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On était au Salón de la Fama del Futbol

Par Thomas Goubin
6 minutes
On était au Salón de la Fama del Futbol

Le Salón de la Fama del Futbol, en français, le Hall of Fame du football (sic), se situe au Mexique, à Pachuca. Mardi, Valderrama, Romário, Menotti et Alex Ferguson y faisaient leur entrée. Retour sur une soirée un peu trop convenue...

Carlos Valderrama a fait péter le costard et s’est délesté de sa collection de bracelets et
 de colliers. Le cheveu, lui, est toujours aussi abondant et coloré. « Le parfum du football colombien » 
 comme le qualifiera Pacho Maturana, lui aussi présent sur l’estrade, se dit « honoré » et fait résonner son accent caribéen face au millier de présents. Une fois devant le micro, El Pibe va envoyer une litanie de lieux communs, avec en tête le fameux refrain de ceux qui veulent ne pas perdre espoir en Amérique latine : « Si se puede » . Valderrama a un message, une passe décisive qu’il veut transmettre au monde : « Tout est possible. Les rêves peuvent se concrétiser. Cela dépend de chacun. » Applaudissements de l’auditoire, au sein duquel se trouvent Emilio Butragueño, Rafael Márquez, et le président de l’Atlético Madrid, Miguel Angel Gil, entre autres.

Maturana et mythologie

Discours convenus, ou trop long de la part des honorés les moins attendus, interludes dispensés par un orchestre classique, et un chanteur un peu has been en guest star : pas de doute, on se trouve bien au cœur d’une cérémonie de remise de récompenses. La quatrième « investiture » du Salón de la Fama del Futbol, le Hall of Fame du football, se déroule à Pachuca, à une heure et demie de route au nord de Mexico. Romário, César Luis Menotti et Alex Ferguson y font leur entrée, aux côtés de Valderrama, et deviennent, selon le langage pompeux de l’institution agréée par la FIFA, « des immortels » . Ce mardi 11 novembre, seul le Colombien a fait le déplacement, même si l’ex-entraîneur argentin de 76 ans devait être présent, mais a dû annuler son voyage après recommandation de ses médecins. Il envoie tout de même un message vidéo énoncé devant sa bibliothèque surchargée d’intellectuels du football. « Vous avez été bien trop généreux de me choisir » , lance humblement El Flaco, dont l’entrée au Hall of Fame a été décidée par un jury de journalistes.
 En 2013, George Weah, Paolo Maldini et Franco Baresi avaient réalisé leur entrée. Au total, trois Français ont leur place au sein du Salón de la Fama, inauguré en 2011 : Platini, Zidane et Just Fontaine.

Dans une salle tout en costards et robes de soirée, où règne un amour du formalisme très mexicain, le moment poétique de la cérémonie va être offert par Pacho Maturana, invité à la cérémonie par Valderrama. « La plupart des choses importantes du monde ont été inventées par les Grecs » , introduit l’ex-sélectionneur, qui se transforme un instant en professeur de mythologie. « Quand les Grecs se trouvaient face à un problème, ils allaient consulter les oracles (…), et ici, au Salón de la Fama, comme dans les montagnes grecques l’on va trouver des pistes, on pourra par exemple aller chercher une réponse auprès de Carlos Valderrama à propos de ce qu’est la rapidité dans le football : est-ce courir vite ou penser rapidement ? On pourra aussi en savoir davantage à propos de notions comme la loyauté, le respect aux adversaires comme celui porté au ballon … »

