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Sit-in d’Anatole Ngamukol au siège de la FFF : du harcèlement au mépris

Par Clément Barbier, au siège de la FFF
Sit-in d’Anatole Ngamukol au siège de la FFF : du harcèlement au mépris

Trois fourgons, une voiture de police et une quinzaine de membres des forces de l’ordre. Le tout devant le siège de la Fédération française de football. C’est la triste conclusion du dernier épisode d’une saga que la FFF a décidé d’animer par son silence face à la situation de l'ancien attaquant rémois Anatole Ngamukol, victime de harcèlement moral, alors que cette même Fédé est invitée à s’exprimer sur le sujet par le ministère des Sports. Épisode rocambolesque qui se conclut toujours dans la discrétion perturbante de la Fédération.

L’histoire remonte à il y a de cela quatre ans. Anatole Ngamukol, revenu au Stade de Reims – son club formateur – après deux saisons convaincantes au Red Star, est mis au placard par le club champenois dès l’été suivant. Après le sacre de champion de France de Ligue 2, en 2018, la direction invite son attaquant à chercher une porte de sortie ou reprendre l’entraînement avec la réserve, au vu de son temps de jeu qui s’était émietté au cours de la saison précédente. Mais le Franco-Congolais refuse, persuadé qu’il aura sa chance en équipe première dans le courant de la saison. Vient alors le 31 août, dernier jour de mercato, et date après laquelle il est impossible d’intégrer de manière indéfinie un joueur disposant d’un contrat professionnel au groupe « pro 2 » , selon l’article 507 de la Charte de la LFP. Au terme d’un bras de fer avec le Stade de Reims, Anatole est mis à pied puis licencié deux mois plus tard, après des propos qu’aurait tenus son grand frère, Alain, dans le bureau de Mathieu Lacour, le directeur général du club. Le Stade de Reims propose de conclure la relation par un accord à l’amiable, le président Caillot est même prêt à payer Ngamukol jusqu’à la fin de la saison. Mais le joueur décline et préfère se rabattre sur le terrain de la justice, que son frère maîtrise à merveille. Depuis, la carrière d’Anatole Ngamukol (34 ans) est en stand-by après une pige au Paris 13 Atletico, et Mathieu Lacour a été condamné pour harcèlement moral, ayant signé la lettre sommant Ngamukol d’intégrer le groupe pro 2.

Genèse d’un combat

Fin mars 2022, l’UNFP adresse un courrier à l’attention des présidents Noël Le Graët (FFF) et Vincent Labrune (LFP), déplorant à travers celui-ci que les faits de harcèlement moral ne soient jamais sanctionnés, et que les instances ferment les yeux sur ces situations, alors qu’elles sont pourtant réactives lorsqu’un projectile décide de finir sa course sur une pelouse. Le syndicat y regrette entre autres le manque de protection des joueurs. Le mois suivant, la ministre des Sports Roxana Maracineanu écrit à Vincent Labrune, président de la Ligue de football professionnel, l’exhortant de l’éclairer sur les démarches engagées par la LFP concernant les mises à l’écart de joueurs professionnels, et dans ce cas précis, celle d’Anatole Ngamukol. Ni la LFP, et surtout ni la FFF – qui régit les décisions d’organes de la LFP sur délégation de service public – n’ont daigné donner suite.

C’est donc ce mardi que l’entourage d’Anatole Ngamukol, soutenu par l’UNFP, a décidé d’aller se faire entendre de son plein gré au siège de la Fédé. Dans le détail, le casting se compose de la sorte. D’un côté, l’UNFP est représentée via son vice-président David Terrier, son directeur du service juridique Stéphane Burchkalter, et son directeur de la communication Stéphane Saint-Raymond. Le clan Ngamukol, lui, se compose d’Anatole, son grand frère Alain, ancien de la Suge (surveillance générale de la sûreté ferroviaire) et expert en droit, et Sullivan Jous, militant associatif et élu dans la ville de Sevran. La femme d’Anatole Ngamukol, enceinte et partante pour se joindre à l’équipe, en est finalement dissuadée. Enfin, un confrère du Parisien complète le cortège.

