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On était au procès de « l’affaire Zahia »

Par Christophe Gleizes
On était au procès de «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>l&rsquo;affaire Zahia<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Starfuckeuses, michetonneuses et prostituées : le procès de l'affaire Zahia a permis à tout le monde de réviser son vocabulaire du monde de la nuit. Retour sur un conte de fées moderne, entre Munich et les Champs-Élysées, où l'on parle galanterie, amour à cinq et Ballons d'Or.

Aller au tribunal, c’est un peu comme aller au théâtre. Sous la lumière tamisée de la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris, la pièce s’est déroulée en trois actes. Il y a d’abord le metteur en scène, majestueusement incarné par Denis Couhé, le sarcastique président, flanqué de ses deux acolytes vêtus de noir. Les comédiens, ensuite, qui se succèdent à la barre, même si les principales têtes d’affiche ont décidé de faire l’impasse. La « scandaleuse » Zahia Dehar ne s’est pas constituée partie civile, tandis que Franck Ribéry et Karim Benzema, soucieux de se protéger des feux de la rampe, sont représentés par leur avocat. Enfin, il y a le public, venu nombreux apprécier les dialogues surréalistes, parfois drôles, parfois affligeants, d’un drame moderne à mi-chemin entre Molière et Ionesco.

L’exposition : starfuckeuses et prostituées

Lundi, 14h. À défaut de frapper les trois coups, le brigadier laisse les curieux passer le portique de sécurité. C’est l’ouverture du procès, autrement dit l’exposition, qui bâtit le début de l’intrigue et donne la tonalité de la pièce. Interprétées à la perfection par les frères Elie et Georges Farhat, accusés de proxénétisme aggravé, les premières scènes plantent le décor. L’histoire commence au désormais célèbre Zaman Café, ancienne propriété des deux frères. Très tôt soupçonné d’être un repaire de prostituées, le cabaret oriental des Champs-Élysées est écouté par la police au début de l’année 2010. Au cours de l’enquête, les inspecteurs découvrent qu’une jeune femme a vendu ses charmes alors qu’elle était mineure : il s’agit de Zahia Dehar, qui confiera par la suite aux inspecteurs avoir eu des relations tarifées avec plusieurs footballeurs. Dont Benzema en 2008 et Ribéry en 2009.

Appelé en premier à la barre, Elie Farhat tance le président : « Chez moi, il n’y avait personne qui vendait ses charmes » . Sarcastique, le maître d’audience lui rappelle très vite qu’il avait pourtant avoué à propos de sa clientèle, « qu’environ 70% des femmes étaient des prostituées » . Mais lui continue à nier, droit dans ses bottes, et affirme n’avoir jamais vu Zahia. S’adressant à son frère, le président reprend : « Quand un certain Georgio vous envoie à 1h21 du matin un SMS disant « j’espère qu’il y a du lourd chez toi », de quoi parle-t-il ? » « De tout le monde » , répond Georges. Quid, aussi, de cet autre sms qui demande : « elles sont venues les putes ? » Elie répond à son tour : « Il parlait de sa copine Johanna et ses amies. C’est mon langage entre lui et moi. C’est comme ça qu’on se parle. » Poète. Derrière leurs provocations apparentes, les frères dessinent avec aplomb un monde d’ « intermédiaires » et de jeunes prostituées, souvent occasionnelles, et qui ne se considèrent pas comme telles. Cet univers flouté de la prostitution de luxe, Elie en joue : « Moi, la seule question que je vous pose, monsieur le juge, c’est comment voulez-vous reconnaître une prostituée ? »

Cette question, Abousofiane Moustaid, plus connu sous le nom « d’Abou » , est bien placé pour y répondre. L’ex-candidat de la Nouvelle Star a joué pendant trois mois pour le Zaman Café le rôle d’entremetteur rétribué. Le président lit le témoignage d’une jeune fille qu’il a mise en relation avec « Quentin, de la StarAc » pour une relation tarifée à 400 euros : « Abou m’a demandé 150 euros de commission, j’ai trouvé que c’était trop, je lui ai donné 100. » Derrière ses lunettes noires, Abou tente de se dédouaner : « Si j’avais été son proxénète, je lui aurais dit : « Tu me donnes 150 euros et c’est tout. » Depuis quand un proxénète négocie avec sa prostituée ? Ça se saurait. » Pour toute défense, le prévenu explique ensuite au juge attentif qu’il ne faisait qu’aider des copines, avant de se lancer dans une tirade épique sur l’art de différencier une « michetonneuse » d’une véritable prostituée.

L’intrigue : l’escapade à Munich

Acte 2, là où la pièce prend vraiment toute son intensité, et arrive au nœud du problème : jusqu’où sont mouillés Franck Ribéry et Karim Benzema ? On change de décor, direction Munich. Lors de l’enquête préliminaire, le milieu offensif du Bayern a reconnu avoir eu une relation sexuelle avec Zahia, mais a toujours nié l’avoir rétribuée, affirmant même qu’il ignorait sa condition de prostituée. Celui qui raconte ce joli week-end, c’est Kamel Ramdani, « importateur de joueurs de football au black » , au moment des faits. Le 6 avril 2009, le grand gaillard part en Allemagne rejoindre « son ami Franck » , accompagné de deux jeunes femmes, Zahia et Sashia : « Plus on est de fous plus on rit non ? » La veille, il vient de passer la nuit avec Zahia, qu’il a rencontrée en boîte, mais ne se doute pas de sa minorité : « Je peux vous dire qu’au lit, elle a pas 17 ans. » En Bavière, le beau-frère du footballeur, Malik Belmahi, vient compléter le fabuleux quatuor qui dîne au restaurant avant de rejoindre une suite d’hôtel, dans laquelle Kamel décrit plusieurs épisodes de sexe collectif. « Ça se mélangeait » , explique-t-il sobrement, avant d’avouer une seconde soirée le lendemain où le groupe a fait « l’amour à cinq » .

