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Preciado : «La presse madrilène m’a assassiné»
Grande gueule de la Liga, Manolo Preciado a été l'un des rares à clasher Mourinho cette saison. Interview avec le moustachu le plus attachant du championnat avant le déplacement du Sporting au Bernabeu.
Finalement il n’y aura pas de grève ce week-end. Ce n’est pas difficile de préparer un match contre le Real Madrid en sachant que la rencontre aurait pu être reportée ?
Ce n’est pas l’idéal en effet, mais personnellement j’étais persuadé que la grève n’allait pas avoir lieu…Nous avons bien fait nos devoirs, il ne nous reste plus qu’à passer l’examen merengue.
Vous avez récemment fait match nul contre le Barça, est-ce que ce match référence va vous servir d’inspiration contre les madrilènes ?
Ca va nous donner de la confiance et c’est déjà très bien. Jouer contre ces deux clubs-là c’est très différent. Ce sont deux transatlantiques qu’il est très difficile de faire couler. Le Barça c’est le tiki-taka et le Real Madrid c’est tout le contraire ; c’est une équipe beaucoup plus verticale qui aime opérer en contre-attaque. C’est assez paradoxal mais c’est plus facile de jouer contre le Barça car tu sais à quoi t’attendre. Ils ne transigent jamais sur leur philosophie et joue toujours de la même manière. Ca ne veut pas dire que c’est facile, mais au moins tu as un peu de temps pour essayer de les freiner un peu. En vain, parce qu’au final ils peuvent t’en mettre 4 ou 5 tranquillement…Le Barça joue sur ses qualités alors que le Real préfère appuyer sur les défauts de son adversaire. C’est ça la grande différence. Ils n’ont jamais le même système, ni les mêmes joueurs. C’est moins facile de lire dans leur jeu pour l’entraineur adverse. Avec Benzema, Cristiano Ronaldo, Ozil ou Xabi Alonso, ils ont plein de solutions. Du jeu long, court, technique ou en profondeur. Surtout, ils ont une capacité physique bestiale. Là aussi c’est la grande différence avec le Barça. Le Barça t’épuise psychologiquement et le Real te fait très mal dans l’impact physique.
Contre le Barça votre bloc équipe était très compact mais vous étiez allez faire du pressing dans leur camp ce qui les avait considérablement gênés. Est-ce que c’est un schéma de jeu reproductible face au Real ?
Je ne pense pas que nous fonctionnerons comme ça ce week-end. Pour gêner les barcelonais il faut aller les chercher dans leur camp et harceler leurs défenseurs centraux. On peut se permettre de jouer plus haut car le jeu du Barça est très posé, il n’y a pas de rupture, et beaucoup moins de profondeur que chez les merengues. Comme je l’ai déjà dit, le Real est une équipe très chiante à jouer. Si tu joues haut, tu te fais contrer. Et si tu joues trop bas tu t’exposes aux missiles de Ronaldo ou d’Alonso par exemple…Et puis tu ne peux pas les prendre en individuel non plus… Bref, on va essayer de cadenasser le plus possible pour les faire douter. C’est une équipe impatiente. Quand elle n’y arrive pas elle se désorganise. C’est peut-être ça la clé du match. On fera du mieux possible. En tout cas une chose est sure : Nous n’allons pas au Bernabeu en touristes. J’ai confiance en mon équipe. Contre les gros on se surpasse. Villarreal, qui produit un football merveilleux, n’a pas réussi à nous ronger. Valence, l’Atletico et le Barça ne sont pas sortis vainqueurs non plus contre nous. C’est bien la preuve qu’on peut poser des problèmes à n’importe qui.
Il y a quelques mois vous étiez menacés à cause des mauvais résultats. Comment expliquez-vous la renaissance de votre équipe ?
