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Ronnie soit qui mal y pensait
Ronnie soit qui mal y pensait ? Oui. Ils étaient nombreux, ceux qui pensaient l'ami Ronnie fini. «Il a tout gagné, il s'en fout maintenant». «On l'a perdu, c'est mort». «C'est qu'un alcoolo». «De toute façon, les brésiliens...». Sceptiques, bougons, jaloux et autres bas-pensants pensaient avoir raison. Heureusement, ils se sont trompés: Ronnie n'est pas mort, merci pour eux. Et pour lui.
Dernier match en date du brésilien? Contre la Juventus, chez elle. Résultat, une Juve humiliée à la maison, trois buts à zéro, dont deux de notre oiseau. Dans le détail, ça donne un corner de Pirlo repris au premier poteau et dévié par De Ceglie pour le premier but, et un ballon placé hors de portée de Manninger pour le second alors qu’il est entouré de deux joueurs. Un doublé donc, et entre temps, pas mal d’autres réjouissances. Une ouverture millimétrée pour Beckham, injustement signalé hors-jeu alors qu’il filait au but. Une passe entre 35 défenseurs adverses pour Boriello. Un bon coup de boule, encore sur corner, qui, s’il n’avait été dévié par Poulsen, aurait été gagnant. Un contrôle façon stick UHU sur l’aile gauche, avant d’enchainer une virgule, sans que le ballon ne heurte le sol, pour le mettre en touche, dix mètres derrière lui… afin que Boriello, blessé, puisse être soigné. Un geste tout simplement impossible à réaliser pour le commun des mortels, un geste qui témoigne de la précision tout autant que de la rapidité d’exécution retrouvée de l’artiste
Bref, Ronnie, virgules, passements de jambes et crochets, a fait un joli match, efficacité, têtes sur corner, participation active… Il a même fait mieux, un bon match. Certes, pour le replacement défensif, on repassera, mais on va mettre ça, aussi, sur le dos de Ciro Ferrara: ce soir-là, sa Juve était tellement médiocre que Ronnie n’avait pas besoin de regarder derrière lui. Ce qu’il n’a de toute façon pas l’habitude de faire, et ce qu’il l’arrange bien. Derrière lui, le surpoids, les médisances, le spleen. Sans parler du PSG. Derrière lui, une domination totale sur le football de son époque, que ce soit dans les palmarès ou dans les esprits. Ronnie était au sommet, le sommet était ronaldinhien. Récemment élu, à juste titre, joueur de la décennie par l’illustre magazine anglais World Soccer et l’obscur magazine français SoFoot, celui que l’on appelle aussi Gaucho ne pouvait que chuter.
Alors il a chuté. Et donc, certains le pensaient perdu à jamais. Les pauvres. D’autres le pensaient obligé de se renouveler, à la manière d’un autre extra-terrestre brésilien, Ronaldo, le vrai, pour pouvoir continuer à exister. Corps impénitent, il se devait de devenir autre chose. Quoi? Lui seul était censé le savoir, mais sans doute quelque chose de plus rond. Aujourd’hui, Ronaldinho ne s’est pas (encore?) métamorphosé, il a simplement maigri, un peu, retrouvé la forme, beaucoup, et l’envie, à la folie. « Je m’amuse plus que quand j’étais à Barcelone. Je semble revenu à l’époque de mes 18 ans, quand je m’amusais comme un fou avec un ballon entre les pieds. Aujourd’hui, c’est le plus beau moment de ma vie » qu’il dit Ronnie. Et si on est pas obligé de le croire, on est bien content pour lui. Pour nous aussi, il faut bien l’avouer.
Aussi prodigieux puisse être Messi, il ne sera jamais aussi divertissant que Ronaldinhooooooo. Oh, vous pouvez ne pas être d’accord, ça ne change rien à l’affaire. L’argentin ne sera jamais aussi divertissant que le brésilien, c’est dit et répété. Et sans doute jamais champion du monde non plus. Ce qui est malheureux, puisque cela voudrait dire que l’Argentine aura une fois de plus déçu en phase finale (après avoir évidemment régalé tout le monde au premier tour et au cours d’un huitième d’anthologie contre les Anglais ou les Allemands). Champion du monde, Ronnie, lui pourrait bien l’être à nouveau. S’il continue ainsi, Dunga, au départ pas le premier pour la fantaisie, sera bien obligé de prendre en considération un retour de l’ex-barcelonais en sélection. Sélection qui, sans lui, tourne rond et s’affirme comme l’une des grandes favorites de la prochaine Coupe du Monde. Et avec lui ?
En attendant, le week-end dernier, Messi a effectivement mis trois buts, dont un très classe (lob sans contrôle). Soit. Mais le héros du week-end, c’est Ronnie. La moindre de ses arabesques, sans que l’on puisse se l’expliquer, est une source d’émerveillement que le plus beau des buts du petit catalan n’en procurera jamais. Mauvaise foi? Peut-être, mais impossible de nier que son histoire est plus belle. Pourquoi? Parce que c’est celle d’une rédemption. Ronnie a trop vite été enterré vivant. Aujourd’hui, il n’est pas forcément de retour à son plus haut niveau – et ne le sera sans doute jamais – mais il va mieux. La preuve, après la victoire face à la Juve, pour célébrer les 39 ans de son frère, Roberto Assis, il s’est offert une petite virée dans la ville piémontaise et un petit boeuf avec des potes musiciens. Sa prestation au surdo, tambour brésilien, lui a valu une ovation du dance floor, avant de quitter la boîte sur les coups de trois heures et demi du matin. Définitivement, Milan et le monde retrouvent le vrai Ronaldinho. Pendant ce temps-là, Messi, lui, ne sait même pas jouer du triangle, et n’a sans doute même pas la permission de minuit.
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