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Queen Abby a rendu sa couronne

Par Arnaud Clément
Queen Abby a rendu sa couronne

Référence du sport US et même icône du football féminin, Abby Wambach a rangé ses crampons après 255 sélections, mercredi, lors d'un dernier amical perdu contre la Chine de Bruno Bini (0-1). Attaquante imposante et racée aux stats folles, Queen Abby est aussi une grande gueule pleine de conviction. Portrait.

10 ans après Katrina, la Nouvelle-Orléans pleure Abby. Dans et en dehors du Superdome de la plus grande ville de Louisiane, ce mercredi 16 décembre, on pleure un phénomène, non pas climatique, mais footballistique. Une fois n’est pas coutume, l’Amérique est triste de voir un tel ouragan se retirer de ses contrées. L’ouragan Abby Wambach, légende du football féminin qui a offert aux États-Unis une flopée de moments de joie en 15 ans de carrière. Prenez deux titres olympiques (2004-2012), une couronne (2015) et trois médailles mondiales, une distinction de meilleure joueuse FIFA (2012), six autres de meilleur athlète pour la Fédération américaine de football et vous êtes encore loin de son palmarès et de son aura. Bien plus qu’une simple joueuse, si talentueuse et prolifique soit-elle, Abby Wambach est ni plus ni moins qu’une icône, statut que seules Mia Hamm, son ex-partenaire à ses débuts avec les Washington Freedom, ou la Brésilienne Marta peuvent prétendre lui disputer. Et encore…

Dans sa ville d’origine de Rochester, dans l’État de New York, les 215 000 habitants célèbrent, chaque 20 juillet, l’ « Abby Wambach day » . Ils peuvent aussi, en se rendant au Salhen’s Stadium, emprunter la « Wambach way » . Et une fois chez eux, en zappant sur le câble, ils ont encore la possibilité de la regarder en face à face avec David Letterman dans son « Late Show » prisé des Américains ou aux côtés d’Homer et Bart dans les Simpsons. Surnaturel vu de France, où aucune joueuse n’a droit à ce genre de traitements et où le boom du foot féminin reste à confirmer en dehors des grandes compétitions internationales. Mais aux États-Unis, on raffole de belles histoires. Et qu’importe si elle n’a ni le soutif légendaire de Brandi Chastain ou la plastique d’Alex Morgan, Mary Abigail Wambach a bien mieux que ça à offrir pour s’attirer les faveurs : une véritable success story, construite aussi bien sur qu’en dehors du pré.

Payée 100 fois moins que CR7 ou Messi

Compétitrice hors pair au sens du but gerdmullerien et leader née, elle est aussi une femme engagée, obsédée et enragée par les inégalités, les préjugés et les discriminations. Une véritable porte-parole aux prises de position parfois tranchées, mais assumées. En juillet 2015, soit à peine dix jours après la légalisation du mariage homosexuel dans les 50 États après une décision de la Cour suprême, la Team USA remporte sa deuxième étoile mondiale en disposant du Japon (5-2). N’attendant même pas la fin du protocole, la blonde peroxydée au numéro 20 court vers les gradins et s’en va embrasser en Mondovision sa femme, Sarah Huffman, elle aussi joueuse retraitée. Un buzz est né, et la communauté homosexuelle, autant attaquée qu’en France par les cortèges de la Manif pour tous, vient de trouver le porte-étendard idéal pour s’affranchir des normes sociales et morales et s’assumer. « Si j’ai pu donner un peu plus confiance à certaines personnes par ce geste, alors j’en suis fière » , assume Wambach dans les jours qui suivent, devant le tourbillon viral généré.

Un engagement qui ne sert que ses propres intérêts ? Ça serait l’insulter. Outre la poursuite du développement du foot féminin dans un rôle d’ambassadrice mondiale – la FIFA vise 45 millions de pratiquants pour le Mondial français de 2019, contre 30 millions cette année –, Abby Wambach veut désormais s’attaquer aux inégalités hommes-femmes dans le foot. Troisième joueuse la mieux payée au monde (hors contrats pubs, et les siens sont nombreux) derrière Marta et Alex Morgan, son salaire annuel est compris entre 200 000 et 300 000 dollars. C’est 100 fois moins que Messi ou CR7, et ça l’irrite au plus haut point : « J’ai commencé à réfléchir à ma carrière et cela m’a énervé.(…)La réalité, c’est que les gens sont élevés dans l’idée que les femmes sont inférieures » , confiait-elle au début du mois.

