- Premier League – Bilan Mercato
Pas d’armistice pour les Anglais
La Premier League s'est régalée cet été. Elle a manqué Pastore, perdu Fabregas certes, mais s'est offert Agüero, De Gea, Mata, Lukaku ou Wickham et a de nouveau levé son majeur au fair-play financier sauce Michel.
Parlons bien, parlons chiffres tout d’abord. On promettait une réduction de voilure. Et pourtant. La Premier League a claqué 550 millions d’euros pour ce mercato estival soit un joli +33% comparé à l’été dernier. En y ajoutant les dépenses de son petit frère hivernal 2011, pas moins de 805 millions d’euros ont été crachés en 2011, dépoussiérant ainsi le record de 2009 (770 millions d’euros). Aïe Michel ! Le Top 6 de la saison dernière a poursuivi la provocation en s’accaparant deux tiers des dépenses. Coquins. Alors, dans le lot, Chelsea a eu le culot de mettre 15 millions pour débaucher… un entraîneur (Villas-Boas), et les deux ennemis Arsenal, seul raisonnable économique du Big Four, et Tottenham, les caisses sèches, sont les seuls à ressortir de l’exercice estival avec une balance positive (+25 millions pour les Spurs, +10 pour les Gunners avec un temps de réaction digne d’une Christine Arron).
Stoke casque
Et les autres alors ? Certains se sont bien débrouillés. Everton, les poches vides, a laissé filer Arteta dans les dernières secondes, Beckford (Leicester) et a obtenu les prêts de Drenthe et Stracqualursi. Villa a dégraissé (quatorze départs), a récupéré une belle enveloppe après les ventes de Downing (Liverpool) et A. Young (MU) pour acquérir des valeurs sûres du championnat (N’Zogbia, Given) et relancer des mecs collés à la banquette (Hutton, fâché avec Redknapp, et Jenas). Newcastle a enrôlé Cabaye, Obertan, Marveaux, Ba et Santon sans se mettre dans le rouge (ventes de José Enrique, Routledge et Nolan, le trésor de guerre Andy Carroll toujours en trésorerie). D’autres équipes, et elles n’étaient pas nécessairement attendues, ont pris plus de risques à l’image de Fulham, qui a ajouté une nouvelle nationalité dans son squad (le Costaricain de Twente Bryan Ruiz, 12 patates). QPR et Stoke City se sont sorti les doigts dans les derniers jours. Les Londoniens ont chopé Barton, Whright-Phillips, Armand Traoré et le frangin de Rio Ferdinand tandis que les Potters ont fait sauter la banque (25 millions dépensés) et ont pioché dans les clubs “jambon”, les clubs en “ham” : Woodgate, Palacios et Crouch (Tottenham), l’athlétique Cameron Jerome (Birmingham) et le mondialiste Matthew Upson (West Ham). Quant à Sunderland, il a fallu digérer le départ de Henderson vers Liverpool. Le board des Black Cats a misé sur des habitués du circuit (Brown, O’Shea, Bendtner, Gardner) et a arraché, au nez et à la barbe de tous les cadors, le prometteur Connor Wickham (Ipswich, pour 9 millions). Joli coup. Seul Blackburn est resté timide. Les Rovers des Indiens de Venky’s (n°1 de la volaille en Asie) n’ont plumé personne alors qu’ils avaient laissé croire le contraire (rumeur Ronaldinho hier, Raul cet été) et se sont hasardés à poser 7 millions pour Scott Dann de Birmingham ou un peu plus de 2 sur le meneur du Partizan Belgrade, Petrovic. Mouais.
“Glocalisation” du foot briton ?
Mais au-delà de cet empilement de noms qui aura sans doute ravi l’aficionado du mercato, l’épisode estival anglais nous aura surtout permis de deviner quelques nouvelles tendances. Premièrement, le mercato s’est principalement joué au sein même de l’île. La saison dernière, un peu plus de 40% des achats avaient été effectués à l’étranger. Pour cette reprise, le chiffre est tombé à 30%. Les gros calibres n’ont pas dérogé à la règle. S’ils avaient lâché seulement un petit 30% de leur blé dans les clubs du royaume en 2010, ils ont cet été ventilé plus de 50% de leurs dépenses dans du joueur “domestique”. Si l’Espagne a reçu quelques liasses avec les arrivées de Mata, Agüero et De Gea, l’Angleterre a surtout craché la monnaie pour des joueurs qu’elle connaissait bien (Downing, Henderson, Jones, Young, Crouch, Meireles, Nasri, Adam, N’Zogbia). Par simple logique de ricochet, ces flux intra-anglais ont affaibli le pouvoir d’achat des autres écuries européennes (italiennes et allemandes principalement) qui n’ont pu réinvestir les livres anglaises sur d’autres pointures. Deuxièmement, il semble que l’Angleterre du foot commence à mettre un peu plus de pognon dans la jeune garde. Les clubs de PL ont pour cette saison dépensé deux fois plus dans des joueurs de moins de 21 ans (130 millions de livres) que l’année dernière, six fois plus qu’en 2009. Lors du dernier exercice déjà, le nombre de matches joués par les “U21” était en progression de presque 30%. Cela avait permis l’éclosion d’un Welbeck par exemple. Cette statistique laisse aussi deviner que, désormais, les clubs anglais pourraient à terme espérer des plus-values plus intéressantes en cas de revente sur ces jeunes. Plus de recettes donc. Troisièmement, les joueurs à contrats “toxiques” – joueurs surpayés mais très peu utilisés ou efficaces – ont été priés de dégager, provisoirement pour certains (Adebayor, Bébé, Joe Cole, Makoun, Santa Cruz, Benayoun, Aquilani, Bendtner), définitivement pour d’autres (les arnaques Jovanovic et Kyrgiakos, Diouf, Kalinic, Gudjohnsen, Jô, Bellamy, Zhirkov, Hargreaves ou Wright-Phillips).
Et enfin, l’emballement dépensier des six costauds anglais (enfin surtout russes, américains et émiratis) n’est pas forcément surprenant. La concurrence est de plus en plus féroce pour attraper les quatre premiers lucratifs strapontins européens. Tottenham et City ont bien réussi à s’y incruster dernièrement, nan ? Il y a donc course à l’armement pour s’assurer sportivement de substantielles rentrées d’argent (primes et droits TV de la Premier League et de la C1) afin de compenser les énormes dépenses consenties pour rester au top, dans le coup. De plus, l’exposition médiatique de la Champions League est devenue tout aussi indispensable à ces mastodontes du foot briton, dans leur logique de construction de marque globale (les tournées d’été hors Europe, merchandising). Pourquoi ? Augmenter les revenus en diversifiant leur provenance. Tout simplement. Et si cela ne suffit pas, il y aura toujours un contrat faramineux de naming (cas de Man City, estimation à 170 millions d’euros) ou une ouverture de capital à la bourse de Singapour (cas du rival United, 700 millions d’euros espérés) pour renflouer les caisses. En attendant les prochaines entourloupes des Blues et des Reds. Eh ouais Michel, c’est aussi ça le fair-play à l’anglaise !
Ronan Boscher
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