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Saad Abid : « Si le foot doit devenir écolo, ça risque de devenir extrême »

Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Doha
Saad Abid : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Si le foot doit devenir écolo, ça risque de devenir extrême<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le Maroc n'a toujours pas encaissé de but dans cette Coupe du monde, mais ces clean sheets ne se limitent pas au rectangle vert. En tribune, Saad Abid et son association Bahri ont insufflé la dynamique du nettoyage des tribunes. Pour l'image de son pays, mais surtout pour y changer quelques mentalités.

Depuis le début de la compétition, on te voit mener les opérations de nettoyage dans les tribunes marocaines. Comment est née cette initiative ?Je travaille avec une équipe de créateurs de contenus marocains, des gens qui comptent en cumulé 20 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux. On voulait faire vivre le Mondial aux Marocains qui n’ont pas pu venir, en mettant en avant notre culture, nos traditions, notre pays, comme des ambassadeurs, mais aussi profiter de cette Coupe du monde et de la présence de la sélection nationale pour donner une bonne image du public marocain. Généralement, dans notre pays, quand il y a des derbys, ça part en couille. Il y a de la casse, et les stades sont laissés dans un sale état. J’avais deux idées en tête avant d’arriver ici : nettoyer les stades comme peuvent le faire les Japonais depuis de nombreuses années et former une carte du Maroc visible depuis les airs avec les supporters. Malheureusement ici, les drones, c’est impossible. Je me suis donc concentré sur le premier objectif. Ça a pris, mais ça m’a donné envie de refaire le truc avec encore plus de monde pour le match contre le Canada.

Les gens au Maroc ont plus tendance à se foutre de ta gueule quand tu nettoies. Ils disent que ce sont des choses importées d’Occident, que ça ne marchera jamais au Maroc.

Dans les faits, comment as-tu procédé pour que le mouvement suive ?J’ai acheté 180 sacs-poubelle, on les a répartis dans le stade selon les tickets de chacun et le mouvement a pris de manière virale. La vidéo que j’ai postée après le premier match contre la Croatie a été beaucoup relayée. On a eu plein d’interviews avec Sky News, Al-Jazeera, CNN, Euronews, BBC… En douze ans de bénévolat, jamais on n’aura autant parlé d’une de nos opérations de nettoyage. Ça donne beaucoup d’énergie, parce que ça prouve qu’on ne fait pas ça pour rien. À la base, avec l’association Bahri, on s’occupe de la protection et du nettoyage des plages. En tant que surfeur, c’était naturel de défendre cette cause, mais je ne vais pas te cacher que les gens au Maroc ont plus tendance à se foutre de ta gueule quand tu nettoies. Ils disent que ce sont des choses importées d’Occident, que ça ne marchera jamais au Maroc. Ça montre un peu la mentalité. Pourtant, les gens qui ont participé à la collecte de déchets au stade le faisaient du fond du cœur. Oui les Japonais l’ont fait avant nous, de toute façon ils sont à des années-lumière de nous sur ces sujets, mais les bonnes initiatives, il faut les copier, il faut les reproduire.

C’est donc pour toi une manière de montrer que le sujet de l’écologie ne concerne pas que les pays européens ?Exact, c’est la nature de mon message. Dans l’islam, on dit que « la propreté, c’est la foi ». Il y a une sourate du Coran qui le dit. Si on appliquait ça, on ferait un grand pas. Là, on vient chez des gens qui nous accueillent dans leur pays, on a fait ce qu’on a pu. Une heure et demie, on a rempli 130 sacs. On n’a pas nettoyé tout le stade, hein, il restait encore de l’eau ou du coca renversé sur le sol, mais les agents de la propreté, la plupart bangladais – on dirait qu’ici les gens ont un poste en fonction de leur nationalité -, étaient hyper contents de voir qu’on les aidait. Quelque part, ça valorise leur travail.

Cette démarche est plus civique qu’écologique, quelque part, puisque tu sais que les déchets dans le stade finiront bien par être ramassés.Bien sûr. L’idée, c’est d’insuffler le changement. Quand tu fais ces gestes sous les yeux de ton enfant, il se rappellera plus tard qu’il ne faut pas jeter. Notre objectif est de sensibiliser, pas juste se vanter qu’on a ramassé tant de kilos. C’est de l’éducation, pour que chaque citoyen fasse son devoir de citoyen. Pendant le match contre la Belgique, un jeune garçon de 12 ans a fait la même opération en simultané au Maroc en ramassant les déchets de la plage à côté d’un stade où était diffusé le match.

