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Pourquoi la Coupe du monde 1970 est la plus belle de l’histoire

Chérif Ghemmour
Pourquoi la Coupe du monde 1970 est la plus belle de l’histoire

Les anciens aiment raconter que le football, c'était mieux avant. Que Pelé était plus grand que Maradona, Messi et Ronaldo réunis. Qu'ils ont vu jouer le plus beau Brésil de tous les temps pendant le Mondial 1970. Qui serait lui-même le plus beau Mondial de toute l'histoire. Alors, mythe ou réalité ?

Mexico 1970 allume toujours des étoiles au fond des yeux. Parce que ce Mundial mexicain, c’est d’abord le « match du siècle » : Italie-RFA (4-3 a.p), dans une demi-finale de dingue qui éclipsera toujours notre RFA-France de Séville 1982. C’est aussi le « joueur du siècle », Pelé, triple vainqueur unique de la Coupe du monde (1958-1962-1970). C’est aussi « l’équipe du siècle », un Brésil de rêve qui a signé une performance toujours inédite en gagnant tous ses matchs de qualif et tous ses matchs en tournoi (deux fois six sur six). La Seleção championne du monde pour la troisième fois en 1970 a ainsi pu conserver pour toujours le trophée Jules Rimet, offert au pays triple vainqueur… Le Mundial 1970, c’est aussi « l’arrêt du siècle » du gardien anglais Gordon Banks sur une tête de Pelé. C’est également l’exploit de Jaïrzinho, auteur d’un but à chaque match de cette compète (6 en 6 matchs), un record jamais égalé. C’est aussi la première historique du sélectionneur brésilien Mario Zagallo, vainqueur de la Coupe du monde en tant que joueur (1958 et 1962) et en tant que coach. Enfin, on cite assez souvent aussi le but magnifique du capitaine brésilien Carlos Alberto en finale contre l’Italie comme le « but du siècle » en Coupe du monde (4-1). Affirmation recevable ! Huit Brasileiros sont impliqués dans ce mouvement collectif achevé d’une passe aveugle de Pelé pour son capitaine ailé qui surgit en décochant une fusée traçante dans les filets d’Albertosi ! Toute cette galerie de sensations « du siècle » suffisait déjà à placer très haut ce Mundial 1970 dans l’histoire des coupes du monde. Mais d’autres trésors viennent confirmer son prestige inégalé…

Tout pour l’attaque !

Malgré l’altitude élevée de certains stades (Toluca, 2660 mètres, ou Mexico, 2300 mètres) et les grosses températures qu’on pensait néfastes pour le spectacle, les équipes ont étonnamment offert un football offensif. Grâce d’abord à une préparation scientifique d’un type nouveau faite de stages en altitude auxquels se sont pliées la plupart des équipes, convenablement acclimatées au moment des matchs. Le jeu pratiqué en mode ambitieux a ainsi engendré une moyenne record de 2,97 buts par rencontre (95 pions en 32 matchs), la plus forte depuis 1962, et ce, jusqu’à aujourd’hui. On est loin des stats prolifiques des trois coupes du monde 1950-1954-1958, bien sûr ! Mais c’était un autre temps, un autre football… En 1970, le jeu était déjà bunkerisé depuis dix ans. D’où l’agréable surprise que ce football d’attaque au Mexique ! Il faut dire que lors de ce tournoi, la plupart des équipes adoptaient des systèmes à trois ou quatre attaquants, selon des schémas en 4-3-3 parfois modulables en 4-2-4. Dans le détail, la plupart des équipes ont joué avec au moins quatre joueurs à vocation très offensive. Et attention les yeux ! Le Brésil alignait Pelé, Jaïrzinho, Tostão et Rivelino. L’Italie, sa soi-disant réputation « défensive » et son horrible catenaccio ont dégainé, devant, Riva, Boninsegna et Domenghini, avec derrière eux des milieux techniques très portés vers l’attaque comme Mazzola et Rivera ! La RFA joue carrément avec deux numéros 9, Müller et Seeler, encadrés par deux ailiers, Grabowski et Lohr. Sans compter le milieu offensif Overath et les montées de Beckenbauer ! La Belgique a globalement joué avec quatre attaquants dans un 4-2-4 qu’on retrouve également avec le Pérou, la Suède et la Roumanie ! L’Angleterre d’Alf Ramsay déclinait une sorte de 4-4-2, mais avec quatre vrais offensifs (Hurst, Lee, Peters et Charlton), et la fringante URSS disposée en 4-3-3 a étalé tout le talent instillé par son brillant contingent offensif du Dynamo Kiev.

