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Sara Hermanns : « On veut affronter l’équipe nationale des prêtres »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
6 minutes
Sara Hermanns : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On veut affronter l&rsquo;équipe nationale des prêtres<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

L’été dernier, Sara Hermanns a eu l’idée de monter la sélection italienne des transsexuels afin de lutter contre la discrimination et les préjugés, mais aussi dans le but de recueillir des fonds pour les œuvres caritatives. Sara en est le capitaine et numéro 10.

Bonjour Sara, peux-tu te présenter ?Je suis née à Bernen où mes parents avaient immigré, je suis allée à l’école dans un couvent de bonnes sœurs, une expérience traumatisante, nous étions traitées comme des bêtes. Ensuite, j’ai vécu à Caserte près de Naples, puis je me suis installée à Gênes à l’âge de seize ans, et ça fait un quart de siècle que je suis ici. Je te laisse calculer mon âge.

Il paraît que tu as également été actrice ?C’est juste, j’ai eu des rôles à la télé et au cinéma. Le problème, c’est qu’être transsexuel dans les années 90, ça voulait dire finir par se prostituer. L’État italien n’offrait pas d’autres alternatives. C’était impossible de trouver un travail vue la différence entre mon apparence et ma carte d’identité. Il y avait deux options : la délinquance ou la prostitution. Et Gênes a longtemps abrité la plus grande communauté transsexuelle d’Italie.

Comment est née l’idée de monter cette sélection nationale ?Il y a quelques années, avec le prête Don Gallo, nous, les prostituées du Ghetto de Gênes, avions posé pour un calendrier dont les recettes ont été entièrement reversées à des œuvres caritatives.

Avec des amis, nous avons rediscuté d’un moyen de faire passer ce message et c’est là que m’est venue l’idée de monter une équipe.

Chaque transsexuel était photographié de façon sexy, mais en effectuant des travaux normaux, le but était de faire passer le message suivant : les trans peuvent pratiquer un autre métier que celui de prostituée. Aujourd’hui, c’est plus simple, j’ai plein d’amies qui ont des jobs classiques, mais jusqu’il y a peu encore, ce n’était pas le cas. C’était une quasi obligation, mais je n’en ai pas honte, c’est l’État qui devrait avoir honte de m’avoir contraint à mener cette vie. Cela a toujours été mon point de vue. Avec des amis, nous avons rediscuté d’un moyen de faire passer ce message et c’est là que m’est venue l’idée de monter une équipe. Aussi parce que petit, j’adorais jouer au foot, contrairement à ce qu’on pourrait croire, je détestais jouer à la poupée.

Comment as-tu procédé pour former l’équipe ?J’ai pu compter sur Marco Pepé, un ami qui organise plein d’événements à Gênes, ainsi que sur la communauté San Benedetto al porto. J’ai donc passé des coups de fil, mais beaucoup de trans ont refusé, probablement par timidité ou par peur d’être trop exposées. On a organisé une conférence de presse à Rome le 24 Juillet, et j’ai lancé un appel pour que des personnages publics nous rejoignent afin que le message soit plus fort, du genre : « nous ne sommes pas homophobes et nous jouons avec eux » .

Qui a accepté ?Stefano Tacconi, ancien gardien de la Juve, Nino La Rocca, ancien boxeur, Niccolò Centioni qui interprète Rudi dans la série « I Cesaroni » , Milk & Coffee, un groupe de musique, et d’autres encore.

Qui se sont donc ajoutés aux trans.C’est cela. Quatre trans, moi y compris, dont un FtoM, c’est-à-dire une femme devenue un homme. On a quand même fait des essais avant de les recruter.

Moi je suis numéro 10 en l’occurrence, mais je suis surtout experte en baby-foot.

Par exemple, Valeria Canepa, une amie trans qui est docker au port de Gênes s’était proposée de jouer dans les buts, mais j’ai vu qu’elle n’en était absolument pas capable, et finalement, je l’ai mise en défense. Moi je suis numéro 10 en l’occurrence, mais je suis surtout experte en baby-foot. Je fréquente beaucoup les centres sociaux et j’y suis imbattable.

Pourquoi le nom d’Iron Ladies ?Les dames de fer ! Pas physiquement, mais caractériellement, cela traduit le courage qu’on a eu d’affronter une société qui ne nous accepte pas.

Quelle rencontre avez-vous disputé ?C’était le 4 août dernier dans le cadre du Summer Festival de Monte Urano, à Fermo dans les Marches. Nous avons affronté la sélection nationale de l’Amitié composée d’acteurs et anciens sportifs. C’était un petit stade et le public a répondu en masse, la recette a été reversée à une association afin d’acheter des lits pour les enfants dans les hôpitaux.

Mais ça a été un vrai match de foot ?Plutôt oui ! Les gens ne s’y attendaient pas. On a perdu 4-2 mais on a très bien joué, d’ailleurs beaucoup nous ont arrêté à la fin du match afin de nous féliciter car convaincus d’assister à un spectacle plus qu’autre chose. Mais non, on était préparées, on s’est entraînées pendant trois jours.

À quand une Nazionale avec 11 trans ? Il faudra un peu de temps, je dois continuer de faire passer des essais, mais aussi connaître les potentielles joueuses, savoir à qui j’ai affaire car c’est quelque chose de sérieux. Le prochain match nous serions déjà 7, il devrait se disputer cette fois à Gênes.

Contre quel adversaire ?

Mon objectif est d’affronter la sélection nationale des prêtes. J’ai déjà contacté leur manager, un laïque, il a été très disponible

J’ai plusieurs pistes. J’ai beaucoup d’amis bossant dans la Police Municipale, ils m’ont dit qu’ils avaient une sélection fut un temps, mais ils doivent la reformer, ce serait une piste. Mais mon objectif est d’affronter la sélection nationale des prêtes. J’ai déjà contacté leur manager, un laïque, il a été très disponible, or, il m’a dit que la sélection a été pour le moment dissoute, il faut donc du temps pour la remonter.

Ce serait extrêmement symbolique si cela venait à se faire.Bien sûr, d’autant que j’ai déjà proposé de reverser la recette aux personnes touchées récemment par les tremblements de terre. Du coup, ils ne peuvent pas vraiment refuser, ils sont dos au mur quoi. Je sais qu’ils n’ont plus joué depuis un moment, mais si ces prochains mois ils se reforment et affrontent une autre sélection, alors là, j’appelle de suite les journaux car cela voudra dire que leur refus de jouer contre nous a été un prétexte et que nous avons subi une discrimination.

Et un match contre une sélection de trans d’un autre pays ?Volontiers, mais nous sommes les seuls en Europe. Pourquoi ne pas en monter une la France ? Je ne sais pas quel est le degré d’homophobie et transphobie chez vous, mais c’est vraiment important de faire passer des messages.

Tu te sens plus à l’aise en talons-aiguilles ou en crampons ?Je jouerais au foot avec les talons-aiguilles !

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Propos recueillis par Valentin Pauluzzi

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