Un bon tacle à Jürgen Klinsmann

Et il y a quelques jours, toujours dans son registre de grande gueule, elle s’en est pris au sélectionneur des hommes, Jürgen Klinsmann : « Je le virerais. Il me semble qu’il y a trop d’ego dans l’équipe masculine actuellement et que le plus gros ego d’entre tous est celui qui est aux responsabilités. » Autre reproche à son encontre de la footballeuse à la parole d’or ? Il ne se préoccupe pas assez des programmes de formation pour les jeunes dans le territoire US, et préfère aller récupérer des Jermaine Jones ou Fabian Johnson, qui ont grandi en Allemagne. Comme si Laura Georges balançait un Tomahawk dans la face à Didier Deschamps. Reste encore que c’est pour ses exploits sur le pré qu’elle s’est distinguée. Cadette d’une fratrie entièrement tournée vers le football, Abby Wambach apprend les rudiments du ballon dès l’âge de 4 ans au contact de ses deux sœurs et de ses quatre frères. Un environnement bénéfique et fondateur.

« Grandir et jouer dans une famille de sept enfants était comme vivre dans un environnement d’équipe, qui t’apprend un tas de trucs. C’est là que j’ai appris la compétition : mes frères et sœurs ont toujours joué à leur niveau et ne m’auraient jamais fait de cadeau pour que je gagne. Il fallait que je sois meilleure qu’eux » , confie-t-elle. Après être passée des équipes de filles à celles de garçons à l’école, encore enfant, elle débarque au lycée. À la Lady of Mercy High School de Rochester, la buteuse déjà confirmée claque la bagatelle de 142 buts entre 1994 et 1998, poussant l’équipementier Umbro ou l’Association des entraîneurs américains à lui remettre des distinctions. Plus tard, comme un défi à la mesure de sa soif de victoire, elle choisit une université plutôt moyenne sur le plan sportif, en l’occurrence les Florida Gators de Gainesville, dans l’idée de faire la nique aux usines à champion telles North Carolina, la maison-mère de sa seigneurie Air Jordan et de tant d’autres. Résultat des courses ? En décembre 1998, pour la première fois de leur histoire, les Gators remportent le titre national universitaire de football féminin. Contre qui ? North Carolina évidemment.

184 buts en 255 sélections, record à battre

La suite logique pour elle, c’est le monde pro, où elle confirme bien vite, malgré l’interruption de 2003 à 2008, pour cause de difficultés financières, de la WUSA, la ligue féminine de soccer. Une longue parenthèse qui l’oblige à travailler à la promotion de ce sport via des matchs d’exhibition, mais aussi à bosser dur dans son coin. Un obstacle de plus dont elle fait fi pour garder le même niveau de performance en sélection, en témoigne l’or olympique à Athènes en 2004. Avec une régularité et une longévité rare : son double record, hommes et femmes confondus, du nombre de sélections, 255 capes, et de buts marqués sous cette tunique, 184 unités, mettra des plombes à être battu. « Ces records illustrent bien la joueuse d’exception qu’elle était » , valide d’ailleurs Patrice Lair, l’entraîneur à la tête des invincibles Lyonnaises de 2010 à 2014, avec lesquelles il a tout gagné.

Celui qui est aujourd’hui conseiller du président Loulou Nicollin à Montpellier pour ses féminines et consultant pour Eurosport a un immense respect pour Wambach. La preuve : « Être capable d’avoir cette influence, de marquer et durer autant, c’est très fort. C’est une super joueuse, un point d’appui redoutable avec son grand gabarit et son jeu de tête. Elle a aussi une technique affirmée quoi qu’on en dise, du pied droit comme du pied gauche, mais plus largement, il faut voir ce qu’elle peut apporter dans un vestiaire. Elle galvanise les autres par sa présence, même sans être à 100% comme sur la fin de sa carrière. C’est ça le très haut niveau. Surtout dans le domaine offensif. C’est une autre exigence de marquer que d’empêcher de marquer.(…)Au niveau européen, avec l’OL, on a eu la chance de réussir à remporter la Coupe d’Europe. Mais si on avait eu les moyens d’attirer quelqu’un comme Abby, peut-être qu’on aurait pu aller en chercher une ou deux autres… »

