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Pourquoi les gardiens ne portent-ils plus de casquettes?

Par Christophe Gleizes
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Pourquoi les gardiens ne portent-ils plus de casquettes?

Jadis fièrement arborée par les portiers à l'ancienne, la casquette n'est aujourd'hui plus en odeur de sainteté sur les terrains de football. Reconnue par la FIFA comme accessoire indispensable de tout dernier rempart qui se respecte, elle s'est peu à peu ringardisée à mesure que le jeu a évolué.

Nous sommes en 2006 quand Sebastian Vieira, le gardien international uruguayen, abandonne sa meilleure amie. Celle qui a tout connu avec lui, les victoires comme les défaites, les soleils rasants comme les intempéries; celle qui l’a accompagné pour ses premières sélections en équipe nationale et ses premiers matchs avec Villarreal: sa traditionnelle casquette. Pourquoi ce geste insensé ? Le choix du portier s’explique alors par les critiques et le scepticisme dont il fait l’objet. Ses récentes performances en club ne sont pas à la hauteur. L’ambitieuse formation espagnole, où évoluent entre autres Forlán, Riquelme, Senna, Sorín et Javi Venta n’a connu la victoire qu’une fois lors de ses six derniers matchs et vient de tomber au septième rang du championnat. Raillé pour sa dégaine atypique et son accessoire singulier, le portier devient la cible d’un frange des supporters et d’une bonne partie des médias espagnols, qui n’hésitent pas à le ridiculiser de manière répétée. Surpris par la vindicte populaire, l’uruguayen annonce alors dans Marca : « J’ai toujours porté ma casquette par superstition depuis que je suis passé professionnel. Cependant, j’ai réalisé que le public ne l’aime pas et que cette casquette génère la controverse, alors j’ai décidé d’arrêter de la porter en match. Je ne veux pas créer d’atmosphère négative » .

Depuis cette tragique disparition, qui a laissé à jamais le joueur inconsolable (Vieira est rapidement remplacé par Diego López et s’exile ensuite en Grèce puis en Colombie), la casquette se fait rare sur les gazons européens. Certes, il y a bien le valeureux Élie Baup à Marseille, éternel représentant du streetwear à l’ancienne, qui joue bravement son rôle de dernier des Mohicans. À l’endroit quand tout va bien, à l’envers quand « ça chauffe » , l’ancien entraîneur de Bordeaux est un fin connaisseur : « Il faut que le textile comporte des grilles sur les côtés, tient-il à préciser. On ne doit pas bouillir là-dessous ! Mais la casquette doit être assez chaude pour empêcher le rhume » . C’est cependant l’arbre qui cache la forêt. Tandis que les photos d’époque d’Oliver Kahn ou de Sebastiano Rossi commencent à dater, difficile voire impossible de trouver parmi les gardiens contemporains une casquette en activité. Pire, la jeune génération a l’air de s’en foutre complètement. « Non, je n’ai jamais pris l’habitude de jouer avec une casquette et je n’en ressens pas le besoin. Tout d’abord parce que c’est une pratique qui a disparu et aussi parce que je trouve ça plus ou moins gênant par moment » explique Ali Ahamada, l’irrégulier gardien du TFC. « J’en ai porté un peu quand j’étais jeune mais pas depuis que je suis passé pro » surenchérit le stéphanois Stéphane Ruffier, qui avoue ensuite :« c’est vrai que l’on en a pas vraiment besoin. Je n’en ai même pas une dans mon sac » . Quant à Joris Delle, le gardien niçois, il n’a jamais été tenté d’en porter mais doute ouvertement de l’utilité d’une telle pratique : « à mon avis, ça ne sert pas à grand-chose » .

De l’utilité théorique de la casquette

Quoi? Pas à grand-chose, la casquette? Si c’est le cas, pourquoi serait-elle alors encore inscrite dans le règlement officiel de la FIFA sur l’équipement sportif? Plus précisément à la page 48, avec l’article 22.1, qui aborde le cas des équipements spéciaux : « Le gardien est autorisé à porter, quelles que soient les conditions environnantes, une casquette de quelque couleur que ce soit » . S’ensuit une longue litanie sur les tailles autorisées des sponsors et des inscriptions. Sachez par exemple que le drapeau d’un pays ne peut pas dépasser 25 cm2 de superficie et que le nom du joueur doit être contenu dans deux centimètres de hauteur. De ce fatras soporifique, il ressort sans ambages que la casquette est un accessoire autorisé et même conseillé; un élément constitutif de la panoplie du gardien de but modèle. Fort utile quand le soleil est de face, voir rasant, elle a le mérite selon les penseurs du jeu de protéger aussi de la pluie et d’offrir un confort visuel constant, en ce qu’elle permet par exemple d’éviter de devoir s’essuyer le visage avec des gants matelassés.

