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Otis N’Goma : « Claude Le Roy a raconté n’importe quoi »

Propos recueillis par Quentin Müller
6 minutes
Otis N’Goma : « Claude Le Roy a raconté n’importe quoi »

En marge du quart de finale entre les deux Congo, Otis N'Goma a souhaité livrer son ressenti et sa grande expérience de l'affiche. Pompier intérimaire de la sélection des Léopards trois fois, puis coach des U20, il a sillonné la France et l'Europe pour démarcher les binationaux et rendre un peu de superbe à l'ancien Zaïre.

C’est quoi un match entre les deux Congo ?

Le Congo Kinshasa contre le Congo Brazzaville, c’est avant tout un derby politique. Le Pool Malebo sépare Kinshasa de Brazzaville. Y a que 5 minutes de traversée pour rejoindre les deux capitales. On parle une langue commune, le lingala. On a aussi un passé colonial francophone. Le Congo Brazza a été français, et le Congo Kinshasa, belge. Sans oublier tous les échanges humains entre nos provinces frontalières. Donc on peut dire que c’est un vrai derby. Puis, dans l’histoire, il a toujours été accompagné de heurts. La tension monte petit à petit, notamment sur les réseaux sociaux, entre les peuples des deux rives. Même les deux gouvernements s’affrontent. C’est à qui affrétera le plus de supporters. Et d’ores et déjà, les politiques ont fait des promesses aux vainqueurs.

Quel genre de promesses ?

Des deux côtés, ils sont prêts à leur offrir des voitures, des maisons. C’est pas un match, mais un débat politique. La sorcellerie a également été mobilisée. Tous les sorciers ont été convoqués, des plus réputés aux plus farfelus. C’est toute une société qui s’organise et va changer de visage le lendemain selon la victoire ou la défaite. Il y aura chambrage pour les vainqueurs, sabotage et tensions violentes pour les perdants. J’ai eu la chance de voir un de ces matchs en 1985. Ce jour-là, on avait gagné 5-2 à Brazza. Après, pour te dire, les Congolais ressortissants de Kinshasa avaient été victimes de propos xénophobes, d’actes de vandalisme. Y avait eu des blessés très graves et des expulsions de territoire ! Sans oublier la fermeture un mois du port fluvial. C’est la 4e fois que les deux Congo se rencontrent en phase finale de CAN. Celui qui a remporté le derby a toujours gagné la CAN par la suite. C’est pour ça que je pense que c’est une finale avant l’heure. En 1968, c’est Kinshasa qui gagne. En 1974, c’est encore le Congo Kinshasa devenu Zaïre. Mais deux ans avant, c’était le Congo Brazza qui la remportait après avoir battu le Kinshasa en quart. L’histoire peut se répéter.

On peut parler d’un duel déséquilibré ?

Niveau superficie du pays et population, le Congo Kinshasa est bien plus imposant que le Congo Brazza. Après, la différence est moins flagrante sur le plan sportif, même si le Congo Kinshasa a plus de joueurs de talent. Mais le Congo Brazza a aussi une très belle équipe.

Ce bon parcours en CAN n’est-il pas la victoire des coachs natifs et la défaite des sorciers blancs ?

Notre coach actuel, c’est un ancien fonctionnaire de Lille (natif congolais, ndlr). On se connaît, il habite pas loin de chez moi. Il était moniteur de sport à Lille. Puis il est parti à l’AS Vita, à Kinshasa, où il fait une finale de Ligue des champions africaine. À ce moment-là, la RDC cherchait un sorcier blanc. Mais le gouvernement avait cette fois fixé un plafond au salaire. C’était maximum du 15 000 euros pas mois. Pas plus. À partir de ça, tu peux écrémer tous les sorciers blancs. Car pour un entraîneur occidental, c’est minimum 25 000 euros par mois. Le Roy, Paul Le Guen, ils tapent dans les 50 000 euros par mois.

Alors le match contre le Congo Brazzaville, ce n’est pas non plus une revanche du peuple congolais contre Claude Le Roy ?

