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Quelle place dans l’Histoire pour cette Espagne ?

Par Dave Appadoo
Quelle place dans l’Histoire pour cette Espagne ?

C’est une place de choix dans la constellation du football que l’Espagne est allée chercher grâce à son incroyable triplé jamais accompli : Euro, Mondial et re-Euro derrière ! Une place tout au-dessus des autres équipes de légende ? Hola minute, car c’est le genre de question bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Il y a vingt ans à Monaco, en pleine préparation pour les JO, l’équipe américaine de basket avait rencontré le Prince Albert autour d’un gueuleton gourmand-croquant. Alors qu’on lui demandait ce que cela leur avait fait de manger avec son Altesse, Charles Barkley, jamais en retard d’un bon mot avait rétorqué : « Faux ! C’est lui qui a mangé avec nous » . Ce lundi, l’équipe d’Espagne de football a ripaillé en compagnie du Roi Juan Carlos et il y a fort à parier qu’aucun membre de la Roja n’oserait, même pour rire, glisser une vanne à sir Charles. Et il y a dans ce parallèle un peu tout ce qui rassemble cette Espagne impériale depuis 2008 à certaines de ses devancières mais aussi ce qui peut éventuellement l’en séparer. Oui, les Espagnols champions du monde et désormais doubles champions d’Europe en titre, s’invitent à la table des rois en promenant une incroyable normalité.

Il paraît que c’est l’époque qui veut ça (suivez notre regard) mais cela pèse d’un poids insoupçonné dans la place à accorder à cette Invincible Armada qui siphonne les trophées de la planète foot depuis quatre ans. Car d’un strict point de vue comptable, cette trilogie réussie par les Ibériques ne trouve aucun équivalent dans l’Histoire du jeu. Même le grand Brésil de la fin des années 50, double champion du monde à la file (1958 et 1962) avait échoué sur le plan continental avec trois finales de Copa America perdue entre 1957 et 1959. La grande RFA des 70’s aussi avait dû lâcher le dernier morceau de son odyssée en s’inclinant aux tirs au but de l’Euro 1976 face à la Tchécoslovaquie de Panenka. Quant à nos Bleus chéris, injouables en 1998 et 2000, ils étaient passés directement par la fenêtre d’un premier tour du Mondial nippo-coréen de 2002 moins rythmé par les buts que les bulletins médicaux de la cuisse de Zizou. C’est en mesurant la grandeur de ceux qui ont foiré dans la tentative de cet exploit, que l’on situe l’immensité de ce qu’ont accomplie Casillas et ses amigos.

Une histoire de fantasmagorie…

Mais alors quoi ? Sont-ils pour autant les plus grands de tous les temps ? C’est là que l’affaire se complique un peu car cette unité de mesure souffre de deux complexités. L’une liée aux limites naturelles et scientifiques de la comparaison à travers les âges, qui rend passionnées mais totalement caduques les conversations accoudées au zinc pour déterminer qui de Pelé ou Maradona est le meilleur footballeur jamais vu. L’autre est liée à une subjectivité de la question fatale : cette Espagne frappe-t-elle les imaginaires avec la même force que ses grandes devancières ? Une thématique au moins aussi importante que la stricte considération du palmarès. Sinon en tennis, Roy Emerson (12 titres majeurs) toiserait de haut Björn Borg (seulement 11 succès en Grand Chelem) alors qu’on souhaite bien du courage aux non initiés pour se souvenir de l’Australien quand tout le monde, absolument tout le monde, connaît le Suédois. Pourquoi ? Car l’homme au bandeau a nourri l’imagerie bien davantage que l’Aussie susnommé. C’est dans la fantasmagorie que se bâtit aussi la grandeur, l’exemple le plus évident restant le choc causé par le Brésil de Pelé. L’exemple le plus évident mais pas nécessairement le meilleur. Car plus parlantes encore sont les places occupées par la Hongrie 54 ou les Pays-Bas 74, tous deux finalistes malheureux mais dont l’empreinte reste néanmoins supérieure à celle de leurs vainqueurs allemands. On vous voit venir : mais que peut-on oser encore reprocher à la Roja ?

Mais bon sang, qui est la star ?

C’est vrai, après tout, le succès espagnol est le triomphe de la technique, des passes et des petits formats. Une idée de jeu séduisante forcément. Sans compter que, sans que personne n’y fasse vraiment gaffe, Vicente Del Bosque a inventé l’air de rien une façon de faire : se protéger en gardant la gonfle. Jamais on n’avait vu une équipe à ce point formaliser la possession de balle comme un acte défensif (malgré le contre exemple de la finale, un match où comme par hasard les champions n’ont eu la chique que 52% du temps). Par le passé, ce type de gourmandise était avant tout destiné à déséquilibrer le bloc adverse. Là non. Le plus souvent, l’Espagne a fait circuler le cuir avec pour seul souci de priver l’autre de munitions, une stratégie pleine de bon sens quand on y songe. Mais cette technique collective inégalée, voire inégalable, porte en elle les deux revers des nombreuses médailles ibériques. L’une tient au fait que les matches – la finale mise à part, ok – de l’Espagne manquent terriblement de passion et ce n’est pas un jugement de valeur. Juste la conséquence des interminables séances de transmissions comme une fin en soi, un monologue haut de gamme privant l’adversaire de réplique et annihilant l’idée même d’un combat, cette notion qui fait basculer un match dans l’inoubliable.

L’autre tient au fait qu’avec l’Espagne, la star… c’est l’équipe. Un idéal suggéré par tous mais auquel l’homme, cet être décidemment versatile, trouve à redire dans son inconscient profond. Car dans sa représentation de la performance ultime, le supporter a besoin d’un élu surnaturel pour porter le message : Pelé, Cruyff, Maradona, Ronaldo, Zidane et on en oublie évidemment. Ou quand le football figure plus que jamais le sport collectif le plus individuel qui soit. Or – et sans minimiser le talent hors-norme de Xavi, Iniesta, Ramos, Casillas, entre autres – pour l’heure la Roja ne possède pas ce joueur charismatique, emblématique, très au-dessus des autres à tous les points de vue, susceptible de trôner individuellement en compagnie des monstres cités plus haut. Pour l’heure, l’Espagne imprime davantage les livres d’Histoire que les mémoires, subtile nuance. Terrible quand on y songe car cette supériorité implacable depuis quatre ans et cet ode continu au collectif, deux idéaux absolus, finissent par se retourner contre elle. Injuste… et réjouissant ! Car voilà le dernier grand défi de cette Roja, et quelle meilleure occasion pour le relever qu’un sacre au Brésil, le royaume du football, dans deux ans. Là, Iniesta & coclôtureraient vraiment la question.

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Par Dave Appadoo

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