Le clinquant de Pachuca et l’argot d’Aguirre

Mais au fait, pourquoi le Hall of Fame du football, le sport le plus populaire de la planète, a-t-il été créé dans une petite ville mexicaine de 250 000 habitants ? Après la mythologie grecque, il faut se pencher sur l’histoire du football aztèque. Pachuca est la ville où le football a commencé à se jouer de manière organisée au Mexique à la fin du XIXe siècle. Les Anglais étaient évidemment dans le coup. Comme pour les pastes, la spécialité culinaire de Pachuca, une tarte fourrée d’inspiration royale. Avis aux gourmets… Avant le début du XXIe siècle, le club de Pachuca n’était pourtant qu’un point insignifiant sur la carte du football national. « Il n’y avait que de la terre et du vent » , se souvient Javier Aguirre, l’entraîneur qui a amorcé la montée en puissance d’un club qui deviendra l’OL mexicain en régnant sur la première décennie du siècle présent : cinq titres de champion, trois Ligues des champions de la CONCACAF et la Copa Sudamericana 2006, le seul titre « sud-américain » emporté par un club mexicain. Aujourd’hui, ses installations rendraient jaloux la plupart des clubs de L1, notamment la zone de vestiaires équipée de Playstation pour chaque joueur et d’un spa de luxe. Pachuca est sans doute aujourd’hui le meilleur centre de formation du pays. Le milieu à tout faire du FC Porto, Héctor Herrera, en est issu. La saison dernière, Enner Valencia, la révélation équatorienne du Mondial, y tenait la pointe de l’attaque. La croissance inouïe du groupe Pachuca, dont 30 % sont désormais détenus par Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde de 2010 à 2013, a notamment été permise par des faveurs obtenues du gouvernement local (PRI).

Actuel sélectionneur du Japon, Javier Aguirre a fait un long voyage pour venir chercher à Pachuca sa récompense, un lourd ballon argenté. L’ex-entraîneur de l’Atlético fait lui partie de la promotion mexicaine 2014 du Salón de la Fama. « Je me suis servi de Valderrama, Romário, Ferguson et Menotti comme hameçon, s’est-il amusé en conférence de presse. Au Japon, ils ont été surpris de voir aux côtés de qui je me trouvais et ils m’ont laissé faire un rapide aller-retour même si l’on doit jouer un amical contre le Honduras vendredi. » Avec son parler riche en argot, Javier Aguirre a rompu avec le style pompier d’une cérémonie notamment animée par Jaydy Mitchell, mannequin, présentatrice de Mexican next top’s model et Madame Rafa Márquez à la ville. El Vasco, qui aura à peine eu le temps de « s’enfiler quelques tacos » avant de repartir au Japon, s’est lancé dans un éloge de sa « petite grosse » , sa femme, et a rappelé que ses plus durs critiques se trouvent à la maison. Sa femme donc, qui « préfère regarder un Levante-Almería que d’aller au cinéma » , et ses fils qui lui demandaient « pourquoi tu as fait sortir El Kun ? » , quand il était entraîneur colchonero. Pour Gil, président de l’Atlético Madrid, « Aguirre est un grand homme, qui a inversé la tendance négative du club, et nous a ramenés en Ligue des champions » .

« Alors Rafa, il y avait penalty ou pas ? »

Dans le confort feutré de la salle Gota de Oro, il n’a pas été question des disparus d’Ayotzinapa, le sujet qui convulse actuellement le Mexique. Tout n’était que « Mexico lindo y querido » , « le Mexique beau et chéri » chanté pour conclure la cérémonie. Ces dernières semaines, le sujet s’est pourtant immiscé dans tous les grands évènements publics et jusqu’à la conférence de presse donnée par El Piojo Herrera au terme de Pays-Bas-Mexique (2-3), à Amsterdam. Un match que n’ont toujours pas digéré une partie des supporters mexicains, qui continuent d’en vouloir à Robben d’être allé chercher le penalty. Quand Rafa Márquez se présente face au micro avec un trac palpable pour introduire Manuel Lapuente, sélectionneur d’El Tri lors du Mondial 98 et autre honoré de la soirée, un spectateur hurle : « Alors Rafa, il y avait penalty ou pas ? » La réponse ne viendra pas… Même pas un petit « si se puede » …

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