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  • Major League Soccer – Play-offs – Seattle Sounders/LA Galaxy

Pourquoi le soccer bat plus fort à Seattle ?

Par Régis Delanoë
6 minutes
Pourquoi le soccer bat plus fort à Seattle ?

S'il est une ville en Amérique du Nord où le ballon rond fait désormais intégralement partie du paysage sportif local, c'est Seattle. Stade plein et ferveur inédite : explication du phénomène avant la finale retour de Conférence Ouest face à Los Angeles Galaxy ce dimanche.

À un moment, il va bien falloir s’en rendre compte. Sortir du schéma traditionnel qui veut que le football, c’est une affaire essentiellement européenne et sud-américaine et qu’ailleurs, ça ne compte pas vraiment. Cette vision condescendante encore trop souvent la norme qui sous-entend que les autres pays du monde sont bien mignons, mais que jamais, au grand jamais, ils ne dépasseront la grandeur, le prestige, le niveau et la popularité des « historiques » . Prenons la MLS par exemple. D’accord, le niveau de jeu pratiqué y est encore bien largement inférieur, mais celui-ci progresse, petit à petit. Après tout, ce championnat n’a pas encore 20 ans d’âge… Et si crampons aux pieds, ce n’est pas encore vraiment ça, c’est en tribune que les progrès sont les plus spectaculaires. Chaque saison les affluences dans les stades augmentent, pour atteindre cette saison plus de 19 000 spectateurs, talonnant notre bonne vieille Ligue 1. Désormais, le soccer est le troisième sport en la matière aux États-Unis, devant le hockey sur glace et le basket. Il y a encore dix ans, c’était du domaine du fantasme. Et si le football américain, avec ses 65 000 spectateurs de moyenne au stade, semble inatteignable, il n’est pas interdit d’imaginer en revanche que le soccer vienne à moyen terme chatouiller les affluences du baseball. Un match de MLB se dispute devant en moyenne 30 000 spectateurs. Il y a certes encore une belle marge, mais les courbes de popularité des deux sports incitent à l’optimisme.

Pour en venir aux Sounders de Seattle, c’est un exemple de réussite éclatant d’implantation du soccer dans cette région du monde. Une preuve que non, rien n’est jamais complètement figé dans le sport, ni les performances des joueurs sur le terrain, ni l’intérêt de ceux qui les regardent s’affronter. Bien sûr que la tradition nord-américaine en matière sportive ne laisse pas beaucoup de place aux disciplines « extérieures » , mais le soccer a des arguments pour squatter durablement et ne pas rester éternellement un lointain cousin dont on a un peu honte et qu’on hésite à asseoir à la table des grands. Les Sounders, donc. Cette saison, les matchs à domicile de cette franchise du Nord-Ouest des États-Unis ont rassemblé en moyenne un peu plus de 43 000 spectateurs. À son arrivée en MLS en 2009, l’équipe en attirait 30 000. La progression est spectaculaire. Et pour bien prendre conscience de ce que cela signifie aujourd’hui dans le paysage sportif national et international, prenons des éléments de comparaison. En MLB, une seule franchise de baseball réunit plus de monde au stade que les Sounders en soccer. Il s’agit des Los Angeles Dodgers. Les 29 autres équipes de baseball ont des affluences moins bonnes. Allez dire ça à un fan des années 90, il vous prendrait pour un fou ! Et pour ce qui est de la comparaison avec les affluences constatées dans le football européen, avec 43 734 spectateurs de moyenne très exactement, les Sounders ont l’équivalent du sixième public de Premier League anglaise, le onzième de Bundesliga, le troisième de Liga et de Ligue 1, et le deuxième de Serie A. Comment se fait-ce que le soccer prenne à Seattle encore mieux qu’ailleurs (la deuxième affluence moyenne en MLS en 2014 se trouve à Toronto avec « seulement » 22 000 spectateurs) ? Voyons cela.


Parce que c’est une ville dingue de sport

Seattle, un peu plus de 650 000 habitants, 3 millions et quelques en comptant l’aire urbaine, est une ville où le port des running au pied, du short et du maillot anti-transpirant est la norme. Ici, on est loin du Midwest, des taux d’obésité record, des gros trucks et des fauteuils électriques. C’est l’une des villes les plus vertes des États-Unis, l’une des plus agréables aussi, avec un métissage qui contribue à l’ouverture vers la nouveauté. Nouveauté musicale (le grunge s’y est développé, coucou Nirvana), technologique (Microsoft), de consommation (Starbucks) et donc sportive avec ce soccer mieux accueilli qu’ailleurs. En tout cas moins considéré comme un sport plutôt réservé aux filles.


