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  • Ligue des champions – 8e de finale – Shakhtar Donetsk/Bayern Munich

Pendant ce temps, le Shakhtar joue au foot…

Par Régis Delanoë
Pendant ce temps, le Shakhtar joue au foot…

Le Bayern de Munich se déplace ce mardi soir en Ukraine pour défier le Shakhtar, non pas à Donetsk, devenue zone de guerre depuis plusieurs mois, mais à Lviv, à l'autre bout du pays, où l'équipe de Mircea Lucescu partage son temps avec Kiev la capitale. Une situation provisoire à la base, mais qui pourrait durer… et finir par couler ce club à succès ? Difficile pour l'instant de lui prédire un futur au-delà de la saison actuelle.

Qui a dit que les footballeurs vivaient dans un monde parallèle ? L’effectif du Shakhtar Donetsk fait partie des plus de 500 000 déplacés qui ont fui les conflits depuis que la guerre du Donbass a débuté en avril dernier, dans cette région de l’Est du pays revendiquée à la fois par l’Ukraine et par l’Union des républiques populaires, état séparatiste autoproclamé, soutenu par la Russie. Ils ne sont pas les seuls joueurs professionnels à avoir dû fuir. Rien qu’en première division, cinq clubs vivent actuellement une saison d’exil : le Shakhtar donc, mais aussi le Metalurg et l’Olympik, les deux autres équipes de Donetsk, ainsi que Zorya Louhansk et Illichivets Marioupol. Mais c’est forcément la situation du quintuple champion en titre qui interpelle le plus. L’entraîneur historique Mircea Lucescu et ses ouailles n’ont plus disputé un vrai match à domicile depuis la conquête de leur dernier sacre national en mai dernier. À l’époque, l’armée séparatiste avait déjà pris la ville et ses alentours, proclamant la création d’un nouvel État, la République populaire de Donetsk, qui deviendra peu de temps après l’Union des Républiques populaires (encore appelée « Nouvelle Russie » ) lors de la fusion avec l’autre république séparatiste de la région, celle de Louhansk. À ces annonces, l’armée ukrainienne a décidé d’intervenir, et c’est à partir de là qu’a vraiment débuté cette fichue guerre du Donbass, qui a déjà fait plusieurs milliers de morts des deux côtés, a vidé Donetsk d’une bonne moitié de sa population et a ruiné cette ville qui, il y a encore peu, était le poumon économique de l’Ukraine…

Le Boeing abattu a fait flipper les Sudams…

Les dirigeants du Shakhtar ont donc décidé à l’intersaison de déménager vers des zones plus sûres. Aujourd’hui, c’est un club nomade qui partage son temps entre Kiev, au centre du pays, où vivent les joueurs, où ils s’entraînent et disputent certains matchs, et Lviv, tout à l’ouest, près de la frontière avec la Pologne, cadre de leurs rencontres de gala, notamment la Ligue des champions. Ce soir, c’est donc à plus de 1200 bornes de Donetsk que le Shakhtar accueillera « à domicile » le Bayern Munich. La situation est forcément délicate pour l’actuelle locomotive du football ukrainien, et ça relève même rétrospectivement du petit miracle de la voir encore aller aussi loin en C1 et espérer viser un nouveau titre de champion (le Shakhtar est actuellement deuxième du championnat, avec 5 points de retard sur son grand rival, le Dynamo Kiev). Oui, c’est inespéré, car l’équipe a bien failli se trouver non seulement exilée, mais aussi décimée l’été dernier, avant même le début de la saison. Le 19 juillet, après une défaite 1-4 concédée face à l’Olympique lyonnais, à Annecy en match de préparation, six joueurs de l’effectif se font la malle et menacent de ne plus rejoindre leurs coéquipiers. Tous sont sud-américains, et leur peur peut se comprendre : deux jours avant, un Boeing de la Malaysia Airlines parti d’Amsterdam et faisant route vers Kuala Lumpur s’écrase avec 239 personnes à bord pas loin de Donetsk, abattu en vol par un missile (les deux camps se rejetant toujours la faute depuis). Le sulfureux agent Kia Joorabchian est alors suspecté de jouer sur la peur des joueurs du Shakhtar, notamment la colonie des Sud-Américains, en organisant leur fuite après le match d’Annecy. Après une semaine, les fuyards finiront par revenir en Ukraine, contre la promesse qu’ils n’auront plus à aller à Donetsk ni dans toute la région du Donbass tant que la guerre n’a pas définitivement cessé.