Le ministère a essayé de contacter la FFF, qui fait la sourde oreille avec des fins de non-recevoir.

Sullivan Jous explique en amont la raison de ce sit-in au siège de la Fédération française de football, avec beaucoup de clarté. « La FFF a l’obligation, de par la délégation de service public qu’elle reçoit, de lutter contre tout type d’ostracisation, de harcèlement, de discrimination et toute entrave à la loi, précise l’élu de l’opposition à Sevran. Elle doit faire respecter les valeurs de la République au sein du monde du football professionnel. Il y a une décision de la cour d’appel de Reims qui reconnaît la faute civile dans une juridiction pénale de Mathieu Lacour pour harcèlement. Il y a une décision du conseil des prud’hommes. Depuis le mois de décembre, c’est le ministère qui demande à la FFF de nous recevoir, de nous entendre. Nous avons le soutien de Madame Roxana Maracineanu, l’ancienne ministre des Sports, détaille également Sullivan Jous. Le ministère actuel, avec le changement de gouvernement, nous a réaffirmé son total soutien sur le sujet. Il a essayé de contacter la FFF qui fait la sourde oreille, avec des fins de non-recevoir. C’est pourquoi nous sommes venus en délégation, avec l’UNFP, pour obtenir des réponses sur l’obligation qui incombe à la FFF de devoir lutter contre tout type de discrimination et de harcèlement. »

Dialogue de sourds

Le mot d’ordre : se faire entendre. Rendez-vous est donné ce mardi à 10 heures, devant le siège de la FFF, boulevard de Grenelle, dans le 15e arrondissement parisien. Un quart d’heure avant, pas un chat devant le siège de la Fédération, mais deux agents de sécurité, installés à l’intérieur du bâtiment, dont l’un a été recruté spécialement en vue du sit-in, surveillent particulièrement les lieux. David Terrier et Stéphane Burchkalter débarquent peu après 10 heures à l’angle de la rue, devant la boutique officielle de la FFF. Le clan Ngamukol suit. Sullivan et Alain ne perdent pas de temps et prennent soin de régler la caméra pour filmer l’entrée de la troupe dans le bâtiment de la FFF. Le cortège pénètre dans l’enceinte aux alentours de 10h30, Alain Ngamukol en tête. Celui-ci plante le décor à l’agent de sécurité, qui refuse que le groupe aille plus loin. Pas du goût de la délégation, forcément. « Qu’est-ce qui nous en empêche ? On va rentrer et rester ici. Tout va bien se passer. On ne fera aucune dégradation et on n’empêchera personne de travailler », milite Sullivan. Alain insiste et pénètre dans le hall, ce qui a le don d’irriter le plus âgé des deux vigiles – déterminé à laisser la bande à l’extérieur du bâtiment – et qui y va d’un virulent « disposez monsieur, s’il vous plaît ! », au moment où le frère de la victime insiste et vise les canapés, situés cinq mètres plus loin, au fond du hall. « Vous n’allez pas m’empêcher de m’asseoir, quand même, lui rétorque Alain Ngamukol. Ne me touchez pas, vous me faites perdre du temps pour rien. Arrêtez de vous mettre devant moi, vous me fatiguez », râle-t-il encore, caméra à la main.

Impassibles, les hôtesses d’accueil, derrière leur comptoir, contactent la police. Une première équipe de cinq agents débarque sans vraiment se presser, ouverte à la discussion. Alain joue le médiateur, dressant une nouvelle fois les contours de la situation aux agents de police, leur fournissant ce fameux courrier signé de la main de Roxana Maracineanu. Alain est confiant, prévalant qu’il est impossible qu’un commissaire assimile à un délit le fait que des gens viennent réclamer leur droit. Le frère de l’ex-Rémois anime le débat presque à lui seul avec les policiers. Plus discret et plus silencieux, Anatole Ngamukol préfère rester en retrait, laissant son frère avancer ses pions sur ce qui s’apparente à un échiquier géant.