Parce que la concurrence entre sports y est saine

Seattle n’est pas une immense ville, mais quasi tous les sports ou presque s’y épanouissent. En plus des Sounders pour le soccer, il y a aussi bien sûr les Seahawks, vainqueurs du dernier Super Bowl, et les Mariners en baseball. Il y avait aussi les SuperSonics de Seattle en NBA – Shawn Kemp, we miss you -, franchise qui a été déménagée à Oklahoma City par son dernier propriétaire Clay Bennett. Tout ce petit monde cohabite sans causer du tort à l’autre, malgré le peu de raisons de se réjouir. Avant la victoire des Seahawks lors du dernier Super Bowl, ça faisait 35 ans qu’une franchise de Seattle n’avait pas remporté un titre majeur, en l’occurrence l’unique championnat NBA gagné par les Sonics en 1979. Un classement national établi par Forbes en 2013 avait d’ailleurs décrété que Seattle était la ville ultime de la lose en terme de rapport popularité des sports/nombre de saisons disputées/total des trophées glanés. Les habitants de Seattle sont donc non seulement des fans de sports, mais ils sont en plus des persévérants dans l’âme. Bref, pas seulement des spectateurs, mais surtout des supporters.


Parce que la rivalité régionale entretient la passion

Il faut reconnaître aux responsables de la MLS une brillante idée : celle de chercher à mettre en place des rivalités régionales. C’est ce qui crée des pics d’intérêt au cours d’une saison, ils l’ont bien compris et n’ont pas eu à chercher bien loin pour s’en rendre compte. Que ce soit dans les sports traditionnels américains ou avec ce qui se fait en Europe ou en Amérique du Sud en matière de football, la notion de « derby » (au sein d’une même ville ou entre villes voisines) est primordiale. L’invitation faite à Seattle d’intégrer la Major League Soccer en 2009 a été suivie deux ans plus tard seulement par l’arrivée de deux voisins : Vancouver avec les Whitecaps et Portland avec les Timbers. Ces trois équipes si proches géographiquement et si rivales ont créé un regain de popularité qui a rejailli sur l’ensemble de la Ligue. C’est là désormais que le soccer cartonne le plus et le public du CenturyLink Field de Seattle adore se tirer la bourre avec ses voisins. Deux des trois meilleures affluences de l’histoire de la MLS ont été réalisées à l’occasion d’un derby entre Seattle et Portland en 2012 et 2013, avec respectivement 66 452 et 67 385 personnes dans l’enceinte.


Parce que l’équipe actuelle suscite l’enthousiasme

Les Sounders sont une franchise historique, qui existait déjà du temps de la NASL, époque Pelé, Best, Beckebauer, Chinaglia and co. Il y a donc un background qui compte et qui peut en lui-même expliquer l’attachement de la ville à cette équipe. Mais ce sont aussi et surtout les résultats de ces Sounders 2.0 qui suscitent légitimement l’enthousiasme. Depuis 2009, ils ont déjà remporté quatre fois la Coupe des États-Unis, dont la dernière en date, et jouent donc ce week-end leur place pour la première finale MLS de leur histoire face au LA Galaxy (1-0 pour le Galaxy à l’issue du match aller disputé en Californie). Première à l’issue de la saison régulière, l’équipe a remporté le Supporters’ Shield en récompense. La formation actuelle, entraînée par l’historique Sigi Schmid, compte quelques éléments majeurs, dont bien sûr la star du soccer US Clint Dempsey, ramenée à prix d’or au pays et associé en attaque à l’increvable Obafemi Martins. On peut aussi citer le jeune formé au club DeAndre Yedlin, révélation de la dernière Coupe du monde, le Cubain Osvaldo Alonso et quelques valeurs sûres : Brad Evans, Leonardo Gonzalez, Zach Scott… Face à Landon Donovan, Robbie Keane et toute la bande de LA, ils tâcheront ce dimanche de renverser le score défavorable de l’aller et seront pour cela poussés par un public qui sait que le meilleur est, quoi qu’il arrive, à venir.

Par Régis Delanoë

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