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Rémi Garde à l’épreuve d’effet

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Rémi Garde à l’épreuve d’effet

L'OL participera bien à la prochaine Ligue des Champions pour la douzième fois de suite. Une qualification enlevée à Kazan malgré dix dernières minutes crispantes et sans retrouver les promesses de jeu aperçues à l'aller. L'occasion de revenir sur l'effet Garde. Mais au fait, c'est quoi l'effet Garde ?

C’est le passage obligé de la chronique lyonnaise de ce début de saison : traquer l’effet Garde en prenant soin, si possible, d’y aller de sa comparaison avec l’ère Puel. Après ce premier mois d’exercice et un premier tournant bien négocié avec cette douzième qualification acquise pour la prochaine Ligue des Champions, il y a deux façons de voir les choses. La première peut se réduire à cette simple évidence : il y a bien eu changement. Des fois qu’on en aurait douté, c’est tout un club qui est venu nous rappeler ces dernières semaines à quel point l’arrivée d’un nouvel entraîneur servait de rupture.

La preuve par l’effet

Prenez l’homme fort de ce début de saison, Michel Bastos, qui donne l’impression de vivre une sorte de renaissance match après match : « Ces derniers temps, on avait perdu l’habitude de jouer ensemble. Là on l’a retrouvée. Je pense que la façon dont Rémi nous fait travailler nous aide beaucoup » . Un discours qui colle tellement à celui de Bernard Lacombe et de la direction qu’il pourrait en devenir suspect : « On sent que les joueurs ne jouent plus avec le frein à main. Ils jouent vers l’avant et, ce qui est très bien avec Rémi, c’est que tout le monde sait ce qu’il doit faire. Les autres années, les joueurs faisaient énormément d’efforts, mais on avait l’impression qu’ils ne s’étaient jamais vus » . Il y a sans doute de l’effet de com’ dans ces déclarations servies à la chaîne. On y retrouve surtout cette règle qui vaut pour l’OL comme pour n’importe quel autre club : le changement d’entraîneur a bien pour vocation à se forger un nouvel état d’esprit, à rompre avec certaines habitudes, voire à bousculer les hiérarchies. Le plus souvent, tout cela se joue à l’abri des regards, le temps de ces premiers entraînements qui accompagnent une nouvelle prise de fonction à la tête de l’équipe. Pour les Lyonnais, leur exposition au-dessus de la moyenne les a obligés à mettre tout ça en mots. En les parant, bien entendu, des plus belles évidences.

Autant dire qu’on attendait avec impatience ce tour préliminaire de Ligue des Champions pour passer l’effet Garde et son corollaire, la rupture avec les années Puel, au révélateur de ces matchs qui peuvent décider de la suite d’une saison. Tous les éléments étaient réunis pour espérer en tirer quelques enseignements : un tirage délicat où se mêlent l’inconnu qui entoure la cohorte des clubs de l’Est lointain et le souvenir d’une équipe suffisamment dure et organisée pour faire plier le Barça, la pression d’une confrontation qui vaut son pesant d’or (20 millions d’euros) pour un club aux caisses vides, et un effectif un rien limite avec ses blessés (Gourcuff, Ederson, Cris), ses absents (Lacazette, Grenier) et sa recrue dernière minute (Koné) qu’il faut faire passer du National aux soirs d’Europe. Résultat, l’OL s’est qualifié, mais l’effet de rupture rendu spectaculaire grâce à la belle prestation collective du match aller à Gerland (3-1) paraît plus difficile à cerner 90 minutes plus tard, la faute à ces dix minutes où les Lyonnais, menés 1-0, auraient très bien pu prendre le bouillon.

En vrai, ce qu’on a compris, c’est que l’effet Garde ne saurait se réduire aux belles intentions de jeu annoncées par l’intéressé lui-même lors de sa prise de fonction, pas plus que le mandat de Claude Puel ne s’est résumé au seul blues épais qui a accompagné ses derniers mois à Lyon. Mesure de précaution ou non, Rémi Garde cernait lui-même les limites du changement dans Le Progrès avant d’accueillir le Rubin Kazan : « Le plus difficile est de succéder à quelqu’un avec qui l’on a travaillé, de près au début, d’un peu plus loin sur la fin. C’est une situation que l’on n’aime pas trop. (…) L’apaisement du climat peut faire gagner des matches, y contribuer au moins, mais ce n’est que passager » .

De Wenger à Puel, détours de Garde

A force de s’en remettre au seul retour des sourires sur les visages de Cris et de Lisandro à l’entraînement pour mesurer les bienfaits de l’arrivée de Garde sur le jeu lyonnais, on a fini par oublier que le nouvel entraîneur était moins novice qu’il n’en avait l’air. Comme l’avaient esquissé les matchs de préparation, Rémi Garde est un coach qui s’adapte en fonction des hommes et des situations. Pour fonder un 4-4-2 qui certes fait la part belle au duo Lisandro-Gomis, mais qui rappelle aussi au passage l’absence d’animateurs et de récupérateurs au volume calibré pour le 4-3-3. Aux joueur et au système ensuite de répondre aux exigences du moment : la possession de balle, les renversements de jeu et le mouvement pour créer des intervalles qui font la différence à Gerland ; les lignes resserrées, la conservation de balle et le jeu en contre pour maintenir l’avantage à Kazan.

Un choix qui aurait dû permettre à l’OL de se qualifier sans passer par la case crispation si les attaquants s’étaient montrés plus déterminants à l’aller comme au retour. Un choix qui a surtout deux mérites, le premier de rappeler que Rémi Garde possède bien ces principes du mouvement permanent acquis au contact d’Arsène Wenger dont il fut un des relais essentiels comme a pu l’expliquer l’un de ses anciens coéquipiers, Adrian Clarke, dans The Independent : « C’était comme si on avait fait venir Rémi Garde pour nous expliquer ce que Wenger attendait de nous, joueurs, en termes de passes, de mouvement et de comportement. (…) Il avait 30 ans à l’époque, mais il semblait avoir bien plus. La plupart d’entre nous le voyaient d’ailleurs comme une sorte d’entraîneur-joueur virtuel, quand bien même il ne faisait pas partie de l’équipe des coachs » . Son second mérite est de montrer que Garde peut tout aussi bien s’accommoder de l’héritage de Claude Puel qui, il ne faudrait pas l’oublier, a permis à cette équipe de passer bien des embûches à chaque fois que ça secouait sévère.

Cette façon de faire évoluer son équipe et son dispositif au gré des exigences du moment a permis à l’OL de retrouver cette Ligue des Champions qu’il connaît si bien. Reste à savoir maintenant s’il a les moyens de retrouver la place qui était la sienne toutes ces années où il frayait parmi les plus belles écuries de la compétition. On pense tenir un indice avec l’entrée tardive de Miralem Pjanic hier à la 84ème minute. Voilà trois matchs, deux fois comme remplaçants et une fois comme titulaire, que le prodige bosnien rappelle quel drôle de joueur il est dès qu’il peut jouer dans l’axe à proximité des attaquants. Problème, Rémi Garde ne tient pas pour le moment ce genre d’homme à tout faire qui doit accompagner un meneur à la Pjanic au milieu, comme aux plus belles heures du 4-3-3, celles où Djila Diarra était de la partie. Son insistance répétée pour faire venir N’Dinga a bien quelque chose à voir avec cette lacune. Lui manquait jusqu’à présent l’argument qui ferait la différence pour convaincre sa direction. On serait tenté de dire qu’avec cette qualification, il en tient un. Il vaut même 20 millions d’euros.

Serge Rezza

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