Pas suffisant apparemment pour Stéphane Ruffier : « Il y a aussi une question de style, il faut être honnête, c’est pas forcément super beau » . Paul Delecroix, le gardien de Niort, confirme : « Quand on rentre sur un terrain on est pas là pour être beaux, on est là pour jouer, mais c’est vrai que je suis pas fan » . Et Joris Delle de ricaner : « Certes Oliver Kahn il avait une casquette mais il avait aussi le short qui lui remontait jusqu’au nombril » . Passée de mode, décriée, la casquette serait le symbole d’un conflit de génération d’un ordre nouveau. Pour trouver ses derniers défenseurs acharnés, il faut téléphoner en Belgique, à M. René Taelman, l’ancien journaliste sportif du plat pays reconverti entraîneur. Auteur d’un ouvrage remarqué sur l’enseignement des gardiens de but, l’homme a roulé sa bosse sur trois continents, entraînant des équipes aussi exotiques que l’Olympic de Casablanca, l’Africa Sport, Al-Arabi ou le FC Zawiya. « J’ai toujours été un fervent partisan de la casquette. J’ai d’ailleurs eu parfois quelques altercations avec mes gardiens qui refusaient d’en porter, notamment en Libye. Je les menaçais d’amendes assez sérieuses »

En trente années de carrière pro, le sorcier belge a eu le temps de pester contre ces gardiens qui se prennent « un goal » à cause du soleil ou de la lumière des projecteurs. « Parfois, ils ne voient pas le ballon tout simplement, c’est ça le problème » explique René, dans une allusion à peine voilée à Sébastien Frey. L’ancien portier de la Fiorentina, élu meilleur gardien de Serie A en 2007, se troue lamentablement le soir de sa première sélection; un France-Ukraine de sinistre mémoire. Conscient de sa bourde, il se présente en conférence de presse et assume courageusement: « J’ai été trahi par un projecteur, je n’ai plus vu le ballon. Mais je ne cherche pas d’excuse et j’assume (…) Un but entre les jambes ou un ballon qui glisse entre les mains, on se dit qu’on a fait une erreur, et voilà. Là, je n’ai plus vu le ballon, j’ai complètement perdu la trajectoire. Ce n’était pas un ballon imprenable » .

Une erreur « insensée » selon René, qui aurait facilement pu être évitée. Chauffé à blanc, le technicien reprend :« Pour moi c’est presque une faute professionnelle pour un gardien de ne pas avoir de casquette dans son sac, même s’il ne joue pas avec normalement. J’en avais toujours une en poche pour le cas où le gardien de but l’ai oublié chez lui. J’estime qu’il est stupide de ne pas en porter une lorsqu’on peut être aveuglé d’une manière ou d’une autre » . Le baroudeur belge ne préconise certes pas un usage systématique ou excessif; seulement une utilisation régulière quand cela s’avère nécessaire. Certaines actions de jeu comme les corners -où la lumière gêne beaucoup- l’invitent en particulier à ne pas galvauder l’utilité reconnue d’un tel équipement. Néanmoins, en dépit de ses convictions, René Taelman le pressent quelque part au fond de lui : à l’image de Guy Roux et de son amour pour le bonnet, il reste avec sa casquette un incompris notoire. « La plupart de mes joueurs me répétaient qu’ils n’aimaient pas avoir un truc sur la tête, c’est comme ça » .

Evolution du jeu

Si l’utilité véritable du couvre-chef reste discutée, il apparaît que son usage s’est raréfié ces dernières années, à mesure que le jeu a évolué. « C’est vrai qu’on n’en voyait plus à l’époque » commente Stéphane Ruffier, avant d’ajouter : « Maintenant que l’on a tendance à jouer le soir en Ligue 1, avec des horaires adaptées, la luminosité n’est plus vraiment un problème pour nous à la différence de championnats plus ensoleillés » . Joris Delle avance lui une explication plus technique : « Franchement je trouve ça gênant pour les sorties et les duels aériens… De plus, si le gardien est amené à utiliser son jeu de tête en dehors de la surface, c’est beaucoup moins facile » . Une intuition confirmée par Xavier Heuneuse, l’entraîneur des gardiens du stade de Reims, qui voit dans l’évolution du jeu un facteur« primordial » de cette disparition. « C’était à la mode dans les années 50, 60, 70, mais aujourd’hui c’est plus propice à la gêne qu’autre chose. Déjà beaucoup de gardiens ne supportent pas d’avoir un corps étranger sur la tête, ils se sentent oppressés. Ensuite, la visière pose problème sur les trajectoires aériennes. C’est vrai que c’est efficace pour toutes les balles à mi-hauteur mais en ce qui concerne les ballons venus d’en haut cela conduit à se contorsionner le cou et à adopter ainsi une conduite qui n’est pas naturelle » .

Excroissance indésirable, faute de goût vestimentaire, affaire de passionnés marginaux ou de superstitieux notoires, la casquette semble aujourd’hui condamnée à long terme à une disparition progressive et sans fard. « Moi je ne suis pas contre la casquette, si mon gardien veut en porter il n’y a aucun problème, tempère Xavier Heuneuse, mais c’est vrai que je ne lui prédit pas un grand avenir hors des contrats de sponsoring et des effets de modes passagers. Il n’y a rien de tel que le naturel » . Sébastien Frey peut souffler : pas de panique ni de révolution donc, les buts casquettes, causés par un soleil aguicheur ou une pluie trop drue, ont encore de beaux jours devant eux. La faute à un équipement dont l’utilité semble aujourd’hui bel et bien « tirée par les cheveux » .

Ivan Toney, pari gagnant

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