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« On réclame un droit simple : le droit de vote ! »

Propos recueillis par Eric Carpentier
« On réclame un droit simple : le droit de vote ! »

Éric Thomas est le président de l'Association française de football amateur. Un homme qui tente de faire entendre la voix du foot d'en bas par les instances d'en haut. Malgré leur surdité.

Quels sont les moyens d’action de l’AFFA ?L’AFFA a été créée il y a cinq ans, dans un premier temps en réaction à Knysna, pour essayer de porter la voix et les valeurs du foot amateur, pour mettre en avant le foot féminin, pour développer la diversité, que les instances ne soient pas âgées, masculines, éloignées des terrains. Petit à petit, l’asso monte en puissance, on a environ 200 clubs adhérents dans toute la France, et environ 300 dirigeants à titre individuel, qui ne préfèrent pas faire adhérer leur club… de peur de réactions négatives de la part des instances, on va dire.

De peur de représailles ?Quand on est invités, avec Emmanuel Petit, qui est notre ambassadeur, à organiser une réunion du côté du Mans, et que le président de la Ligue du Maine appelle les clubs pour leur intimer de ne pas assister à cette réunion, franchement, dans quel pays vit-on ? C’est arrivé il y a quelques mois, le président a appelé les clubs en les menaçant de mesures de rétorsion. On remet en question beaucoup de choses, mais le football est un sport très conservateur, avec une organisation moyenâgeuse : le président de club a peur de celui de District qui craint le président de Ligue qui attend des faveurs du président de la Fédération française. Je caricature à peine, hein !

Vous vous attaquez au système tel qu’il existe actuellement ?On a un sujet essentiel de revendication : c’est qu’on peut se présenter aux élections de la Fédération, mais on ne peut pas voter, les présidents de clubs amateurs. Donc on réclame un droit simple : le droit de vote ! On représente 2 millions de licenciés dans 15 000 clubs et on n’a aucun droit de vote, alors que les 44 clubs professionnels qui ne représentent que 1 000 joueurs ont un droit de vote direct lors de l’élection du président de la FFF. On essaie de porter ce message. On a rencontré Patrick Kanner, mais aujourd’hui, il n’y a pas de volonté, ni de la part du gouvernement, ni de la part de la FFF, de devenir démocratique. On reste entre soi, entre 266 grands électeurs, qu’on arrose, qu’on connaît depuis 40 ans, et vers lesquels on se tourne pour dire du mal du président de la LFP, mais en aucun cas pour remettre en cause son action.

L’affaire Luzenac est un crime contre le football amateur. Et je pèse mes mots.

Après 2011 et 2012, allez-vous vous présenter en 2016 ?Écoutez… Ça ne bouge pas du tout, c’est extrêmement verrouillé, il n’y a aucune évolution. Je ne souhaite pas me présenter aux prochaines élections, je souhaite voter. C’est le pouvoir élémentaire de chaque citoyen dans toute démocratie. Je n’ai pas forcément envie d’être candidat à toutes les élections, j’ai envie que ça change, que les lignes bougent. Malgré les promesses, de l’élection 2011 par exemple, qui étaient de mettre l’économie du football au service du foot amateur. Nous pensons que la seule façon de faire revenir de la transparence, c’est d’enfin retrouver les chemins de la démocratie. Les présidents de clubs amateurs doivent pouvoir dire la politique qu’ils souhaitent pour les quatre ans à venir. Aujourd’hui, notre réflexion, c’est que, tant que les principes de démocratie élémentaires ne sont pas mis en œuvre, il n’y a aucune raison qu’on y aille.

Concrètement, comment faire pour mettre en place une organisation démocratique ?On pourrait mettre en œuvre la démocratie pour zéro. On a tous un numéro d’identification, de licence. Par internet, on pourrait mettre en place un vote sur un week-end sans aucun problème. On aurait un vote qui serait bien plus démocratique et ouvert que ne l’étaient les simulacres d’élections de 2011 et 2012. On a récupéré les cartes de vote : toutes les cartes de vote électroniques avaient un numéro de série. Ça veut dire que le président de la Fédération savait qui avait voté pour lui, qui avait voté contre lui, c’est pas la démocratie, ça ! Ça s’appelle un système organisé, une République bananière, vous l’appelez comme vous voulez, mais ça ne correspond pas à la réalité à travers la France. Faites un sondage et vous verrez les résultats ! Alors sondage ne vaut pas raison, mais je pense que les chiffres seraient révélateurs.

