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Pourquoi le football est meilleur que la braderie 

Par Eric Carpentier
Pourquoi le football est meilleur que la braderie 

Braderie de Lille ce week-end, deux millions de chineurs envahissent le plus grand marché aux puces d'Europe. Braderie, brocante, puces... qui ne s'est pas laissé un jour emmener dans ces rendez-vous de la nostalgie, des objets désuets et des fausses bonnes affaires ? Et, toujours, en est sorti avec la certitude qu'il aurait préféré voir un bon match de foot ? Parce qu'entre foot et puces, il n'y a pas diapo.

Samedi 2 septembre, gare routière de Gallieni, 6h. Le regard perdu dans le mauvais café et les doigts brûlés par le gobelet, vous l’attendez. Qu’est-ce qu’il fout ? Si ça continue, vous allez rater le bus. Pas que vous ayez envie de le prendre, non. Simplement, l’idée de s’être levé à 5h pour rien vous révolte au moins autant qu’un penalty sifflé contre votre équipe. Mais alors que vous sortez votre Samsung S8+ Infinity pour vérifier que le Barça n’a pas mis 150 plaques sur Thomas Lemar dans la nuit, vous le voyez arriver de son pas bonhomme : chaussures solides en cuir marron, pantalon de velours côtelé couleur kaki, chemise à carreaux délavée, il semble sorti tout droit de sa grange, perdue quelque part dans le pays de Langres, département Haute-Marne, région Grand-Est. Lui, c’est votre tonton Louis. Et forcément, il vous emmène à la brocante.

Bus Macron et mercato amiénois

Parce que tonton Louis, son truc, c’est la chine. Trouver le plan insolite au meilleur prix, quitte à finir à côté des chiottes puants d’un bus beaucoup trop lent. De toute façon, Louis n’est jamais pressé et n’aime pas le TGV. Il vous fait penser à votre autre oncle, Thierry, celui qui supporte le PSG. Celui qui disait jusqu’au mois dernier que « c’était mieux avant » , mais qui a mis 500 boules dans un abonnement au Parc hier. Celui qui a finalement compris qu’un Sneijder déniché sur Le Bon Coin, c’est bien, c’est mignon, mais ça ne sert à rien et ça prend la poussière, là où un Mbappé tout neuf s’adapte à tous les besoins et rend ringarde une Ligue 1 Conforama qui n’avait pas besoin de ça. Bref, Thierry est passé au XXIe siècle. Louis, non. À part pour prendre un autocar Macron.

Dans le bus, pendant que vous vous surprenez à regretter le J9 enfumé et ses sièges en skai imbibés de whisky, Louis vous parle de son amour pour les puces. Et plus que tout, pour la Braderie de Lille. Le plus grand marché d’Europe, deux jours d’achats-ventes décomplexés, d’inutilités dénichées, aussitôt échangées, ou revendues, ou oubliées, un véritable mercato miniature ! Enfin, un véritable mercato miniature de pauvres. Parce que là où vous vous rendez, c’est le royaume de la seconde main, un paradis de supporter d’Amiens. « Il marche encore ton Gakpé ? Moi, j’ai trouvé un Kakuta ! Tiens, un Lacina, ça sert à quoi ? » Super. D’autant que pour vous, un Picard, c’est avant tout un plat surgelé. Ou, à la rigueur, un Macron.

Aspirateur vintage ?

Arrivé à Lille, les déceptions s’enchaînent. 15 minutes que vous êtes sur place et vous n’avez pas encore croisé Gérard Lopez gueulant « se venda ! Se venda ! Diez pesos ! » , un Enyeama au bout du bras, un Bauthéac dans l’autre main. C’est con, pour ça peut-être, vous auriez pu craquer. Un beau Marko Baša dans votre salon, ça aurait eu de la gueule. Mais non, pas de Gérard, ni de Marcelo assis sur une caisse de la brasserie Caulier, tentant de refourguer tous les joueurs de plus de 25 ans encore dans son stock. Tant pis, vous vous contenterez d’un balai que le vendeur vous présente comme un « aspirateur vintage » . C’est ça, ouais. Et El Ghazi n’est pas une pipe, peut-être ? Allez, un euro et on n’en parle plus.

