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Sacré Suarez !
Cet après-midi (14h30), Liverpool accueille son pire ennemi Manchester United avec vingt-et-un points de retard mais une arme en plus depuis janvier : l'infernal Luis Suarez, messieurs dames ! Portrait.
Faire une main en mondovision en quart de finale du dernier Mondial face au Ghana ouvre un drôle de champ des possibles à Luis Suarez. Il y a trois voies mais seulement deux possibilités. Évacuons d’entrée celle qui ne concerne par l’ancien goleador de l’Ajax Amsterdam : le réflexe crépusculaire façon Thierry Henry face à l’Irlande, l’Uruguayen ne facturant que vingt-quatre printemps au compteur. Reste les deux autres options : le geste isolé et sans lendemain à la Vata ou l’acte fondateur de futures conquêtes et chacun aura compris à quel Pibe on fait ici référence. Seul l’avenir dira la route prise par Suarez mais une chose est certaine : ne surtout pas compter sur lui pour nourrir le moindre traumatisme par rapport à sa manchette. « Je pense que n’importe quel footballeur a compris mon geste. Certains peuvent penser que c’était mal. Mais les Uruguayens sont tellement fous de football qu’ils étaient trop fiers d’atteindre la demi-finale. En tout cas, je méritais d’être expulsé. Manquer la demi-finale contre les Pays-Bas a été très dur à avaler pour moi » . Mais vital pour son équipe. Et c’est peut-être dans cette mimine qu’il faut lire la pertinence du choix d’aller à Liverpool. Le club par excellence où les individualités passeront toujours après.
Des chiffres vertigineux
D’ailleurs le jeune homme se fiche de ses stats comme de sa première tunique : « Mon rôle, c’est de marquer des buts. Je ne me demande pas si c’est important ou pas, ni comment je suis considéré. Ce qui compte, c’est ce qui se passe dans l’équipe. Ma place ne change pas au sein du groupe selon que je marque ou non. Et qu’est-ce qu’un buteur sans un bon passeur ? Ou sans les milieux qui se sacrifient ? Le buteur vit du travail des autres. Le but qu’il marque est juste le fruit qu’il récolte » . En fait, Luis Suarez se voit comme ça, comme le chaînon finissant d’un ensemble qui fonctionne bien. A Liverpool la prolo, l’idée risque forcément de plaire. Surtout quand la recrue du mercato hivernale assène : « Ne pas marquer, cela ne m’empêche pas de dormir » . De toute façon, le gaillard n’aurait pas souvent perdu le sommeil. Après une pige prometteuse chez lui au Nacional (dix pions en vingt-sept matches), le petit franchit l’Atlantique direction Groningen aux Pays-Bas sur des bases similaires (dix buts en vingt-neuf rencontres de championnat) avant de définitivement muter en caïd de l’Eredivisie à l’Ajax : quatre-vingt une réalisations en cent-dix sorties dont trente-cinq l’an dernier en… trente-trois journées ! Sans oublier une saison 2008-2009 à quatorze passes décisives… C’est écrit, Luis Suarez est parti pour faire un malheur à Liverpool même si le plus difficile commence sans doute pour lui.
L’ombre de Torres
Car, il ne faut pas se tromper, il existe un gouffre terrible entre le championnat néerlandais et la Premier League. On a tous en mémoire le Brésilien Afonso Alvès et ses trente-quatre buts en trente-et-un matches avec Heerenveen sans lendemain et qui aujourd’hui se traîne quelque part au Qatar, à Al Rayyan. Et puis Suarez a une drôle de succession à assumer chez les Reds, celle de Fernando Torres : cinquante-six buts en soixante-neuf titularisations lors de ses trois premières saisons sur les bords de la Mersey. Le troisième transfert le plus coûteux de l’Histoire du club (27 M€) aura bien du mal à faire statistiquement aussi bien que le plus cher Rouge de tous les temps derrière Andy « 41 millions » Carroll (trente-six barres pour El Nino). D’autant que Suarez évolue dans un tout autre registre. Là où le champion du monde espagnol jouait en “lone wolf” comme disent les Anglais, comprenez en loup solitaire seul en pointe dans un 4-2-3-1 idoine, Suarez, moins puissant sur la distance, plus joueur, plus collectif, a davantage besoin de points d’appui, à l’image de la triplette de folie qu’il forme en sélection avec Forlan et Cavani, avec lesquels il collectionne seize buts en trente-huit capes déjà, manière de démontrer qu’au plus haut niveau, son savoir-faire reste fiable. Trapu, vif, bon dribbleur dans les derniers mètres et une frappe chirurgicale, Suarez ne manque pas d’atouts… à condition d’être soutenu. Pas le point fort de Liverpool cette année où Gerrard, à qui l’on songe évidemment en premier pour jouer ce rôle en tandem, a laissé place à son jumeau paraplégique.
Mais Suarez n’est pas du genre à laisser filer. Déjà après le retour triomphal au pays, le buteur de la Celeste avait préféré repos et balnéothérapie aux festivités sans fin (et quand on voit dans quel état celles-ci ont laissé Forlan aujourd’hui, hein…). Un sérieux extrême sans doute né d’une prise de conscience dix ans plus tôt quand “Luisito” s’était repris en main in extremis alors qu’à seulement 14 ans l’ado de Montevideo sombrait tranquillement dans l’alcoolisme ! Quand on vous dit qu’il était fait pour Liverpool…
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