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Quand Zidane illuminait le Camp Nou

Par Robin Delorme
4 minutes
Quand Zidane illuminait le Camp Nou

Alors qu’il se prépare à enfiler son smoking pour la première fois sous la guérite du Camp Nou, Zinédine Zidane se remémore sans aucun doute cette douce soirée du 23 avril 2002. Une demi-finale aller de Ligue des champions que le Français décide à la force de son talent et qui renvoie le Madridismo vers un bonheur toujours inextinguible.

Perché en altitude, coincé dans sa cabine de commentateur, Aimé Jacquet se délecte du spectacle. Avec sa voix reconnaissable entre toutes, il s’égosille, même, lorsqu’au 55e tour de cadran la magie vient frapper le Camp Nou. « Une nouvelle fois ! Une nouvelle fois Zidane démontre qu’il est un joueur dont la qualité lui permet d’être décisif dans un grand match ! » , s’époumone-t-il au micro de Canal+. Une sortie qui, dans l’enfilade de journalistes qui garnit la tribune de presse de l’antre blaugrana, se répète presque dans toutes les langues. Pour sûr, c’est en mondovision que Zinédine Zidane vient d’éclabousser le football espagnol. De son talent, d’abord, mais de sa hargne, aussi, lui qui vient de défricher le tableau d’affichage de cette demi-finale de Ligue des champions estampillée Liga. Circonspect, le Camp Nou retrouve bien des couleurs jusqu’au coup de sifflet final, mais ne peut empêcher la défaite de Culés qui laissent filer l’éternel rival vers sa tant désirée Novena. Surtout, ce Clásico européen met pour la première fois en exergue le numéro cinco du double Z depuis sa signature au Real Madrid. Flash-back empreint de nostalgie.

La Sant Jordi est merengue

En cette mi-avril, le ballon rond passe au second plan. Même dans une Espagne (folle) amoureuse de son futbol et de son Clásico, l’actualité d’outre-Pyrénées – faisant la part belle à l’extrême droite, mais aussi à l’arrestation d’un haut dirigeant d’Al Qaïda – la renvoie irrémédiablement vers des heures qu’elle souhaite oublier. Puis arrive ce fameux 23 avril. Une bouffée d’air frais qui prend la forme d’une demi-finale de Ligue des champions entre le FC Barcelone et le Real Madrid. À l’occasion de la Sant Jordi, grande fête catalane où les badauds s’échangent des roses, l’ambiance est festive aux abords du Camp Nou. Mais elle se tend dès que les aficionados blaugrana mettent un pied au sein du stade. Les accolades deviennent des cris stridents, le doux murmure se transforme en vacarme assourdissant. Et les joueurs merengues reçoivent des huées qui contrastent avec l’ovation qui suit l’entrée des joueurs locaux. Une soirée historique se profile, en atteste la liste des noms présents sur la feuille de match.

L’énumération des noms des deux équipes par le speaker laisse présager une bataille du milieu. Alors que Carles Rexach annonce un quintette de poètes composé de Luis Enrique, Mark Overmars, Fábio Rochemback, Phillip Cocu et le jeune Thiago Motta, Vicente del Bosque lui répond par une défense à trois où les chiens Pavon et Helguera entourent Hierro, positionné en tant que véritable libéro. Une bataille sur le papier qui se transforme en duel de haut vol une fois les joueurs sur le pré. Dans cette guéguerre tactique, les Blaugrana prennent l’ascendant sur la rencontre et minimisent la zone d’influence de Zidane et Raúl. Le Camp Nou retrouve alors un Barça en mode tiki-taka auquel il ne manque qu’un éclair de génie. Sans Rivaldo, blessé, ni Xavi, suspendu, le buteur et le passeur manquent cruellement aux offensives locales qui butent sur un César en état de grâce. Une surprise, en soi, puisque quelques semaines plus tôt, à l’occasion du Clásico de Liga, le portier merengue se la joue Arconada et offre une égalisation plus que chanceuse à Xavi. Pendant ce temps, Zidane, isolé, laisse entrapercevoir des gestes aussi exquis qu’utiles. Un amuse-bouche.

Du « Zizou dans le texte » à l’absurde

Bien que dominateur, le Barça n’en demeure pas moins stérile. Un manque de tranchant dans les derniers mètres qui se paie cash dès la sortie des vestiaires. Car dix minutes après la reprise, Raúl voit Zidane partir dans son dos et lui envoie une passe entre les lignes digne d’un trescuartista qu’il n’est pas. Le reste appartient à la mythologie madridista : arrivant seul face à Bonano, le numéro cinco ralentit sa course, maîtrise le retour de Cocu et pique un ballon que ne peut qu’accompagner le portier blaugrana. Du grand art, « du Zizou dans le texte » , dixit Vicente del Bosque, ou « une action absurde » , selon l’entraîneur catalan. Plus que de l’assommer, ce coup de massue survolte la bande à Rexach qui, avec l’épée de Damocles au-dessus de la tête, poursuit son entreprise de domination. Du pain béni pour un onze madrilène qui dompte l’allant local grâce à la force de frappe de ses cracks. Un dernier coup de boutoir de McManaman dans le temps additionnel parachève le premier chef-d’œuvre blanc de Zinédine Zidane. Un homme du match qui, trois semaines plus tard, se révélera en homme de l’année pour le Real Madrid, et en homme à faire disjoncter pour Luis Enrique.

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