Il a raconté n’importe quoi. Il a dit qu’il avait lancé des joueurs que j’ai en réalité lancés. Puis il fait de l’intox en disant haut et fort qu’il connaît les points forts et les points faibles de notre sélection. C’est un match qui est déjà tendu. Le mental va faire la différence. Il faudra garder son calme pour pas sortir du contexte.
C’est du gâchis de voir Jirès Kembo-Ekoko partir dans le Golfe

Tu as été chargé de démarcher ces joueurs-là. Raconte-nous comment on fait changer un joueur de bord.

J’ai suivi près 300 joueurs entre 2008 et 2012. La plupart, soit je vais les voir, soit je tâte le terrain via la famille. Je commence par contacter les parents. Par exemple Arnold Mvuemba. J’ai fait les démarches auprès des parents. Mais à l’époque, il espérait toujours accrocher l’équipe de France. Le lendemain, je vais voir Jirès Kembo-Ekoko, après être allé en Belgique rendre visite à Mboyo et être passé par le Camp des Loges voir Makonda. Je me lève très tôt le matin pour être à Rennes avant l’entraînement. Je le vois furtivement, puis je l’invite après à manger avec sa femme et son frère. On est dans la séduction constante. J’ai demandé le plus beau restaurant de Rennes, parce que Jirès, il a un certain standing, quoi. On discute des heures. À la fin du repas, il me donne son accord de principe. Je rentre chez moi, je fais un malaise de fatigue et je reste une semaine à l’hôpital. Aucun des joueurs rencontrés ces jours-là ne porteront le maillot du Congo.

Cela donne l’impression d’un résultat mitigé par rapport à l’engagement…

Regarde, Kembo, il n’a au final jamais joué pour nous. Il part dans le Golfe, c’est du gâchis. Surtout quand tu sais que son père défunt était un grand joueur des Léopards.

Il y a eu depuis un effort de fait dans l’organisation des fédérations, non ?

Avant, on ne logeait pas forcément dans des hôtels étoilés. Depuis 2010, c’est du 4 ou 5 étoiles minimum avec wifi. Les billets d’avion à l’heure, tout comme les convocations arrivent à l’heure. Pour te dire, y a pas longtemps, on avait choisi le château de Chantilly pour un déplacement en France. Les joueurs sont donc plus à l’aise. Puis faut pas oublier que pour eux, s’ils veulent jouer en Angleterre, faut être minimum international.

Et ce match amical de la RDC contre la France en 2008, c’est un déclic ?

On fait 0-0 contre Djibril Cissé, Mexès, Nasri, Clichy, Rothen avec de jeunes garçons qui jouent tous ou presque en CFA. Zola, Mongongu, Mulumbu, Samy, Mabiala, ça été un peu notre première génération de binationaux, une vitrine pour eux, mais aussi pour nous. Le Congo Kinshasa, c’est le pays qui pourvoit le plus de joueurs binationaux aux équipes européenes. Regarde par exemple la France avec Makelele, Kakuta, Matuidi, Lyundula, Mandanda. Ou la Belgique avec Batshuayi, Benteke, Vanden Borre, Kompany, Lukaku. Cette dynamique de binationaux titulaires dans des sélections européennes a été une tendance qui nous a fait mal. C’était un effet de mode qui a fait que les joueurs ne jouaient pas pour nous. En 2002, lors de la Coupe du monde, y a eu un truc qui s’est produit. Je pense que c’est la victoire de Bruno Metsu contre la France avec le Sénégal qui a changé les consciences. La FIFA nous a aussi facilité la tâche. Maintenant, les garçons attendent de voir, jusqu’à leurs 23 ans, s’ils vont être appelés par leurs pays européens, avant de se tourner vers nous, leur deuxième choix. T’as même des joueurs, c’est leur premier choix.

La RDC a-t-elle un besoin vital de ces binationaux pour constituer sa sélection ?

Toute notre défense, sauf Mongongou, est locale. Notre onze de départ est constitué de cinq joueurs locaux contre six professionnels.

Une victoire contre le Congo voisin pourrait-elle apaiser les tensions politiques qui existent au pays ?

Non, mais ce qui est certain, c’est que ce sera une fête. Cela va apaiser et raisonner certains décideurs des partis politiques. Le football, ça fait beaucoup de miracles au Congo Kinshasa. Là, demain, personne ne va aller bosser. Kinshasa sera ville morte. Rien n’est au-dessus du football au Congo.
Botafogo, pour la gloire de l’OL ?

Propos recueillis par Quentin Müller

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