Notre première partie de saison a été très bonne et puis on s’est relâché un peu. L’équipe n’est jamais morte, c’est notre dynamique qui l’était. Franchement, on ne méritait pas d’être relégable avec le jeu que nous développions. Mais il n’y a pas de justice dans le football…Juste des causes à effets. Ce qui nous a mis en difficulté c’était notre manque de réussite et de réalisme. On a raté des occasions incroyables, et nos attaquants ont peu à peu perdu confiance. J’en ai trois, et à eux trois ils ont marqué deux buts au total lors de la première partie de saison. Tout est dit, mais attention je ne leur jette pas la pierre. C’est comme ça, c’est tout. Le déclic a eu lieu à Santander lorsqu’on a arraché une égalisation à la dernière minute de jeu. On a pris confiance à partir de là. Aujourd’hui nous sommes à la moitié de la deuxième partie de saison et nous avons déjà le même nombre de points que toute la saison dernière.
Concrètement quel a été votre discours pour sortir du trou ?
Ca fait 5 ans que je suis au club. 5 ans que je côtoie les mêmes joueurs. Avec certains joueurs on n’a même plus besoin de se parler, un regard suffit. J’ai une relation fusionnelle avec mes joueurs, et je voyais bien qu’il souffrait pour moi. Ca m’a gêné. Je leur ai dit qu’il ne devait pas jouer pour leur entraineur, ni jouer aux héros. Quand tu es au fond du trou, il faut jouer au football sans baisser les bras et laisser les sentiments de coté. Ce recadrage a été bénéfique pour tout le monde.
En 1979, les spectateurs du Molinon ont marqué l’histoire de la Liga en scandant le premier chant anti-madrilène « asi, asi, gana el Madrid ! » . Est-ce qu’on peut dire qu’il y a encore de la rancœur entre ces deux entités quand on voit vos récents accrochages avec Mourinho ?
En France, je ne sais pas si les gens connaissent le Sporting, mais en Espagne nous sommes une institution. A l’époque, le Sporting avait une très belle équipe, remplis de joueurs formés au club, malheureusement c’est une équipe qui a souffert pendant des années des largesses diverses accordées au Real Madrid. Le chant qu’on entend encore aujourd’hui vient du sentiment d’injustice que les spectateurs avaient éprouvé à ce moment-là. Aujourd’hui à Gijon je pense qu’il y a plus de personnes qui se sentent proches du Barça et de leur philosophie plutôt que de celle du Real Madrid. Mais nous ne sommes pas anti-madrilènes. On a du respect pour eux mais nous n’en avons pas peur c’est tout.
Est-ce que vous êtes toujours remonté contre Mourinho que vous aviez qualifié de « canaille » et de « mal éduqué » ?
Non ça va je me suis calmé ! (Rires) Vous en avez parlé en France ? Vous en avez pensez quoi ?
On a trouvé ça marrant.
Il m’avait chauffé. Je n’aurais pas du mais ça m’a fait du bien ! (Rires) J’ai regretté mes propos toute de suite. La presse pro-madrilène m’a assassiné. Je ne sais pas en France, mais ici, les journalistes sont très partisans. Ils m’ont fait passer pour le méchant du film alors que je n’ai fait que contre-attaquer Mourinho sur son terrain favori : la dialectique. Le fait qu’il ait douté de notre fair play m’a rendu furieux. (ndlr : le Sporting s’était déplacé avec une équipe bis au Camp Nou). C’est quelque chose qui m’a fatigué mentalement. Ca ne m’a rien apporté de bon.
[page] Vous avez eu une conversation avec lui depuis cet épisode ?
Non. Lui et moi sommes deux personnes très fières. Quand je le verrai je lui serrerai la main et tout sera oublié. En tout cas une chose est sûre : je ne m’attends pas à une ovation du Bernabeu ! (Rires)
Quelque part vous êtes l’un des seuls à vous être rebellé contre lui…C’est peut-être ce qui manque à cette Liga.