Un football pas encore uniformisé

Résultat ? Une somme de matchs palpitants et riches en buts pour seulement trois rencontres à 0-0 ! En 1970, il existait encore une opposition de styles presque culturelle qui distinguait le jeu des Européens par rapport à celui des Sud-Américains. Plus en nuances infra continentales, des différences existent entre grandes nations venues d’Europe : l’Angleterre et son jeu aérien dans la boîte inspiré par le kick and rush, la RFA et son bloc physique qui se porte rapidement vers l’avant ou l’enthousiasmante URSS et son collectif très « soviétique » qui bannit presque les joueurs stars du modèle libéral… En 1970, le football pas encore tout à fait mondialisé-stéréotypé, offre encore une palette de sensibilités de jeu qui réserve avant chaque match des inconnues tactiques qui rendent ces rencontres passionnantes. Dans le détail, au Mundial mexicain, on marque beaucoup selon les canons habituels du bon vieux foot traditionnel : direct, droit au but. D’abord par des centres de toute sorte (de près ou de loin, aériens ou à terre, tendus ou en retrait) sur le numéro 9 qui conclut face au but. Un foot de purs ailiers avant qu’ils ne disparaissent peu à peu. Autre bonne vieille ficelle : les tirs de loin, avec un ou deux artificiers attitrés par équipe.

Enfin, petite originalité du tournoi : les combinaisons marrantes sur les coups francs, directs ou indirects. Pour contourner le mur, les Bulgares réussissent des une-deux « triangulaires » bien répétés, les Uruguayens sautent au-dessus du ballon et talonnent pour le shooter caché, et les Brésiliens disposent un joueur (Jaïrzinho) en plein milieu du mur (ou à une extrémité) qui se baisse soudain quand Rivelino ou Pelé balance une mine qui fait mouche ! En définitive, si le record de Just Fontaine de 13 buts n’a pas été battu, il a quand même été approché, avec les 10 buts en six matchs de Gerd « Bomber » Müller. Deux innovations réglementaires ont favorisé aussi la tenue d’un jeu plus spectaculaire. La possibilité de deux remplaçants par équipes pour des motifs autres que les blessures. C’est le début du coaching et des remplacements tactiques ! En outre, afin de mieux protéger les joueurs (cf. le massacre de Pelé en 1966) et d’éviter les stratégies bétonnières basées sur l’antijeu, la FIFA a institué des sanctions nouvelles sous forme de cartons jaunes (avertissement) et cartons rouges (expulsion). Le Russe Evgeni Lovchev récoltera ainsi le premier carton jaune de l’histoire de la Coupe du monde lors de cette édition qui ne comptera aucune exclusion.

Casting de rêve et indépendances africaines !

Sur la forme, Mexico 1970 s’est déroulé selon un format ramassé regroupant 16 pays. Rares absents notables de ce plateau relevé, les médiocres Argentine, Espagne et Portugal sont restés à quai, tout comme la grande Yougoslavie finaliste de l’Euro 1968. Le tournoi mexicain s’est déroulé en trois semaines, du 29 mai au 21 juin, et la phase à élimination directe des quarts jusqu’à la finale a été expédiée en sept jours, alors qu’elle en a duré neuf en Coupe du monde 2018. Pas le temps de souffler ! Les quatre matchs des quarts se sont déroulés en une seule journée, de même que les deux demies, à la différence des éditions plus récentes aux matchs couperets étalés sur plusieurs. D’où les sensations émotionnelles très fortes véhiculées durant ces deux folles journées. Ainsi, le 14 juin, à midi (heure locale), quatre grands matchs riches en buts et en rebondissements se sont déroulés en simultané : Uruguay-URSS (1-0 a.p), Brésil-Pérou (4-2), RFA-Angleterre (3-2 a.p) et Italie-Mexique (4-1) ! Ensuite, avec trois doubles vainqueurs en demies (Brésil, Uruguay et Italie), on savait que, hormis une victoire finale de la RFA, le trophée Jules Rimet partirait pour toujours vers l’un des trois grands précités.