Votre balai en main, vous continuez votre tour pendant que tonton furète partout. Et vous avez beau tendre l’oreille, pas un « biloute » ne vient la caresser. C’est pas comme ça qu’on dit « bienvenue » chez les Ch’tis ? Vos repères sont mis à mal. Au stade au moins, pas de mystère : vous savez que vous y croiserez forcément un « enculé » avant même le coup d’envoi. Car au foot, les choses sont claires. Un adjectif à chacun en fonction de la situation. Vous savez comment qualifier l’arbitre, l’adversaire, ou cet attaquant qui n’en met pas une au fond : lui, c’est un « kezman » . Encore qu’ici, ça semblerait plutôt se prononcer « mikkelbeck » , voire « juniortallo » chez les plus jeunes, mais vous comprenez l’idée. En revanche, c’est quoi cette « wassingue » qu’on veut vous refiler pour 50 centimes, en accompagnement d’un arrosoir en mosaïque émaillée à deux euros ? Vous résistez fermement : vous avez connu le combo Souza – Éverton Santos, vous ne vous ferez pas avoir deux fois. Car si vous savez que le plus grand peintre de votre équipe pourra toujours être refourgué à une bonne poire, souvent anglaise, cet arrosoir risque fort de vous poursuivre toute votre vie. À moins de le refiler à tonton Louis.

Nicolas Stoufflet, nuques longues et Rolando

Louis, justement. Vous le retrouvez au stand de son vieux pote Philippe, brocanteur depuis 50 ans. « C’est la pause » , vous informent-ils, en portant leur verres de rouge aux lèvres. Et il ne faut pas les déranger : ils écoutent le Jeu des 1 000 euros sur France Inter. Vous repartez immédiatement. Vous n’avez rien contre Nicolas Stoufflet et les sous-préfectures, non, mais vous penchez plutôt pour Nicolas Tourriol. Et puis, vous préférez la bière. Les conseils de ce vieux pote lillois – celui qui finit toujours par vous flinguer votre target patiemment verrouillée en hurlant des chansons paillardes – vous reviennent en mémoire : la Braderie, ça se vit autour d’une table, d’une casserole de moules et d’une pinte d’ambrée. Oui, en fait, la Braderie, c’est surtout l’apéro. À ce compte-là, autant ne rien acheter aux puces de Saint-Ouen, puis payer son ticket à Bauer pour ne jamais décoller de l’Olympic.

Quand tout à coup – miracle ! –, un objet digne d’intérêt. Entre la vierge changeant de couleur sous l’eau et les VHS de matchs interrompus par les rots de bébé, caché derrière le grille-pain à fleurs, au-dessus des vinyles rayés, mais sous la pantoufle gauche qui a perdu sa droite, il brille de mille feux : l’album Panini de la saison 1985, celle de votre année de naissance. Vous vous approchez doucement du trésor, retenu par la foule qui piétine. Vous le visualisez, ramassez votre petite monnaie au fond de votre poche, il sera vôtre. À vous moustaches et nuques longues, manches trois-quarts et motifs psychédéliques ! À vous Dominique Rocheteau, Dušan Savić et Gérard Buscher ! Vous vous apprêtez à mettre la main sur cette merveille quand un type passe son épaule devant la vôtre aussi sûrement qu’un Giroud dans un bon jour. « Combien l’album ? – Trois euros. – Je te le prends à 2,50. – Il est pour toi mon gars. » Putain. Vous vous êtes fait doubler aussi sûrement qu’un Rolando de tous les jours.

Capsules de champagne et piscine de billets

Retour au bus. Sur la route, une chevelure jaune et fillasse vous fait passer un frisson dans le dos. Un voyageur du temps ? Il se retourne, vous réalisez qu’il ne s’agit que de Daniel Leclercq à la recherche de capsules de champagne, son passe-temps favori. Surtout, vous réalisez que vous vous laissez doucement, mais sûrement prendre par la nostalgie ambiante. Il vous faut quitter au plus ce temple du passéisme, sortir votre smartphone, vous repasser une vidéo de Neymar contre Toulouse, revoir cette photo de la présentation de Mbappé, et puis ce GIF de Rybolovlev dans une piscine de billets qui vous fait toujours marrer. Retrouver une activité plus en phase avec votre temps, en somme. Et tonton Louis, accessoirement.

Tonton est là, toujours bonhomme. Dans son sac Ikea – oui, Louis pourrait aller au Parc avec un maillot de l’OM –, entre deux babioles, il vous sort « le truc le plus vieux que j’ai trouvé : un maillot de Lens époque Ligue 1 ! » Vous qui pensiez avoir esquivé la wassingue, cette fois, c’est raté. Vous remerciez chaleureusement Louis. Il ne peut pas savoir, tonton, il habite à Chaumont, dans ce triangle du vide footballistique, à 100 bornes du premier club pro. D’ailleurs, vous vous souvenez précisément du jour où vous avez accepté de l’accompagner à la Braderie. C’était cet été, un soir de multiplex où la FM ne passait pas. Alors, autour d’un touret déniché dans une brocante de village, vous vous étiez confiés sur vos passions, vous du football, lui des puces. Grisé par ses mots, et un peu par le rosé, vous aviez topé là : rendez-vous à Lille, premier week-end de septembre ! Quelle idée. La prochaine fois, vous irez plutôt chiner un bar branché sur beIN Sport.

David Pereira da Costa, le dix de cœur du RC Lens

Par Eric Carpentier

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