Le « président normal » est donc venu rassurer ces altruistes qui courent, malgré tout et comme tout le monde, après les sponsors, surtout depuis la découverte d’un trou béant dans les caisses du ministère des Sports, et donc d’une menace afférente sur les primes promises aux éventuels médaillés. Mais au-delà de la reconnaissance de la nation envers le petit peuple des stades – qui évoque souvent hypocritement l’amour du sport, faute de pouvoir profiter de la même bulle économique que le foot –, le socialiste en a profité pour égratigner un PSG qatari, sûrement symbolique à ses yeux du précédent quinquennat : « Il y a des équipes qui arrivent à gagner, y compris dans le sport professionnel, sans avoir nécessairement des rémunérations très importantes. » D’ailleurs, à ce propos, il faudra qu’il nous explique où se situe cette fameuse frontière séparant les « rémunérations très importantes » des fiches de payes acceptables dans un pays où le salaire médian tourne autour de 1600 euros par mois (c’est-à-dire que la moitié des employés et ouvriers touchent moins). On peut douter que, de ce point de vue, les Montpelliérains, champions de France 2011/2012, soient à ce point à plaindre ou à féliciter.
Un discours de droite ?
Le discours hollandiste se révèle d’un coup d’une naïveté déconcertante pour quelqu’un qui a toujours affirmé aimer et comprendre la question. En premier lieu parce que la réalité du foot européen, et même français, démontre au contraire que l’augmentation de la masse salariale d’un club reste généralement gage de performance, à défaut de déboucher automatiquement sur un titre. Ensuite, parce que dans la course aux armements à crampons, y compris en L1, les dix dernières années confirment plutôt cette logique, ce qui justement se traduit par la faiblesse en retour des équipes française en Ligue des champions et même en Europa League. L’anomalie, aussi sympathique et talentueuse soit-elle, de l’équipe de Louis Nicollin ne peut effacer une tendance lourde. En général, la gauche regarde l’ensemble pour comprendre la situation particulière, et non l’inverse. Et se focaliser sur une exception pour en tirer des leçons de morale sur la vie ou à distribuer à l’ensemble du corps social concerné, c’est finalement penser à droite. Autrement dit : c'est imaginer que le self-made-man éradique, par sa seule volonté, les lois sociales et économiques, donc que l’égalité des chances sur les pelouses s’avère possible en dépit de tout ce qu’il est possible d’observer.
Certes, une belle phrase sortie au détour d’une visite dans le centre délabré de l’excellence athlétique nationale (vieil héritage du gaullisme sportif qui rêvait d’élever la France au rang de grande puissance des anneaux) ne résume pas une politique sportive... ni fiscale. Il n’empêche qu'à force de pointer bons et mauvais footballeurs pros en fonction de leur niveau de salaire (négociés en nets, le plus souvent), ne passerait-on pas à coté du vrai rôle de l’État dans le cadre d’un capitalisme régulé, c’est-à-dire organiser la solidarité et garantir la fonction sociale du football ? Pour le reste, que chacun s’amuse à dilapider son argent ; du moment qu’il se soumet à la règle commune de l’impôt.
Une bien-pensance de gauche ?
Il y avait pourtant de quoi s’exprimer à ce propos. Les JO vont se tenir dans une perfide Albion qui ouvre largement ses bras aux exilés fiscaux, dont nombre de nos pros tricolores ! Avec un peu de finesse, les esprits si facilement indignés par l’arrivée des stars au PSG devraient se réjouir de l’inestimable contribution que les salaires mirobolants de Zlatan Ibrahimović et Thiago Silva ne vont pas manquer d’apporter au budget de l’État, bien davantage en tout cas que celles de beaucoup d’actuels internationaux évoluant en Premier League ou en Bundesliga (au hasard). De quoi réviser également le jugement de certains sur le coût de l’immigration… Madame Roselyne Bachelot aurait peut-être dû y penser avant de s’emporter sur iTélé avec, pour le coup, une logorrhée qui basculerait presque dans le « Travailleurs, travailleuses, on vous ment » : « Ça suscite chez moi de l'indignation et presque du dégoût de voir ces salaires absolument incroyables, alors que dans nos petits clubs de football, on se bat comme des chiens pour arriver à faire vivre ces clubs. »
Car l’ancienne ministre en charge, directement ou indirectement, du sport, serait bien inspirée de se pencher sur les réformes du gouvernement dans lequel elle a longtemps siégé et de l’ancienne majorité à laquelle elle appartient toujours, en principe, et qui n’ont pas franchement aidé ces fameux petits clubs à traverser la crise économique (on pense aux réformes territoriales, par exemple). Ce qui ne se révéla notamment pas sans conséquence - même si cela n’en constitue certainement pas la cause principale - sur la chute spectaculaire des effectifs de la FFF sous l’ère Sarkozy. Et quant à l’actuelle réalité du PSG, l’ex-ministre pourra sûrement y consacrer un chapitre de son prochain livre sur le bilan des années Sarko. Pour le titre, on lui conseillerait quelque chose comme Du Qatar à Maurras.
Nicolas Kssis-Martov
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