Crâne rasé et jean délavé, il nie cependant l’objectif apparent du week-end : « Le but n’était pas d’avoir des relations sexuelles, ça s’est fait dans l’ambiance, après quelques verres. » Habile. Pourtant, selon le témoignage des deux filles, Zahia empoche 700 euros en espèces le premier soir, des mains du joueur, qui verse aussi 200 euros à Sashia « pour le taxi et le déjeuner du lendemain » . « À aucun moment Franck Ribéry ne lui a donné 700 euros, moi, j’en suis sûr » , affirme Kamel à la barre, avant d’ajouter : « Ni l’un ni l’autre n’avons payé. Je l’avais connue la veille, à aucun moment je ne pensais que c’était une prostituée. » Le lendemain, la mineure ne reçoit aucun paiement après l’orgie, et n’en réclame pas. Visiblement saisi d’un nouvel accès de galanterie, Kamel assume ensuite devant le juge l’organisation du week-end : « Je n’ai pas de regrets, aucune fille n’a été violée, non ? »

Après une entracte de 15 minutes, ou dans le jargon, suspension d’audience, c’est au tour du cas Benzema. Sylvain Cormier, son avocat, annonce d’emblée la couleur : « Karim Benzema n’a qu’un tort, celui de s’être mal défendu, comme se défendent mal les innocents. » Le joueur du Real Madrid, âgé de 19 ans à l’époque, a toujours nié avoir eu une relation sexuelle avec Zahia. Le soir de la cérémonie des Oscars du foot, il n’a pas couché avec l’escort, mais avec sa petite amie venue de Nice et rencontrée une semaine auparavant. Cette dernière l’a disculpé dans un témoignage aussi tardif que mal agencé, largement moqué par la presse. Qu’à cela ne tienne, Zahia avoue, dans une conversation enregistrée à son insu, ne pas avoir couché avec l’ancien Lyonnais. Son conseil dépeint un jeune garçon à « l’attitude chevaleresque » , qui n’a pas voulu parler tout de suite de son amie pour ne pas l’embarquer dans cette histoire. Car, même si elles ne sont pas sorties gagnantes à l’issue du procès, « la pudeur et la tendresse, ça peut exister » .

Le dénouement : les trois Ballons d’Or

Acte 3, où l’heure du dénouement, là où les masques tombent. Le procureur prend la parole : « Cette histoire, monsieur le juge, c’est la rencontre entre Rastignac et Cendrillon. » Où la pauvre Zahia joue le rôle de l’héroïne Disney, et où Abou se rêve en roi de la nuit parisienne. À l’époque, et d’après les témoignages, nul ne pouvait solidement ignorer son statut de prostituée dans le monde des boîtes et des cafés. La culpabilité des intermédiaires, prostrés sur le banc des accusés, semble évidente. Celle des footballeurs est plus incertaine, comme l’a plaidé Carlo Alberto Brusa, le conseil de Ribéry. Vibrant dans sa tirade enflammée, il tire le portrait d’une « jeune femme splendide » , qui dégage à la fois « sensualité et sexualité » , qui entre en boîte de nuit comme dans un moulin, voyage à son gré et est libre de ses mouvements. En voyant ses formes, difficile d’imaginer qu’elle est en âge d’aller au lycée. Il met alors en cause « la manière d’agir, parfois sournoise » de la jeune escort, prête à arriver au sommet « coûte que coûte, quitte à passer outre certaines valeurs morales, comme le mérite » et qui a visiblement tout gagné dans cette histoire de coucherie.

Tous les deux embarqués dans leurs rêves de gloire et de célébrité, Franck Ribéry et Zahia Dehar ont depuis leur rencontre connu des destins opposés. Notre pauvre Cendrillon a en effet profité de sa notoriété pour se relever en tant que chef d’entreprise et égérie de Karl Lagerfeld. « Elle a une pâtisserie, un appartement. Elle est aujourd’hui madame Zahia Dehar. On a même oublié qu’elle a pu être un temps call girl » , s’insurge l’avocat. Tout le contraire de son prestigieux client : « Toutes les conditions étaient réunies pour qu’il ait le Ballon d’or mais il y a eu un délit de sale gueule, pas parce qu’il est moche, mais parce que l’affaire Zahia a pesé sur lui comme un cauchemar et fait de sa vie un champ de ruines. » Avant même les plaidoiries, le procureur ne s’y était pas trompé en se prononçant pour la relaxe des deux footballeurs incriminés, au contraire des autres prévenus, qui encourent quelques années de réclusion. En attendant le verdict du 30 janvier, Zahia Dehar a récemment confié à Public s’être lancée « dans une nouvelle étape de sa vie » . Parce qu’il y a une vie après le Zaman Café.

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Christophe Gleizes

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