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  • 11e journée
  • Argentinos/Independiente (0-1)

On était au stade Diego Armando Maradona

Par Léo Ruiz, à Buenos Aires
6 minutes
On était au stade Diego Armando Maradona

Vendredi soir, dans la douceur de Buenos Aires, Argentinos Juniors recevait Independiente dans son petit stade de quartier où, il y a plus de 35 ans, Maradona lançait sa carrière. Aujourd’hui, les joueurs les plus connus sont Placente, passé par Bordeaux, et Sebastián Riquelme, pour l’instant simple ramasseur de balle. Un football pas spectaculaire, mais un football comme on l'aime.

Le match commence dans deux heures, mais c’est le grand calme aux alentours du stade. Seuls quelques fans d’Independiente profitent de la douceur de cette soirée printanière pour engloutir un choripan dans un parc environnant. Sauce chimichurri, bien sûr. Calé entre les rues Boyacá et Gavilán, dans le quartier tranquille de La Paternal, en plein centre géographique de Buenos Aires, le stade Diego Armando Maradona passerait presque inaperçu. C’est pourtant ici que le « gamin en or » a fait ses premiers pas en première division, sous le maillot d’Argentinos Juniors, l’équipe locale, avec laquelle il a marqué 116 buts en 166 matchs. Record du club. C’est aussi dans ce stade, refait à neuf en 2003, que Messi a porté pour la première fois le maillot argentin, avec les moins de 20 ans.

Club de quartier et football passion

Aux guichets, seule une tribune est ouverte à la vente. Pas de soucis cependant pour acheter sa place : 12 euros en Popular (debout), 25 en Platea (assis). Il s’agit de la tribune latérale située au-dessus des vestiaires, la plus grande de ce petit stade sympathique de 20 000 places. Derrière l’un des deux buts, la mini-tribune de la barrabrava locale. Derrière l’autre, des arbres. En face, les gradins sont divisés en deux parties à peu près égales : l’une pour les supporters adverses, l’autre pour des locaux. Sauf qu’Independiente, troisième club le plus populaire d’Argentine après Boca et River, mobilise tellement de monde que la tribune entière lui a été attribuée. Entre le début des gradins et la pelouse, en excellent état, il n’y a pas plus de deux mètres. Argentinos Juniors, c’est la proximité. Le club de quartier, familial et tranquille. Avant les pros, les deux équipes réserve s’affrontent devant environ 500 supporters, dont la moyenne d’âge avoisine les 60 ans. Les vieux du quartier, très attachés au club, s’offrent toutes les deux semaines deux matchs pour le prix d’un.
« Combien ? »
« 2-0 pour nous, Franco et Caruso, de la tête. » Ici, c’est ambiance match de district. Tout le monde se connaît, se salue, repasse l’info locale de la semaine, encourage « les petits » et balance quelques piques en direction de la tribune adverse, avant qu’elle ne se remplisse. « Tu vas à la B, Rojo. » Une habitude pour les fans d’Independiente, dans la zone de relégation depuis le début de saison.

La majorité des supporters vivant à moins de 500m du stade, les tribunes sonnent creux à une vingtaine de minutes du coup d’envoi. Le kop adverse, en revanche, se remplit et commence à donner de la voix. Un pénalty pour la réserve d’Independiente, transformé par le gardien, fait monter l’ambiance d’un cran. Les supporters locaux arrivent par famille. En couple, avec les enfants dans les pattes ou sur les épaules. Les gardiens des équipes premières s’échauffent le long de la ligne de corner, mais avec le peu de place disponible, ils doivent attendre que le jeu se déploie dans le camp adverse pour pouvoir faire leurs exercices. Ça y est, le petit millier de barrabravas locaux remplit sa mini-tribune et fait résonner les tambours. Les secteurs populaires se lèvent et suivent les chants, étouffés par ceux de la tribune archicomble des supporters d’Independiente. Les tunnels gonflables sont mis en place, la traditionnelle sortie latino-américaine des équipes se prépare. Petit stade, certes, mais ambiance à l’argentine quand même. Sans les papelitos. Les couleurs des deux équipes étant les mêmes (rouge et blanc), il est visuellement impossible de différencier les fans de deux équipes dans l’excitation générale. Peu importe, le stade est chaud, le spectacle peut commencer. Dans les tribunes, en tout cas.

Negrito, Placente et le petit frère de Riquelme

Sur la pelouse, pas de vedette. Au rayon anciens de la Ligue 1, Eduardo Tuzzio est blessé côté Independiente, mais Diego Placente est bien là dans le couloir gauche d’Argentinos. En pointe, les locaux possèdent un des rares blacks du championnat, l’Équatorien Anangono, appelé affectueusement « Negro » ou « Negrito » par ses supporters. Bon, c’est vrai que les bruits d’animaux que fait le papy d’à côté à chaque fois qu’il touche la balle font sacrément flipper. L’AAAJ domine et emballe ses fans, prêts à exploser à la moindre brindille. Les vieux ne chantent pas trop, mais sont de loin les plus prompts à balancer leurs mots doux à l’arbitre à chaque coup de sifflet en leur défaveur. Les deux équipes sont techniquement très limitées, incapables de construire une action digne de ce nom. Tout est brouillon, confus. Aucun joueur ne sort du lot, même si le combat que mène Ernesto Farías, l’ancien du FC Porto, seul à la pointe d’Independiente, est louable. Le capitaine d’El Rojo offre de la tête un caviar à Vargas, seul à 5 mètres des buts, mais le Colombien envoie mystérieusement sa volée à côté. « Tête de cheval ! » , lui assène un autre petit vieux. Celle-là venait d’une autre époque. À part ça, rien ou presque. Heureusement, la tribune d’Independiente montre par intermittence de quoi elle est capable. Le seul intérêt de la première mi-temps.

Pendant la pause, le speaker ne donne pas le résultat de l’autre match de la soirée, mais ceux de toutes les catégories inférieures du club. Bah oui, c’est plus intéressant. Pour info, les moins de 13 ans ont fait 0-0 à Colon. Parmi les ramasseurs de balle qui jonglent sur la pelouse est présent Sebastián Riquelme, petit frère de, numéro 10 des moins de 16 ans. Román aussi a été formé ici, tout comme Redondo, Cambiasso, Coloccini ou encore Sorín. Argentinos Juniors n’est pas une grande équipe du championnat, mais c’est un excellent club formateur. Et puis il a une Libertadores au palmarès, quand même. Contre sept pour son rival du jour, club le plus titré du continent à l’international. La deuxième mi-temps n’est pas plus intéressante, et se transforme en festival de ballons perdus et de fautes en tout genre. Sur l’une d’entre elles, Velázquez reprend de la tête un bon coup franc et ouvre le score, rendant hystériques les milliers de fans d’Independiente. La puissance physique a fait la différence. Quoi d’autre, sinon ? Les locaux tentent de revenir, mais ne se créent pas une seule occasion, ce qui désespère franchement les petits vieux. On les comprend, eux qui ont vu Maradona enchaîner les pions. Le match se termine, dans une grosse fiesta des Diables rouges d’Argentine. Comme le veut le règlement ici, les locaux doivent attendre une petite demi-heure dans le stade, le temps que les supporters adverses quittent les parages. À la sortie, trois joueurs d’Argentinos attendent leur meuf, leurs potes ou leurs parents, et rentrent chez eux à pied avec eux, au milieu des supporters. Comme toi le dimanche après-midi. Le tout dans le calme de La Paternal.

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