Les girouettes gagnantes
Si son nom est souvent associé à Marseille, le mistral n’épargne pas les environs de Montpellier. Frappées de plein fouet par le vent violent, les girouettes héraultaises ne savent plus où donner de la tête. Copieusement conspué après une prestation médiocre à la Mosson face au Stade rennais (0-0), Rémi Cabella était, ce dimanche, le héros du triomphe montpelliérain face à l’Olympique lyonnais (5-1). Auteur d’un doublé, de trois passes décisives et, plus globalement, d’un récital face au septuple champion de France, le meneur de jeu de Jean Fernandez a donné la fameuse meilleure réponse aux critiques : celle du terrain. Un retour en force qui n’aide pas forcément à faire passer une pilule qui a été difficile à avaler pour « RC » . « Il était très malheureux après cela » , avouait tranquillement Jean Fernandez en conférence de presse. L’intéressé, qui s’était fendu d’un simple tweet en réaction aux sifflets ( « Merci pour les sifflets, dans son propre stade ! Belle mentalité » ), a lui tenu à réagir au micro de beIN Sport. « Après les sifflets d’il y a une semaine et demie, c’était surtout à moi de changer, de montrer sur le terrain. Aujourd’hui, ça s’est bien passé, je me devais de me rattraper » , balançait-il la tête froide. Une réaction tranquille, posée et réfléchie, pas forcément en adéquation avec l’image globale que véhicule le gamin. Mais pour Rémy Cabella comme pour d’autres, les apparences mentent.
Kéké au grand cœur
Le constat est malheureux, mais Rémy Cabella souffre du mal du siècle du footballeur : il paye son apparence. Ici une photo avec Chris Mavinga et Yann M’Vila, jambe droite du jogging relevée, cheveux plein de gel, diamant à l’oreille, le tout à Palavas-les-Flots, là des grigris pas toujours utiles, ou encore un amour pour les jeux vidéos, « RC10 » a la panoplie du footballeur kéké qui fait jaser et qui déplaît. Et si le gamin a gagné en sobriété au cours des derniers mois, autant dans son jeu que dans son look, c’est encore avec une image de sale môme qu’il écume les pelouses de France et de Navarre. Un avis qui n’est pas partagé par Jean Fernandez, toujours en conférence de presse. « C’est un gamin qui a été formé au club, qui donne tout pour le club, pour son maillot. Je le vois tous les jours, il donne tout, il est imprégné par les valeurs du club. Il a raté deux frappes et deux passes, et alors ? C’est un jeune joueur, pas un grand joueur, même s’il a le potentiel pour le devenir. Des matchs comme ça, il en fera d’autres » , abondait le coach héraultais après le mauvais match face à Rennes. Sorte de papa du petit Rémi, Louis Nicollin est également monté au créneau pour défendre un gamin « toujours présent pour les supporters, toujours disponible » .
Rien à voir avec cet air exubérant, que Cabella cultive également sur le terrain. Diamant brut depuis son arrivée à Montpellier, le technicien fait partie de ces joueurs qui agacent par leur talent, leur aisance et leur amour de la beauté du geste. Des hommes qui gagneraient à évoluer dans la simplicité, mais qui ne vivent que par la difficulté et la prise de risque. Ceux dont les coéquipiers s’apprêtent à gueuler lorsqu’ils tentent quelque chose d’impossible, avant de se raviser car cette folie est devenue réussite. S’il avoue avoir essayé d’avoir moins de déchet dans son jeu et que son père dit de lui qu’il a mûri, Cabella sait bien qu’il ne pourra jamais avoir un jeu parfaitement épuré. Au fond, ce n’est pas ce qu’on lui demande. Comme il y aura toujours quelque chose à jeter d’un match de Gervinho, Cabella ne terminera jamais un match à 98% de passes réussies et 0 balle perdue. Non pas parce que le môme est bête, simplement parce que le football est l’amour de sa vie et qu’il ne le vit que par le biais de la passion, de ce qui l’amuse, lui fait plaisir, sans jamais oublier d’où il vient. Né à Ajaccio, où il a évolué au Gazélec, Cabella est devenu footballeur à Montpellier, où il a ramassé la Gambardella 2009 avec Stambouli, Belhanda et les autres. Cet été, le Corse était courtisé par l’OM, un club qui le botte, mais pas question d’aller au clash. « C’est vrai que j’aurais pu partir en cacahuète quand le club m’a dit qu’un départ serait possible dans un an, mais pas maintenant. Et c’est vrai que l’OM, ça me disait bien. Mais je n’ai pas fait la gueule parce que ça ne me ressemble pas, tout simplement. » « Dans ma tête, c’était "Je veux bien aller à l’OM" et non pas "Je ne veux plus jouer à Montpellier" » , avouait-il dans les colonnes de France Football. Il faut dire qu’après avoir été révélé l’année du titre, avoir confirmé la saison suivante (sept buts, six passes décisives), Cabella pourrait être l’un des vrais hommes forts de la saison en Ligue 1. Un homme que l’on siffle, car on a peur de lui.
Par Swann Borsellino
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