Si j’étais entraineur du Real Madrid, je ferais exactement la même chose que Mourinho. Ca fait partie du jeu ce genre de choses.
On a quand même l’impression que vous êtes plus proche de la philosophie du Barça que de celle du Real…
Ce sont deux clubs qui sont clairement au-dessus du lot. D’un coté on a une équipe de nains fantastiques et de l’autre on a des géants terrifiants. Ce sont deux équipes qui frôlent les 100 points. C’est juste incroyable. Personnellement, j’ai toujours eu plus d’affection pour le Barça, mais ce n’est pas nouveau. J’aime leur style de jeu, leur philosophie, leur travail avec les jeunes. Le Barça a un centre de formation tandis que le Real a des millions d’euros pour bâtir son équipe…J’ai 53 ans et je n’ai jamais vu une équipe comme celle de Guardiola ! Le Barça que l’on voit aujourd’hui est tout simplement unique. La supériorité qu’ils dégagent est tout simplement intimidante. C’est très rare de ressentir ça pour un adversaire, mais ils sont tellement faciles que ça en devient énervant.
Vous ne trouvez pas ça dommage que la Liga se résume à ce duel de mastodontes ?
Je vais vous dire, la Liga est le meilleur championnat du monde. Les stades sont plein, il y a du spectacle et nous avons les deux meilleures équipes du monde. Il n’y a pas à rougir de perdre contre eux, parce que peu de clubs sont armés pour leur résister en Europe. C’est vrai que si le niveau était plus homogène ce serait mieux pour tout le monde, mais il ne faut pas banaliser la performance de ces deux clubs. Ce ne sont pas leurs adversaires qui sont faibles. Ce sont eux qui sont trop forts !
Vous pensez que ces deux équipes auraient plus de 20 points d’avance sur le troisième si elles jouaient dans un autre championnat ?
En Angleterre, il y a quatre ou cinq équipes très fortes mais je pense que le Barça et le Real sont au-dessus. Regardez le Real qui n’avait jamais gagné contre Lyon avant cette année. Au Bernabeu, ils ne se sont pas vraiment épuisés pour venir à bout de l’Olympique Lyonnais. 3-0 c’est beaucoup, surtout qu’ils se sont imposés avec une facilité déconcertante. Au Real ou au Barça il n’y a que des champions du monde ou des ballons d’or. Ils ont les meilleurs entraineurs du monde et un potentiel économique hors norme. Comment voulez vous luttez contre ça ? Dans la Liga, il y a plusieurs lectures possibles mais toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Il y aura toujours quelque chose digne d’intérêt dans un match de Liga. Que ce soit en bas ou en haut du classement. Quoi qu’il en soit, notre combat c’est la lutte pour le maintien. C’est tout ce qui nous importe aujourd’hui.
Vous suivez le football français ?
J’ai beaucoup de respect pour la Ligue 1. Quand je travaillais dans la direction technique du Racing Santander; je faisais souvent des voyages en France. Je me rappelle très bien des débuts de Chamakh à Bordeaux. Il m’avait agréablement surpris. J’avais aussi observé très attentivement le travail des toulousains à l’époque ou il s’était qualifié pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions. Tactiquement c’était du sérieux. J’adore le football français car il produit toujours d’excellents footballeurs. En sélection, la relève générationnelle a trop tardé à se mettre en place, mais je suis sûr que les Bleus vont bientôt devenir une sélection dangereuse sous les ordres de Blanc.
Quels sont vos plans pour le futur ?
En Espagne, j’ai entrainé le Racing et le Sporting, mes deux clubs de cœur. Je n’ai jamais caché que mon grand rêve serait d’entrainer un jour l’Atheltic Bilbao. C’est un club de valeurs, qui a une tradition qui force le respect. Et puis j’aimerais bien tenter une expérience à l’étranger, la France ce serait très bien. Tu me fais signes si tu entends parler d’une opportunité ? ( rires).
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