L’insolite stage au Brésil en janvier

De provisoire, cette situation de club nomade en exil paraît de plus en plus partie pour durer, bien qu’un fragile cessez-le-feu a été obtenu à Minsk il y a quelques jours. Sur place, on continue de se canarder violemment, la dernière cible stratégique que contestent les deux camps étant l’aéroport international. Le magnifique stade Donbass, inauguré en 2009 et qui a accueilli des matchs du dernier Euro, a été touché par des bombardements. Il y en aurait pour des millions de dollars de réparation avant que le Shakhtar puisse de nouveau l’occuper. Un énorme gâchis… Le centre d’entraînement du club, qui a accueilli l’équipe de France en 2012, figure aussi parmi les victimes collatérales de la guerre. Les joueurs de football n’étant pas des machines, ils sont forcément touchés par tout ce bordel, certains plus que d’autres comme le capitaine historique Darijo Srna. Lui comme d’autres ont dû faire leur valise à la va-vite et s’imaginer un futur au moins provisoire loin de là où ils avaient élu domicile. L’effectif paraît pour l’instant plus que jamais soudé, solidaire et décidé à faire bloc dans la difficulté, au moins jusque la fin de saison. Même les nombreux Brésiliens du Shakhtar sont tous restés cet hiver, alors qu’il n’aurait pas été scandaleux qu’ils fassent des pieds et des mains pour vite fuir l’inconfort de la situation. Mais ils n’ont pas lâché leur club et le club ne les lâche pas non plus. Peut-être d’ailleurs pour s’assurer qu’ils feraient bien leur retour à l’entraînement après les congés d’hiver, les dirigeants ont organisé un stage au Brésil en janvier, renforçant encore un peu plus les liens entre les deux parties.

La jurisprudence Crimée

Il faut aussi souligner que les joueurs reçoivent pour l’instant leurs salaires sans ponction ni retard, bien que le club touche forcément moins de recettes que prévues et doive faire face à des coûts de déplacement et de location sans commune mesure par rapport aux saisons précédentes. Il peut se le permettre, en tout cas à court terme, grâce à la fortune de son président Rinat Akhmetov, 216e fortune mondiale avec 6,5 milliards de dollars en banque. Jusqu’à présent, son soutien envers son club est sans faille, et la façon dont il est parvenu à le déménager en une poignée de semaines l’été dernier est assez remarquable. Pour ses rassemblements, l’équipe occupe un palace à Kiev qui lui appartient. Mais ce soutien peut-il durer éternellement si la guerre continue de s’enliser comme c’est le cas depuis plusieurs semaines ? Pas sûr. D’une part parce que financièrement, ça peut finir par devenir difficilement tenable, même pour un président richissime, qu’on imagine mal continuer à claquer de l’argent sans aucun retour. D’autre part parce que géopolitiquement, il y a la jurisprudence Crimée qui a de quoi inquiéter. Après le rattachement de cette ancienne région d’Ukraine à la Russie, ses trois clubs pros de football avaient initialement intégré la D3 russe, avant d’en être exclus sur décision de l’UEFA. Ils vont devoir monter leur propre championnat pour être dans les règles. L’instance européenne doit forcément jeter un œil attentif à ce qu’il se passe du côté de Donetsk en ce moment. L’issue de la guerre aura forcément des conséquences sur le Shakhtar, qui pourrait être contraint d’envisager l’exil, définitif cette fois, pour continuer d’exister…

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Régis Delanoë

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