Qu’attendez-vous de la Fédération ?Je n’attends plus rien de la fédé, soyons clair. Depuis Knysna en passant par Luzenac et l’affaire de la sextape jusqu’au vote pour M. Blatter, lorsque Michel Platini a demandé aux fédérations européennes de choisir un candidat, aucune de ses décisions n’a été une décision de bon sens. Quand on fait tout pour empêcher Luzenac de jouer en Ligue 2, on n’est pas à la hauteur de ses responsabilités. Le rôle d’une Fédération sportive, c’est de tout faire pour qu’un club qui accède sportivement à un niveau de compétition puisse pratiquer dans ce niveau. L’affaire Luzenac est un crime contre le football amateur, et je pèse mes mots. Notre Fédération marche sur la tête. Mais tant qu’elle marche ! C’est comme un poulet sans tête, elle court, elle ne sait pas où elle va. Vers l’Euro 2016 ? Mais elle en oublie ses racines, sa mission de service public.

La Fédération devait mettre 20 millions sur deux ans vers le football amateur, elle n’en met plus que 17. Où sont passés les trois millions restants ?

Sa mission de service public ?Le lien social est le cœur de notre activité. On fait un peu de football, mais on fait beaucoup de pédagogie, de citoyenneté, de la culture… c’est ça le football ! Le foot fait venir les gamins, fidélise les parents, mais on fait aussi beaucoup de social. Et aujourd’hui, la Fédération a abandonné ce plan. Ce qui l’occupe, c’est l’Euro, c’est l’équipe de France, c’est de faire du marketing. Le foot est certes un spectacle au plus haut niveau, mais c’est aussi un sport et des valeurs. Aujourd’hui, on voit une hémorragie d’arbitres, de bénévoles, le lien social se distend, ce ne sont pas exactement des points positifs. Mais voilà, l’Euro arrive, c’est le sauveur…

Quel lien y a-t-il entre l’Euro et le football amateur ?D’abord, il y a la question des subsides de l’UEFA. La Fédération devait mettre 20 millions sur deux ans vers le football amateur, elle n’en met plus que 17. Où sont passés les trois millions restants ? Et pour l’instant, les clubs n’en voient pas la couleur. Et puis, quand on organise un Euro en France, la moindre des choses, c’est d’inviter les bénévoles ! On rénove dix stades pour deux milliards d’euros et il n’y a pas une invitation pour les bénévoles qui donnent du temps, de l’énergie sur tous les terrains. C’est scandaleux. Alors c’est sûr, si on fait un bel Euro, on va voir des gamins et des gamines débarquer dans nos clubs. Mais comment on fait pour les accueillir si on n’a pas de structures ? Si vous n’avez pas un terrain synthétique, si vous n’avez pas un vestiaire indépendant pour faire jouer vos féminines ? Ce qu’on a, en revanche, ce sont des éducateurs formés, ça c’est une belle réussite du football français. Pour le reste, il n’y a pas de plan d’équipement. On avait proposé la mise en place de 200 terrains synthétiques par an, ce qui change tout de suite les conditions d’accueil, mais ça, ce n’est même pas envisageable. La Fédération, ça ne l’intéresse pas.

