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Pourquoi il n’y a pas lieu de se moquer de la sélection féminine du Brésil
La victoire des U16 de Grêmio face à la Seleção féminine (6-0) a provoqué un torrent de moqueries sur le supposé manque de niveau de la sélection nationale brésilienne. Et in extenso, sur l'intérêt même du football pratiqué par les femmes. Mais, comme après la légendaire opposition entre les États-Unis et les U15 de Dallas, comparaison n'est pas raison et il serait parfois bon de se le rappeler.
En Belgique, tout le monde connaît cette séquence de 1986, diffusée au journal télévisé de la RTBF. Après la qualifications des Diables rouges pour les demi-finales du Mondial mexicain, un pilier de comptoir édenté s’esclaffe devant la caméra en questionnant : « Mais qui va nous battre ? Le Brésil ?! », avant de partir dans un nouvel éclat de rire. Les chances que les U16 de Grêmio aient visionné ces images sont quasiment proches de zéro, mais quatre décennies plus tard, force est de constater qu’ils auraient pu se poser la même question avant de défier la Seleção féminine ce mercredi. Le score est net et sans bavure : 6-0. Une sacrée performance pour ces gamins face à une équipe tombée avec les honneurs face à la France lors des huitièmes de la dernière Coupe du monde.
?? Mais qui va nous battre? Le Brésil? @RoBeenkens #BELJAP #CM2018 #BRABEL pic.twitter.com/DOnat2zLyl
— jerome.pauwels (@JeromePauwels) July 3, 2018
Déjà-vu
Et ça n’a pas manqué : dès la publication du compte-rendu de la rencontre par Globo Esporte, le résultat a été monté en épingle par des petits malins bien trop contents de pouvoir se payer la tronche de Marta et ses comparses, « humiliées » par des gamins même pas encore arrivés au stade de la post-formation. Comble du mauvais goût, un compte Twitter francophone spécialisé dans le partage d’informations putaclic s’est fendu d’un gazouillis accompagné d’une vidéo (entre-temps supprimée, bravo quel courage !) dans laquelle le polémiste Alain Soral, avachi dans son canapé, se marre comme une baleine devant des images du Mondial féminin 2019, le tout à grand renfort d’injures misogynes. Classe.
Et pas besoin d’aller chercher très loin pour comprendre le fond du message : cette défaite de la Seleção n’a rien d’étonnant et ne fait que confirmer le fait que le foot féminin ne serait qu’une vaste supercherie, comme s’il était impossible qu’une équipe de sportives professionnelles perde face à des adolescents. Et donc, de remettre en question leurs autres performances sur la scène internationale, face à des adversaires de leur catégorie. De quoi rappeler la polémique stupide qui avait entouré le carton des États-Unis face à la Thaïlande en 2019 (13-0, victoire la plus large dans une Coupe du monde), terni par une défaite (5-2) de la Team USA face aux U15 de Dallas. L’histoire se répète dit-on…
Pourquoi se mentir ?
Alors, puisqu’elle se répète, autant contrer la beauferie ambiante par les mêmes arguments qu’il y a trois ans. Des arguments fondés, bien entendu. On pourrait par exemple rappeler que ce match d’entraînement en prévision des prochains Jeux olympiques s’est déroulé sans les cadres retenus en Europe et que la simple présence de Marta dans l’effectif ne suffit pas forcément à faire la différence. Mettez Griezmann avec dix briscards du Variétés Club de France face aux U16 de Sochaux, il y a de fortes chances que ces derniers leur collent un set dans la tronche. On pourrait aussi souligner que la saison de championnat n’a pas encore repris au Brésil ou aux États-Unis, où évoluent plusieurs joueuses.
On pourrait aussi préciser les intentions de la sélectionneuse Pia Soundhage, laquelle rappelait que cette opposition (de 2×30 minutes) avait pour but « d’évaluer les joueuses individuellement » sur « situations de un-contre-un et de protection du ballon », le tout face à un collectif intéressant en matière de « vitesse de jeu sur le terrain ». Donc, pas d’humilier une bande de gamins et prouver derrière que les femmes sont supérieures aux hommes ou autres fantaisies de comptoir en total décalage avec le sport de haut niveau. Parce que oui, on parle de sport. Et donc, in extenso, de condition et d’aptitudes physiques. Et là, ô surprise ! On apprend qu’un adolescent en pleine croissance et suivant un entraînement sportif intense et régulier a une morphologie et une force supérieures à celles d’une jeune femme adulte. Cela signifie-t-il qu’il faille pour autant dénigrer le football pratiqué par les femmes ? Visiblement oui, encore, pour de trop nombreuses personnes. Les autres, elles, préfèreront prendre du recul et réfléchir à deux fois avant de sortir des inepties sexistes. Et de se souvenir, par exemple, qu’il existe plusieurs catégories au sein de la même discipline et que les comparer aveuglément, sans prêter attention au contexte, ne mène à rien. De leur côté, les vainqueurs de la partie, plutôt que de s’étendre sur le score final, ont préféré souligner l’honneur de pouvoir jouer face aux porte-étendard de leur pays et n’ont pas manqué de multiplier les photos souvenirs. Bref, ils ont préféré profiter du moment plutôt que de se lancer dans des comparaisons foireuses. Et à même pas seize piges, ils ont réussi à fermer pas mal de bouches.
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