Le désastre écologique que représente l’organisation de cette Coupe du monde au Qatar ne t’a pas posé un énorme dilemme ?J’étais partagé. C’est évidemment un événement hyper énergivore, avec sept stades sur huit construits de zéro ou la climatisation de partout, mais ça ne me concerne pas directement. De un, ce n’est pas moi qui ai donné l’organisation du mondial au Qatar. Je suis là en tant que supporter marocain. Avant la Russie, on n’avait pas été qualifiés pendant vingt ans, il était alors hors de question que je rate l’occasion de soutenir mon pays. De deux, je voulais venir et apporter ma pierre à l’édifice en faisant ce que je sais faire. Personnellement, j’ai été plus choqué par le drame humanitaire, avec les ouvriers morts sur les chantiers, que par le drame environnemental. Pourquoi ? Parce qu’une Coupe du monde, quel que soit le pays qui l’organise, le bilan carbone sera élevé.

Quand tu te mets en retrait en boycottant, automatiquement, tu es exclu et donc tu ne peux rien faire pour changer les choses.

Si je te suis bien, la solution de boycotter ne serait pas la bonne ?Quand tu te mets en retrait, automatiquement, tu es exclu et donc tu ne peux rien faire pour changer les choses. Là, si je peux changer la mentalité de cinq personnes, c’est déjà ça de gagné. Je suis convaincu que parmi les Marocains qui ont participé à l’opération dans le stade, certains vont changer leurs perspectives par rapport aux déchets ou même la protection de l’environnement.

Le fait que tout se passe pendant un mois dans la même ville, ça limite un peu ce bilan.Moi, je fais tout en métro. Dans le souk, des femmes vendent ce qu’elles cuisinent à la maison. Les supporters qui sont là pourront voir que le Qatar est propre. L’organisation mise en place, avec une main-d’œuvre importante, le permet. L’autre fois, il y a une fille qui a jeté un papier, je me suis retourné pour lui parler, quelqu’un avait déjà ramassé. C’est un truc de fou. Le seul truc, c’est qu’ils n’ont pas encore pris le pli du tri.

Le Qatar t’a-t-il sollicité pour que tu donnes une bonne image du Mondial ?Non, je n’ai eu aucun contact avec le Qatar, si ce n’est les mails que je leur ai envoyés avant de venir. Je voulais les prévenir que je voulais monter des opérations de nettoyage. On m’a répondu qu’il n’y avait rien à nettoyer. Et honnêtement, c’est vrai.

Le foot de niveau international peut-il devenir écolo ?Non, il faudra toujours faire venir les gens par avion, des supporters en masse. Tout ce qui est maillots, textiles, ce n’est pas idéal non plus… Il y a énormément d’émissions qui seront difficiles à supprimer, même si on peut espérer des améliorations. Si le foot doit devenir écolo, ça risque de devenir extrême. Les gens doivent vivre, ils doivent prendre l’avion ou le bateau pour voyager, voir le monde. Si tu commences à être trop extrême, à ne plus prendre l’avion, ne plus jamais manger de viande, tu ne vivras plus. Les déchets, il y en aura toujours. Quand on voit qu’en 2040, ils disent qu’il y aura 540 millions de tonnes métriques dans les océans contre 150 millions aujourd’hui, tu te dis qu’à ton échelle, tu n’es pas responsable de ça. Les gros producteurs, les compagnies qui utilisent du plastique à fond, c’est là le problème. À notre humble niveau, il faut trouver le juste milieu. Moi, mon bilan carbone en tant que citoyen est négatif, entre la soixantaine d’opérations de nettoyage que j’ai organisées cette année, le tri sélectif que je fais chez moi, mon scooter électrique, etc.

Est-ce plus simple de nettoyer un stade après une victoire ou une défaite ?Je me suis posé la question : si on perd, est-ce que les gens auront encore envie de le faire ? J’en ai parlé aux gens autour de moi, et tous étaient d’accord pour le faire quel que soit le résultat. Mais c’est sûr que c’est mieux de le faire après une victoire, parce que tu le fais avec le sourire. On va faire en sorte que ce soit le cas, avec encore plus de monde, pour le match contre le Canada. C’est un match spécial pour moi parce que j’ai fait mes études là-bas et j’ai pu avoir mon passeport canadien. C’est un pays qui m’a adopté, mais le Maroc, c’est mon sang.

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Propos recueillis par Mathieu Rollinger, à Doha

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