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Scholes, l’art né des ombres

Par Florian Lefèvre
4 minutes
Scholes, l’art né des ombres

Devenu aujourd’hui un consultant apprécié dans le PAF britannique (BT Sport), Paul Scholes a passé toute sa carrière à fuir les médias. Le devant de la scène, très peu pour lui. Un caractère à l’image du joueur qu’il était : simple, sobre, mais criant de justesse.

Paul Scholes est un timide. Un grand timide. Pas vraiment le charisme incarné. Il n’aime pas les interviews. D’ailleurs, il ne s’est pas emmerdé avec un agent. Il n’aime pas non plus les compliments. Scholes a deux familles : les siens et Manchester United. En près de deux décennies en pro chez les Red Devils (1994-2011 et 2012-13), le « Cantona roux » s’est construit un palmarès en béton : 2 C1, 11 Premier League, 3 Cup, 2 League Cup, 1 Coupe intercontinentale, 1 Mondial des clubs… Et pourtant, les rares fois où il a été nommé pour le Ballon d’or (2004 et 2007), il n’a jamais recueilli la moindre voix des votants.

« Ce moment où j’attendais que le monde s’effondre autour de moi »

Le jour où le Ginger Genius a attiré la lumière des projecteurs, c’était en demi-finale retour de la Ligue des champions 2007-08. Manchester United reçoit le Barça des 4 Fantastiques – Eto’o, Henry, Messi, Ronaldinho -, mais c’est Scholes qui endosse le costume du héros. Presque un quart d’heure de jeu à l’horloge lorsque le milieu de terrain récupère une relance foireuse de Zambrotta : Scholesy contrôle, puis envoie une demi-volée splendide de l’extérieur du pied dans la lucarne de Valdés. C’est son bijou qui qualifie MU (0-0, 1-0), avant la victoire finale contre Chelsea, au bout du suspense des tirs au but.





Pourtant, lorsqu’il s’agit de se remémorer cette soirée glorieuse et le but le plus important de sa carrière, le milieu de terrain a une anecdote en tête. « C’est un moment que je n’oublierai jamais » , assure-t-il. Alors que le match vient à peine de démarrer, Lionel Messi profite d’une erreur de Patrice Évra pour s’infiltrer aux abords de la surface. « J’ai taclé, Messi s’est écroulé » , reprend Scholes. Old Trafford retient son souffle : penalty ? Scholes bluffe en désignant l’extérieur de la surface. L’arbitre accorde un coup franc au Barça. « Alors OK, j’ai marqué le seul but de la confrontation, et c’était l’un des mes plus beaux. Mais je n’oublierai jamais ces deux ou trois secondes où le meilleur joueur de la planète m’a forcé à faire faute sur lui. Ce moment où j’attendais que le monde s’effondre autour de moi. »

« L’arbitre aurait dû siffler penalty, et ce but à l’extérieur aurait permis au Barça d’atteindre la finale » , conclut Scholes. Mais qui se souvient davantage de la faute sur Messi plutôt que du missile superbement brossé vers les filets de Valdés, à part Scholesy lui-même ? Sans doute personne. Ou l’histoire d’un Mancunien d’origine irlandaise, qui a toujours préféré le travail de l’ombre à la gloire. « Paul était le professionnel irréprochable, certifie Roy Keane dans son autobiographie. Superbe sur le terrain, modeste et avisé en dehors. Avec lui, exit toutes ces conneries du showbizz. Il ne se met pas en avant. C’est un joueur d’exception qui est resté un homme simple. » Dans le vestiaire, fidèle à lui-même, Scholes ne parle pas pour ne rien dire. « Ses idées étaient brillantes. Toujours claires et nettes. Il n’y avait pas de place pour le« peut-être » » , comme l’affirme son mentor de toujours Alex Ferguson.

Le nain qui n’avait aucune chance

Eric Harrison, lui, l’a connu à l’âge de 16 ans. À l’époque, il voyait en lui du Kenny Dalglish. « On aurait dit qu’il avait des yeux derrière la tête. Il semblait toujours savoir où se trouvait chaque joueur sur le terrain, et dans quelle direction ils allaient. Il possède une capacité inégalée de lecture du jeu, et trouve toujours l’angle qui va lui permettre de transpercer la défense adverse d’une seule passe » , analysait son ancien coach en 2002. Vision, exécution, sont les maîtres mots de cette machine à laver des ballons.




Scholes, le « player’s player » de l’entrejeu des Red Devils aura passé toute sa carrière sous les couleurs de son club de cœur. Le « nain » qui n’avait « aucune chance » – selon les dires d’Alex Ferguson lorsqu’il le découvrit en équipe de jeunes à la fin des années 80 – deviendra finalement le fidèle lieutenant de Sir Alex. « L’un des joueurs les plus intelligents dans le jeu que le club ait jamais connus » , d’après le manager écossais. Tout un symbole, Scholes a raccroché les crampons quand Ferguson s’en est allé. Et le gamin de Langley avait prévenu : « Quand je partirai, le football me manquera, pas la vie de footballeur. » Trois ans après sa retraite, c’est comme s’il appartenait déjà à une autre époque.

Vidéo

Propos de Paul Scholes et Eric Harrison tirés de l’Independent, ceux de Roy Keane tirés des ouvrages Keane : The Biography et The Second Half.

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