- Amical
- Ukraine/France
Plus utile qu’il n’y paraît
Ce soir (21h), c'est large revue d'effectif au programme pour Laurent Blanc. Pas un luxe car il y a vraiment quelques places à prendre et surtout, un état d'esprit à réinstaller. Il y a même urgence...
On peut faire beaucoup de reproches à Laurent Blanc. Celui d’avoir participé à la fameuse réunion des quotas ou celui d’avoir subi les événements en Biélorussie. Mais pas celui de se voiler la face. Et cette aptitude-là est déjà considérable quand on se souvient d’un certain prédécesseur qui se surpassait dans l’art de ne pas reconnaître les faiblesses de son équipe. Car qu’a-t-on vu à Minsk lors du triste nul de l’équipe de France face aux réservistes biélorusses (1-1) ? Manque de jambes et, plus grave, manque d’envie. Et à bien y regarder, il y a quelques résurgences dérangeantes dans certaines attitudes aperçues vendredi dernier voire avant. Entre les retards de certains et le comportement désinvolte d’autres, il faut bien le dire, on a eu la désagréable impression que le temps de la repentance était fini et que certains renouaient avec des travers passés.
Ce sentiment, s’il venait à se vérifier dans la durée, prouverait que le mal est bien plus profond que ce que l’on a bien voulu dire et qu’il dépassait bel et bien le simple cas Domenech même si personne n’osera dire que “l’ex” n’a pas une part certaine de responsabilité dans cette descente aux enfers que vit le football français. C’est sans doute pour cela que Laurent Blanc tire la sonnette d’alarme. Car le danger est réel. Et que le temps où son “aura” ainsi qu’un sentiment de culpabilité chez les joueurs avaient remis tout le monde dans le droit chemin est peut-être révolu. En ce sens, au-delà de la revue d’effectif, ce match amical en Ukraine peut servir à envoyer quelques messages forts.
Des postures sénatoriales
D’ailleurs, Blanc n’a pas fait dans la métaphore. « Il faut de l’émulation dans ce groupe pour ne pas qu’il s’installe dans un certain confort. Ça en réveillerait certains » . On n’avait donc pas rêvé, le problème n’était pas que physique en Biélorussie comme les premiers commentaires le laissaient pourtant entendre. Et Blanc d’abonder : « Vous avez vu le match contre la Biélorussie comme moi… J’ai été déçu par la production collective. A part deux ou trois joueurs qui ont joué à leur niveau, les autres ont été en-dessous. A partir de là, si d’autres joueurs font des productions internationales de bon niveau, on a le droit de les mettre en concurrence » . « Concurrence » , le mot est lâché et c’est une manière de nouveauté chez le Cévenol. Jusque-là, celui-ci avait surtout cherché à chouchouter ses ouailles, à réinstaller une certaine sérénité, un certain calme.
Pour beaucoup, le choix portait sur leur supposée valeur absolue, pas sur l’état de forme ou la situation en club. Avec un certain succès parfois, il faut le reconnaître, comme pour Benzema ou Mexès. Mais voilà, cette gestion “cocooning”, certainement judicieuse à un certain moment, touche actuellement ses limites. Chassez le naturel, il revient au triple galop et il ne faut pas être dans le secret des Bleus pour déceler quelques postures sénatoriales qui renvoient aux plus mauvaises heures de l’ère Domenech. Du coup, ce déplacement à Donetsk, qui pouvait paraître pour certains comme une inutile prolongation de la saison, prend des allures de vraie opportunité pour quelques-uns, même s’il ne faut pas se méprendre : l’idée d’une concurrence n’est parfois juste qu’une idée destinée à secouer un peu les hommes en place.
La carte Ménez
Du coup, Blanc n’a pas fait de détail : dix changements par rapport au dernier onze. Seul Sakho se voit offrir un bis repetita et ce n’est pas tant une récompense (le Parisien est quand même bien passé à côté de sa première cape) qu’une obligation, compte tenu de l’absence de Mexès. Pour le reste, si Mandanda, Kaboul, Réveillère, Matuidi et Gameiro n’ont pas grand espoir de bousculer la hiérarchie, ailleurs, il y a peut-être un coup à jouer pour les titulaires de la Donbass Arena. A commencer par Evra… Certes, Abidal reste clairement le numéro un dans l’esprit de Blanc mais il reste un doute sur sa capacité à retrouver son niveau. Ok, après ses ennuis de santé, être en mesure de jouer est déjà un exploit en soi. Mais si l’on est tout à fait honnête, rien de ce que l’on a vu de lui, que ce soit à Wembley ou à Minsk, ne montre que le Barcelonais est au niveau international et rien n’indique qu’il sera en mesure de le retrouver. En ce sens, un Evra revenu à une certaine humilité (mais en est-il seulement capable ?) et performant peut soulever des interrogations chez le sélectionneur.
Le même genre d’interrogations que dans l’entrejeu. Vendredi, le trio Diaby-Diarra-Nasri a été proche du néant absolu, surtout pour les deux premiers. Et forcément, la sentinelle M’Vila et le relayeur Cabaye, tout en simplicité et en mobilité, ont une vraie carte à jouer surtout compte tenu de l’idée joueuse que se fait Blanc de ces deux postes. Devant, on l’a dit, Gameiro restera quoi qu’il réussisse derrière Benzema et c’est normal. En revanche, Malouda et surtout Ribéry ont du souci à se faire. Incapables de la moindre justesse, de la moindre différence individuelle, les deux milieux de couloirs ont nettement failli (sorti du joli but du Guyannais), le Bavarois ajoutant à son œuvre une absence totale de replacement défensif. Partant, un Rémy très tranchant en fin de saison et surtout un Ménez plusieurs fois créatif et percutant en Bleu comme à la Roma avant d’être mis sur le banc par Montella, sont de vraies alternatives.
Au fond, à bien y regarder, cette formation expérimentale ressemblerait presque davantage que l’équipe-type supposée de vendredi à ce que recherche Blanc en termes de philosophie de jeu, en mettant de côté la défense (où Mexès reste indispensable par sa relance, un précepte majeur du “Président”). Soit un milieu très vif, très actif, très sûr techniquement, et une attaque toute en vitesse et en provocation. C’est tout le paradoxe de ce match face à l’Ukraine. C’est pour ça qu’au fond, il est beaucoup plus intéressant qu’il n’y paraît…
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