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Scandale à la Maison Blanche
Adebayor arrive au Real et c'est une révolution. Mourinho a enfin son 9 et gagne son premier Austerlitz. Pour la première fois dans l'histoire du Real, un entraineur décide de la politique sportive et clashe publiquement son directeur général. Explications.
Il en est des hyper-coaches comme des héros des vieilles tragédies. Ils se battent contre le monde mais le monde ne le sait pas. Alors ils le lui scandent : « Je suis fatigué, mais pas par la pression (…), ce qui me fatigue, c’est qu’on attende de moi que je m’en prenne aux arbitres. Nous avons un club, un organigramme et je veux que ces gens défendent mon équipe » . Le 20 décembre dernier, le Real vient de l’emporter 1-0 à domicile contre Séville dans un match « où moi-même je n’aurais pas payé 1 euro pour aller le voir. Je serais même resté chez moi, j’aurais branché Eurosport et regardé un match de championnat vietnamien » . Compte-rendu à la main, le Special One a recensé « treize erreurs d’arbitrage » . Personne ne défend le Mou. Pour « personne » , comprendre “Jorge Valdano”.
En outre, à mesure que le Barça passe ses buts par colliers de cinq, la question du 9 devient un drame politique à Madrid. Et la politique est une affaire de puissants. Chez ces gens-là, les hommes sont des pions qui s’avancent puis se retirent. Pour un pion, il n’y a que deux destins possibles: celui de spectateur ou celui de victime. Mourinho ne fera pas monter Morata (18 ans) en équipe première et chouchou de la réserve, « il n’est pas prêt » . Pire, contre Majorque, c’est Kaka qui joue en pointe, pas Benz, chouchou officiel du président. Le Real ne frappe que cinq fois au but (au lieu des quinze habituelles). A la fin du match, Valdano ne manque pas sa cible : « Il y avait un 9 et ce soir, il était sur le banc » . $Une semaine plus tard, Mourinho répond : « Benzema est titulaire depuis la blessure d’Higuain mais il a marqué moins de buts que Ramos ou Carvalho » . Dont acte. Le Real a besoin d’un 9, la preuve, il n’en a pas.
Mais c’est qui Valdano ?
Jorge Valdano, c’est la maladie Mourinho. Le « Premier Ministre du club » dixit Florentino himself est le Sphinx chargé de veiller sur le monument madridiste. Perez, fatigué par son premier mandat de président galactique, a taillé de ses mains d’ingénieur ce poste à la mesure du héros merengue. Valdano n’est ni président (c’est Perez), ni directeur sportif (c’est Miguel Pardeza), ni conseiller spécial (c’est Zidane), Valdano est Directeur Général. Mais avant cela, Valdano a aussi été joueur, entraineur et directeur sportif du club. Et puis ensuite écrivain, chef d’entreprise et consultant pour les médias espagnols. Dans El Pais, en mai 2008, il glorifie Avram Grant, successeur de Mourinho à Chelsea : « C’est absurde d’attribuer aux entraîneurs plus de pouvoir qu’aux joueurs, seulement parce qu’ils ont de la force médiatique » . Valdano aime le beau, pas les beaux : « Si l’on permet un excès d’interventionnisme aux entraineurs, on supprimera toute idée de bonheur, d’abord pour les joueurs, ensuite pour les spectateurs » .
Mais deux ans plus tard, le Président fait voler la tête de Pellegrini, l’homme de Valdano. Mourinho est alors nommé et le Premier Ministre doit avaler sa première couleuvre. Forcé de s’excuser, il présentera lui-même le Mou à son arrivée à Madrid. Valdano est bien sur la photo car au Real de Perez, le Président décide et le Premier Ministre exécute. Mais le Mou, c’est le Special One. Et un Special One ne parle pas aux porte-flingues. « Je vais demander une réunion au président parce que c’est lui le numéro 1 et que je m’entends très bien avec lui » lance-t-il le 20 décembre dernier. Soit deux bonnes raisons de ne plus parler à Valdano. « Je ne parle pas avec Jorge Valdano, moi je parle directement avec le président » .
Le calme règne à Madrid
Le 20 janvier, Mourinho menace de quitter la Maison Blanche en juin si on continue à lui mettre du Valdano dans les roues. Or, « de toutes les choses qu’il réclame, le 9 est la plus raisonnable de toutes » confie un proche de Perez. Résultat : Mourinho institutionnalise son lien direct avec son président et, en cadeau, repart avec le 9 dont il rêvait. Valdano entend siffler ses tympans et préfère s’éloigner de l’ennemi puissant : « Depuis la responsabilité qui est la mienne, il est important de ne pas créer plus de tension qu’il n’y en a déjà. Si l’entraineur converse plus facilement avec Florentino, il n’y a aucun problème (…) Nous devons concentrer notre énergie sur nos adversaires. S’il faut prendre un peu de distance pour que lui (sic) se sente plus à l’aise, je la prendrai » . Le sage argentin se retire en silence, la langue des rois.
Thibaud Leplat, à Madrid
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