Avez-vous des exemples de réussites ?Quand l’Allemagne a accueilli la Coupe du monde, elle ne s’est pas intéressée uniquement à ses stades. Il y a eu un phénomène de concertation avec ses clubs amateurs, et les infrastructures ont été mises en place d’un même pas. C’est ce dont on a besoin, d’avancer sur nos deux jambes. Et le foot a une jambe professionnelle et une jambe amateur. Regardez les dernières saillies entre Noël Le Graët et Frédéric Thiriez : c’est du niveau de la cour d’école ! Si les uns travaillent sans les autres, c’est perdu d’avance. Connaissez-vous le président de la Ligue de football amateur, la LFA ? Quand demain vous connaîtrez le président, qui s’appelle Lionel Boland, et surtout ses missions, et quand vous saurez qu’elle n’a pas d’autorité morale, pas de budget, que ce n’est qu’une sous-commission de la FFF, vous aurez tout compris du mépris qu’on porte au foot amateur.

Quand un club de foot s’arrête dans un village, c’est souvent l’école qui s’arrête l’année d’après

Quelle est votre opinion sur la crise de la FIFA ?La crise à la FIFA, c’est la même que la crise de gouvernance à la Fédération : tant qu’il n’y a pas de démocratie, il n’y a pas de transparence, et s’il n’y a pas de transparence, la crise explose ou implose inévitablement un jour ou l’autre. Je vais vous dire une anecdote : quand, il y a un an et demi, on a décidé d’organiser un événement qui s’appelait « Le foot amateur fait sa Coupe du monde » , la première réaction de la FIFA a été de nous envoyer une lettre d’avocat ! Pour nous dénier le droit d’user du terme « Coupe du monde » ! Donc voilà, OK, aujourd’hui le foot n’est plus un sport, c’est un business. Et il n’est pas considéré en tant que sport par la FIFA, par l’UEFA et par la FFF. Quand vous changez de dimension, quand vous passez à une dimension de spectacle et du business, faut pas vous étonner de tous les malheurs qui vous arrivent ! Vous perdez vos valeurs, vous ne voyez que par et pour l’argent, et vous en oubliez les amateurs, qui sont des passionnés, des bénévoles qui se bougent pour les gamins dans les 15 000 clubs de France, tous les jours de la semaine… Le football est une mission de service public, à mes yeux la seule qui fonctionne sept jours sur sept et qui n’est assurée que par des bénévoles. On est la variable d’ajustement permanente du football français. Nos politiques doivent enfin en prendre conscience.

En 2016, quelles seront vos préoccupations principales ?
Le prochain dossier, c’est la réforme territoriale. Aujourd’hui, les clubs n’ont aucune information. Aucun débat, aucune concertation. Comment est-ce qu’on va réformer les championnats ? Pour les petits et moyens clubs, le principal risque réside dans les distances. Demain, ils n’auront plus accès au niveau régional. Dans une grande ligue composée hier de trois ligues, il y a de telles distances, jusqu’à 500 kilomètres, qui vont être un frein à l’accès au niveau régional pour des petits clubs bien gérés, bien encadrés, qui arrivent à former de bons joueurs. Le niveau régional coûte déjà beaucoup d’argent et va être encore plus cher ! On subit cette réforme au lieu de l’anticiper. Et ce sont les clubs qui vont payer les frais. Or il y a un autre sujet d’inquiétude : le premier partenaire d’un club, c’est la ville. Et il y a beaucoup de budgets qui se réduisent. On est déjà sur le fil du rasoir, si en plus les aides et les subventions des collectivités territoriales baissent, très franchement, je vois pas comment on va fonctionner.

Quels sont vos vœux à l’endroit du football amateur ?
De continuer à porter nos valeurs, fièrement, dignement, de continuer à œuvrer pour ce qui fait la popularité de notre sport. De surtout pas baisser la tête. De continuer à être un acteur engagé pour une mission de service public. On a des liens sociaux, un engagement citoyen, des vertus pédagogiques irremplaçables. Quand un club de foot s’arrête dans un village, souvent c’est l’école qui s’arrête l’année d’après. Mais ça, on ne le mesure que quand le club s’arrête. À l’AFFA, on va continuer à interpeller la Fédération, les responsables publics, à essayer de faire bouger les lignes.

À consulter : Le site de l’Association française de football amateur

Dans cet article :
Jonathan Clauss sera absent pour trois à quatre semaines
Dans cet article :

Propos recueillis par Eric Carpentier

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