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Signorini retourne sur les pas de Maradona
Presque trente et un ans après le match entre l’Argentine et l’Angleterre lors de la Coupe du monde 1986, Fernando Signorini est retourné dans le stade où Diego Maradona est devenu immortel. L’ancien entraîneur du Pibe de Oro revient sur ce jour qui a fait l’histoire du foot en marchant lentement pour suivre les traces d’un moment indescriptible avec des mots.
Il y a des endroits qui restent toujours dans la mémoire du foot mondial. C’est le cas du stade Azteca, théâtre dans lequel Diego Maradona a soulevé la Coupe du monde 1986. Surtout, c’est là qu’il a écrit l’histoire avec sa main droite, et surtout avec son pied gauche face à l’Angleterre quelques jours auparavant. Depuis, cette enceinte dans laquelle avait déjà eu lieu la consécration du grand Brésil de Pelé, Rivelino et Carlos Alberto (Mondial 70) est devenue encore plus mythique. Une sorte de sanctuaire de pèlerinage de tous les supporters argentins, napolitains et d’autres origines qui rêvent de pouvoir vivre les mêmes émotions que Maradona, en foulant cette pelouse sacrée. Parmi eux, il y en a un qui était là le 22 juin 1986, et qui connaît comme personne le dieu du foot napolitain et argentin. Il s’appelle Fernando Signorini. Il était son entraîneur personnel, et, en février 2017, trente et un ans après ce fameux Argentine-Angleterre, il a eu l’occasion de retourner à l’Azteca. Entre souvenirs et émotions.
Saint-Valentin
L’histoire sait choisir les dates des rencontres les plus passionnantes. 14 février, jour de Saint-Valentin. Le club mexicain Coras de Tepic, dont Signorini est l’un des entraîneurs, se rend au stade Azteca pour un match de Copa Mexicana face à l’América, l’une des grandes équipes du Mexique, entraînée par Ricardo La Volpe. Juste avant le match, le staff a un peu de temps pour aller voir l’état du terrain. Signorini entre doucement sur la pelouse. Il raconte : « Ça a été une sensation bizarre, comme si j’allais me présenter à quelqu’un que je connaissais déjà. Quand j’ai fait mon premier pas, j’ai senti l’adrénaline monter dans mes veines et je me suis rendu compte que j’avais envie de vivre de nouveau cette émotion. » Alors, l’ancien copain de Maradona, comme guidé par l’histoire, retourne précisément à l’endroit où Diego a écrit sa légende.
Direction le milieu de terrain, là où le slalom fou a débuté. « J’ai marché jusqu’au milieu de terrain et je suis allé chercher la même zone où il a fait un tour de torero pour changer de direction et entamer l’action que tout le monde connaît par cœur. J’ai essayé de m’imaginer ce que Diego pensait à ce moment, mais franchement, je crois qu’il a fait ça de façon naturelle, sans réaliser qu’il était en train d’inventer le meilleur but de l’histoire. » Ce but, Signorini le connaît par cœur, comme tous les Argentins. Alors, il continue de marcher sur la pelouse de l’Azteca, et reproduit le parcours effectué par Diego. Sa promenade est calme, dure 45 secondes, 34 de plus que le plus beau tango dansé dans l’histoire du foot : « Moi, je le fais avec calme, mais j’imagine tous les joueurs qui étaient autour de lui dans cette action, les Anglais qui essayent de l’attraper et même Valdano qui le suivait à gauche. Cependant, je n’arrive pas à expliquer ça de façon rationnelle. Les meilleures choses de la vie sont inexplicables et ce but fut comme ça. C’est fou de vouloir analyser ça. C’est comme si quelqu’un m’avait demandé de décrire les émotions que j’ai senties quand j’ai vu pour la première fois la baie de Naples, une beauté hors catégorie ! »
El Camino de Diego
À la fin de ce parcours historique, Signorini marche vers le banc où il était il y a trente et un ans. « Ce jour-là j’étais sur le banc, mais il y avait tellement de gens autour de moi que je n’ai pas très bien vu le premier but, celui de la main. Bref, l’arbitre ne l’a pas vu non plus (rires) » Il revient aussi sur le moment de l’explosion de joie du public argentin, après le deuxième but qui a rendu fou le monde entier : « Les photographes à côté de moi m’avaient empêché de voir ce qui était en train de se passer et, au moment du but je n’ai vu que le filet bouger et j’ai imaginé que Diego avait marqué, mais ça m’était égal, je savais que j’avais assisté à un moment inoubliable. Ça a été un chemin glorieux, comme faire le Camino de Santiago, sauf que dans ce cas, ça a été El Camino del Diego. » Signorini quitte finalement la pelouse, car le match entre Coras de Tepic et América va bientôt commencer. À quelques minutes du coup d’envoi, Signorini aperçoit de loin, dans les couloirs qui mènent à la pelouse, le gardien d’América, Agustin Marchesin, argentin comme lui. Les deux hommes se saluent, et Marchesin lui glisse ces quelques mots : « À chaque fois que j’entre sur cette pelouse, je pense à Diego. »
Par Antonio Moschella