Les agents prennent les identités de chacune des huit personnes présentes et se retirent du bâtiment quelques secondes, avant de revenir dans le hall et inviter la troupe à quitter le bâtiment. Alain décline l’invitation, s’amusant à jouer avec la nuance entre invitation et obligation. « Je veux voir jusqu’où ils vont aller, pour marquer l’histoire », annonce le frère de l’attaquant. « Je veux voir ce que le procureur a à me raconter. De mon côté, j’ai fait le nécessaire. Je me battrai pour les valeurs de la République et l’avenir de nos enfants. Je préfère avoir des problèmes et savoir que je suis dans mon bon droit », insiste Alain Ngamukol. Évidemment, du côté de la Fédé, personne ne consent à descendre, excepté les salariés à l’heure de la pause déjeuner, marqués par l’incompréhension devant la situation. Pour sa part, la troupe est stupéfaite du mépris de la FFF vis-à-vis d’Anatole Ngamukol et de la scène qui se trame dans le hall de son siège. Les représentants de l’UNFP sont abasourdis et répètent à l’envi le terme de mépris. Les agents de sécurité assurent de leur côté que le clan ne sera pas reçu. Qu’importe, l’équipe est bien décidée à poursuivre son sit-in.

Trois fourgons de police devant le siège de la Fédé

12h42. La délégation patiente, objecte, discute, débat depuis plus de deux heures. Une femme, caméra en main, apparaît de l’autre côté de la rue, en face du siège de la Fédé. Objectif braqué sur les portes en verre. Serait-ce un autre journaliste présent sur les lieux ? Sullivan s’en va s’inquiéter de la situation, et est informé qu’il s’agit en fait des renforts de police, venus filmer l’évacuation imminente du hall par les forces de l’ordre. Alain mijote alors un plan qui consisterait à adresser un pied-de-nez à la police. Bingo. 12h46, le groupe quitte les lieux de lui-même, prenant soin de saluer la première équipe d’agents de police, campée dans le siège de la Fédé. La camerawoman veille cependant à bien garder le cortège en ligne de mire. Débarquent alors, trois minutes plus tard, trois fourgons de police et une quinzaine d’agents décidés à en découdre, le tout pour un groupe de huit personnes, dont deux journalistes et trois représentants de l’UNFP. En pleine rue, ces derniers relèvent les identités, ce à quoi Sullivan s’était opposé, justifiant que le groupe avait quitté le bâtiment. Les forces de l’ordre donnent finalement rapidement la permission à la délégation de circuler.

Quelques rues plus loin, la bande, sidérée que la FFF ait pu faire appel aux forces de l’ordre, prend place dans un Starbucks et débriefe du sit-in matinal, où les termes « honte », « mépris » et « foutage de gueule » sont notamment à l’ordre du jour. Mais le combat ne fait que commencer. « Il y a d’autres actions qui sont envisagées, avec lesquelles le syndicat est d’accord », concède Sullivan Jous. Les péripéties de ce début de journée estivale seront quoi qu’il en soit remontées au ministère, qui souhaite se tenir informé de ce dossier qui semble parti pour durer. Anatole, picorant son sandwich qu’il avait lui-même préparé, dévoile son espoir : celui que son cas en amènera d’autres afin de créer une brèche vers un monde où le silence ne serait plus roi dans ce genre de situations. « C’est une ouverture. Je monte en première ligne. Il faut peut-être que des joueurs se mobilisent ou fassent grève pour avoir des réponses », résume-t-il. Il est 14h, le soleil se couche sur l’éprouvante journée du clan Ngamukol. Du côté de la FFF, on traitera ce dossier plus tard. En tout cas après la pause-déj’.

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Par Clément Barbier, au siège de la FFF

Tous propos recueillis par CB // Photos : CB

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