Plus que toutes les coupes du monde, Mexico 1970 a sans doute aussi rassemblé le casting le plus impressionnant de l’histoire avec les Seigneurs du ballon tels que Moore, Banks, Charlton, Hurst, Facchetti, Mazzola, Rivera, Pelé, Carlos Alberto, Gerson, Tostão, Beckenbauer, Seeler, Mazurkiewicz, Van Himst, Kindvall. Très peu de grands noms ont manqué à l’appel : Eusébio, Best, Džajić et Cruyff. Pas grave ! D’autres jeunes talents comme Müller, Vogts, Sotil, Cubillas, Jaïrzinho, Rivelino ou Clodoaldo avaient pris date pour l’avenir… Dans le contexte géopolitique de l’époque, deux héros particuliers ont aussi marqué la Coupe du monde 1970. L’attaquant israélien Mordechai Spiegler, d’abord, auteur de l’unique but de son pays contre la Suède (1-1) pour sa première et unique participation au Mondial. Boycotté pour motifs politiques en éliminatoires par la Corée du Nord (de ce fait disqualifiée), Israël avait été placé dans le même chapeau que le Maroc lors du tirage des groupes de Mexico 1970. Le Maroc ayant menacé de se retirer du tournoi s’il affrontait l’équipe de l’État hébreu, comme il l’avait fait aux JO de 1968…

Outre son héros éternel, Mohammed Jarir, buteur contre la RFA (défaite 2-1), le Maroc, encore lui, a marqué l’histoire en devenant le premier représentant africain qualifié pour une Coupe du monde depuis l’Égypte lors de l’édition 1934. Furieuse de devoir disputer autrefois avec l’Asie et l’Océanie la seule place réservée parmi les seize participants, l’Afrique fraîchement décolonisée avait boycotté en masse les éliminatoires du Mondial 1966. Un combat payant puisqu’à partir de Mexico 1970, le Continent noir aurait droit à une place à part entière…

TV couleur, Telstar et Panini !

Le Mundial 1970 a enfin conservé l’éclat du jaune d’or du maillot brésilien, la brillance dorée du trophée Jules Rimet parti sous les Tropiques et la luminosité solaire des matchs disputés en journée et jamais en nocturne. Un bonheur pour les téléspectateurs qui ont pu voir pour la première fois une Coupe du monde en mondovision, en direct et en couleurs. Les ventes de téléviseurs couleur exploseront en ce printemps 1970 ! Les maillots colorés, les peaux blanches, noires et métissées, la sueur qui perle des visages, les drapeaux bigarrés flottant au vent ont créé une dramaturgie sportive d’un type nouveau. Un bonheur télévisuel moins partagé cependant par les joueurs qui ont dû souvent jouer à midi, à presque 40°, pour se plier aux horaires du public TV européen… Avec sa diffusion satellitaire élargie, la Coupe du monde 1970 a été le point d’orgue d’événements universels qui l’avaient précédée, les JO 1968 de Mexico puis le premier homme sur la lune en juillet 1969. Le Mundial 1970 a constitué un moment rare de communion planétaire autour du sport roi. Un phénomène de mondialisation à la fois heureux, avec la fascination inouïe à l’époque pour la civilisation aztèque et le monde des Mayas, et à la fois malheureux, avec le développement du tourisme de masse et de ses spots devenus surfaits comme Cancún et Acapulco.

Le passage à la nouvelle décennie a été aussi marqué du sceau de la modernité avec l’apparition du nouveau ballon Adidas aux panneaux noirs et blancs, pour sa meilleure visibilité en diurne. Un ballon baptisé Telstar, en référence au satellite de communication, de forme sphérique et couvert de panneaux solaires. Comme un ballon de foot… De l’avis général, Mexico 1970 demeure aussi la dernière Coupe du monde de l’insouciance. Celle où les joueurs étaient encore grandement accessibles aux journalistes et aux supporters. Présent aux Coupes du monde 1966 et 1970, Franz Beckenbauer évoquera ces deux mondiaux avec nostalgie en comparaison avec le caractère ultra sécuritaire et pesant de la Coupe du monde suivante, en Allemagne 1974. Le drame de l’attaque terroriste des JO de Munich 1972 était passé par là… Enfin, comme l’enfance imprime plus profondément les souvenirs les plus forts de la vie des hommes, l’album Panini, déjà existant en Italie, fut diffusé pour la première fois dans le monde entier. 288 vignettes de héros vénérés ou oubliés comme des photos de famille au charme émotionnel plus durable que des vidéos YouTube cliquées négligemment…

Chérif Ghemmour

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