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Si le Paris FC montait en Ligue 1…

Par Nicolas Jucha
5 minutes
Si le Paris FC montait en Ligue 1…

Depuis plus de trente ans, le serpent de mer d'un second grand club à Paris revient régulièrement. Et quand Londres s'éclate avec sa dizaine de clubs professionnels, le PSG reste le seul représentant de la capitale dans l'élite française. Un potentiel que les spécialistes jugent inexploité.

Fin juillet 2017, le Paris FC était repêché en Ligue 2 pour remplacer un SC Bastia relégué administrativement. Une promotion à froid, sans préparation adéquate, avec un effectif construit pour le National. Les conditions idéales pour vivre une saison cauchemardesque. Ou au contraire réussir un exploit. Après 32 journées, le club de la capitale sait qu’il ne retournera pas de suite à l’échelon 3, et peut se permettre de rêver à une montée dans l’élite. Une présence sur le podium en fin de saison, ce serait « une bonne chose pour l’économie et l’image de la Ligue 1 » , estime Vincent Chaudel. Pour le directeur marketing du cabinet Wavestone, de manière générale, « c’est toujours positif quand un club à fort potentiel public type Strasbourg, Lens, ou une équipe d’un gros marché remplace un club au potentiel plus limité par sa position géographique ou son histoire. »

Dans le cas du Paris FC, c’est la marque « Paris » et son bassin de « dix millions d’habitants » qui le rendent attractif. Surtout que pour le spécialiste du marketing sportif, un second club parisien ne serait pas un luxe. « On stagne en matière d’affluences au stade depuis 1998, quand l’Allemagne, pour ne citer que cet exemple, a su passer un gros cap avec le Mondial 2006. Avoir du monde au stade, c’est être plus attractif pour les diffuseurs, annonceurs et autres partenaires. C’est aussi avoir des retombées merchandising fortes, car les gens au stade achètent des choses. »

Joue-la pas comme le Matra Racing

Pour l’instant, le Paris FC n’est pas forcément l’exemple idoine du club qui attire les masses dans son stade, avec une moyenne de moins de 5000 spectateurs à domicile. Et pour Guillaume Bodet, co-responsable du master de management des organisations sportives à l’université de Lyon, ce club a un clair déficit d’identité en comparaison avec le Red Star, l’autre club parisien. Mais le PFC en Ligue 1, ce serait autre chose pour Chaudel, « avec un niveau sportif correct, capable de se maintenir et d’être pérenne. Il passerait rapidement à du 15 000 ou 20 000 d’affluence. S’il devenait un postulant régulier aux places européennes, il dépasserait les 25 000. » Mais surtout, le Paris FC en Ligue 1 pourrait booster les affluences des autres pensionnaires de Ligue 1. « En France, on aime bien mettre une claque au pouvoir central, donc toutes les équipes qui accueillent le PSG sont surmotivées. Même moins ambitieux, le Paris FC resterait un club de la capitale, donc une opportunité de payer le pouvoir central. Même en candidat au maintien, le Paris FC serait dans le top 10 des affluences à l’extérieur. » Un point sur lequel Guillaume Bodet est à moitié d’accord : « Y a-t-il vraiment une demande pour un second club en Ligue 1 à Paris ? Une fanbase solide comme disent les Anglo-Saxons. D’après moi, le sport se propage plus naturellement dans les villes de province. Regardez en handball par exemple, excepté le PSG, les autres clubs parisiens sont des clubs de banlieue. »

Question football, le PFC ne pourrait s’installer durablement comme le second club parisien que la France attend depuis plus de trente ans qu’avec une stratégie bien pensée. « Et notamment un positionnement totalement différent du PSG, se présenter comme l’alternative » , souligne Chaudel. Tout l’opposé du Matra Racing qui, dans les années 1980, s’est écroulé, car « trop semblable au PSG. Entre la copie et l’original, on a tendance à préférer l’original. » Au Paris Saint-Germain les moyens colossaux, les stars et les ambitions européennes, au Paris FC « le positionnement « Île-de-France », la formation, et donc l’exploitation d’un vivier énorme de talents que le PSG seul ne parvient pas à absorber » . Et la défense de certaines valeurs comme un projet de jeu fort et attractif selon Bodet, « car le PFC ne peut viser une communauté, culturelle, politique ou religieuse comme dans d’autres pays, et doit donc proposer une vraie « expérience » via ses matchs, un peu comme le RB Leipzig, obligé de prôner un jeu offensif et spectaculaire pour être accepté. »

« Les derbys Paris FC/PSG devraient se penser comme des événements. » Vincent Chaudel

S’il ne s’agit là que d’une prospective bien lointaine, Vincent Chaudel ne dirait pas non à l’investisseur qui viendrait soutenir le club et lui proposer de façonner son image. « Avec des moyens cohérents, je dirais qu’il y a un gros truc à faire. Il faudrait un vrai storytelling, pour que les gens comprennent que l’on n’est pas un PSG bis voué à l’échec, mais plutôt un Atlético de Madrid par rapport au Real. » Ce qui implique une philosophie, une histoire et une culture différentes, où la manière, le fonds de jeu et l’image seraient donc prioritaires sur l’acquisition de titres. Et où « a priori, il faudrait des investisseurs français, voire franciliens, si l’idée est de se démarquer du PSG » , renchérit Bodet. Sans oublier les contraintes structurelles posées par Chaudel : « Il faudrait aussi réfléchir à un nouveau stade à la dimension adéquate, car Charléty est sous-dimensionné pour un PFC en Ligue 1, mais le Stade de France, lui, serait surdimensionné. »

Une enceinte qui pourrait néanmoins servir « pour les grandes affiches, comme Lille et Lens l’ont fait dans le passé, ou comme cela se fait encore en Allemagne. Les derbys Paris FC-PSG devraient se penser comme des événements. » Mais Chaudel reste réaliste, un deuxième club à Paris, ce ne sera jamais simple dans un pays « centralisateur, où les pouvoirs publics préfèrent n’avoir qu’une équipe à soutenir, alors que dans d’autres pays, il y a un club pour une communauté, comme à Londres. » Reste le cas du Red Star, historiquement le second club parisien capable de revendiquer l’appellation « grand club » , même si le qualificatif se réfère au passé. « C’est un club avec une vraie identité, qui peut dégager quelque chose de fort. Mais dans leur identité, il y a un refus du football business, et aujourd’hui, sans l’approche business, c’est très dur d’exister au plus haut niveau. »

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Par Nicolas Jucha

Propos de Vincent Chaudel et Guillaume Bodet recueillis par NJ

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