Bourreau des Bleues et des Brésiliennes

Si le haut niveau correspond à cette définition, c’est là encore tout elle… Abby Wambach, c’est 22 buts en 30 matchs lors de six rendez-vous olympiques et mondiaux. Patrice Lair va plus loin : « En amical, on dit souvent que les Américaines ne sont pas géniales. Mais en compétition… Plus elles avancent dans le tournoi, plus elles montent en puissance et ça va souvent au bout. C’est là toute la différence avec beaucoup d’équipes, dont la France, qui jouent bien, mais n’ont pas ces joueuses majeures qui sont capables de te redresser une situation difficile, de marquer au bon moment… » Et des buts marqués au bon moment, Miss Wambach en a empilé. Les Brésiliennes et les Françaises ont d’ailleurs un mauvais souvenir d’elle. Lors du Mondial 2011, les Bleues sont euphoriques après être revenues à 1-1 grâce à Gaéthane Thiney en demies. Mais à la 80e, celle qui a le jeu de tête d’un Oliver Bierhoff saute plus haut que tout le monde pour un but salvateur sur corner qui crucifie Sonia Bompastor et les siennes. Même tarif au tour d’avant, quoiqu’encore plus fort, contre la Seleção. Menée en prolongation par la bande à Marta, la Team USA se sert de son pivot pour égaliser à la… 122e minute. Avant de se qualifier aux tirs au but. Wambach from the dead.

Nota bene : les Brésiliennes avaient déjà subi sa loi lors de la finale des JO 2004. À la 112e minute cette fois. « Cette mentalité très américaine de ne jamais lâcher, et Abby Wambach l’a plus que beaucoup d’autres, c’est peut-être ce qui nous fait défaut en France dans les grands rendez-vous » , regrette d’ailleurs Patrice Lair. Le pire ? C’est qu’après toutes ces lignes, on est encore loin de cerner toutes les facettes et tout le génie de cette grande dame… Car Abby Wambach, c’est aussi l’une des très rares joueuses au monde à avoir été entraîneuse-joueuse dans une ligue nationale. Avec les éphémères MagicJack (les Washington Freedom, renommées et relocalisées en Floride, ndlr) en 2011, qui finiront troisièmes de saison régulière et des play-off. Propre.

Patrice Lair : « Une vraie page qui se tourne »

Et même en étant l’une des plus sollicitées dans l’univers du soccer féminin, elle trouve encore le temps de faire dans la philanthropie, pour aider aussi bien que rassembler des fonds pour la recherche contre le diabète ou l’épilepsie, via diverses opérations. Et mises à part ses adversaires vexées de s’être fait marcher dessus, et encore, rares sont celles à la dénigrer. « C’est une vraie page qui se tourne dans le football féminin avec son départ » , résume Patrice Lair. D’ailleurs, peut-on craindre pour l’avenir de la toute puissance américaine en matière de soccer féminin sans elle ? Avec Alex Morgan, Chris Loyd ou Sydney Leroux, l’équipe de Jill Ellis a de la réserve, mais tout de même.

« Comme les Allemands chez les hommes, même avec des blessés, il y a toujours des équipes solides, un certain état d’esprit, du talent avec les Américaines… Mais je me pose des questions sur le leadership à présent, je ne serais pas rassuré à la place du sélectionneur américain. Même sans être à 100%, elle apportait énormément autour d’elle. Elle manquera sans doute aux prochains JO. » Voilà sans doute pourquoi les séquences larmoyantes se sont succédé dans les jours précédant cet amical perdu contre la Chine, le 16 décembre. Et voilà pourquoi, lorsque le quatrième arbitre a indiqué que l’histoire s’achevait, le temps s’est arrêté, le stade s’est levé et s’est mis à pleurer. Après avoir retiré son brassard de capitaine, l’avoir donné à Chris Lloyd et lui avoir adressé de franches bises, elle a pris le temps d’en claquer aussi à ses neuf autres partenaires pendant de longues secondes. Et d’aucun de lui demander de se presser de quitter le terrain. Personne n’avait vraiment envie de voir Queen Abby poussée vers la sortie.

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Par Arnaud Clément

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