qui lui a remis de la tête, ce qui a permis une relance à la main rapide.

« Mais je me demande si ce n’est pas détourner les règles, s’interroge Boully. Imaginons qu’un joueur fasse ça à la fin du temps réglementaire, pour gagner du temps. Est-ce que c’est sanctionnable ? Je poserai la question à l’arbitre ce week-end, en lui montrant justement cette action. » La saison à venir va en tout cas être très intéressante à suivre tactiquement sur ce point car si cela offre un schéma supplémentaire à la relance d’une équipe comme Manchester City, un club comme le Barça, dans lequel Ter Stegen joue aussi très bas, devrait aussi en profiter, ainsi que Benfica, le PSG avec Areola, ou le Leeds de Bielsa, par exemple, car cela permet aussi « la profondeur » . Mickaël Boully note également un autre aspect d’étude : « Dimanche, le pressing de Liverpool a finalement été assez léger et Firmino craignait de s’aventurer trop haut, de peur d’ouvrir automatiquement un espace derrière son dos. On va voir naître de nouvelles phases tactiques, avec des blocs très haut et ce sera à celui qui sera le plus malin. » Les têtes n’ont pas fini de tourner.

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