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On était à la présentation de l’OL
Jeudi soir, l'OL a convié ses supporters le temps d'un show familial pour lancer sa saison. Résultat, un pur moment de rock'n'lol plus raccord avec l'esprit des soirées camping qu'avec l'entrée dans un nouveau cycle promise par le slogan "Une nouvelle saison, une nouvelle histoire". Récit.
Fin juillet, Lyon s’ennuie ferme. Tous ceux qui ont le malheur d’y rester scotchés n’ont d’autre choix que de tourner en rond jusqu’à 19 heures. Après, il faut occuper les dernières terrasses qui résistent ou rentrer à la maison. Comme on a déjà bien donné ces derniers jours côté terrasses et que rentrer à la maison, bof, l’OL a eu la bonne idée d’organiser un grand rendez-vous d’avant-saison à Gerland. Au programme, présentation des joueurs, démonstration de skate et de BMX, mix signé Martin Solveig et petit match de gala.
C’est pas tous les jours Disney !
18 heures, devant les grilles se pressent en vrac familles en goguette, kids qui se sont fait floquer des gros “Benz’M” et autres “Anto Rêve I.R.” comme on se fait tatouer le nom de la copine à même le biceps, midinettes qui voudraient bien faire admirer le bronzage qui manque encore à leur décolleté. Tous semblent avoir compris la même chose : c’est pas tous les jours Disney. On ne va pas bouder son plaisir, agiter bien fort les drapeaux distribués par poignées à l’entrée, surtout s’ils promettent pour la saison à venir rien moins qu’“une nouvelle histoire”.
Une nouvelle histoire qui se conjugue d’abord au futur antérieur lorsque le speaker égraine le nom des différents membres du staff : Bruno Génésio, Stéphane Roche, Joël Bats, Robby Duverne – présenté comme “l’homme qui fait voler les chronomètres” – et Rémi Garde. On en viendrait presque à se demander ce que Frank Torben et Lemasson François sont devenus. Puis vient le tour des joueurs. Pour on ne sait quelle raison, peut-être encouragé par la réaction d’un public prêt à accueillir ses gars comme des catcheurs mexicains entrant dans une arène chauffée à blanc, leur envoyant tapes viriles dans le dos quand on ne leur tend pas tout ce qu’on trouve à portée de main, le speaker se met à présenter chacun des joueurs à coups de vers de mirliton : « Il défend super bien et on a envie de lui dire : “We love you my friend”, j’appelle Deeeeejaaaaan Looooovreeeeen ! » , « C’est le petit génie de la passe et avec lui, il n’y a pas hic, Miraaaaaaleeeeem Pjaaaaaaniiiiic ! » , « Il ne lâche jamais rien et revenir à Lyon, ça le botte, Christophe Deeeelmoooooootte ! » Résultat : le slameur fou de Gerland 3 – Grand Corps Malade 0. Bien entendu, on n’échappe pas à l’instant Pyong Yang de la soirée lorsqu’il faut acclamer JMA, « notre grand président » , qui manque de se vautrer au moment de descendre les marchelles qui le séparent du terrain.
Commence bien cette saison… Ce dont on ne se doutait pas, c’est à quel point la cellule d’OL Evènements repousserait les limites du guazzinisme pour le coup d’envoi de la saison 2011-2012. Première innovation, l’organisation d’un match exhibition façon Variétés Club où se mélangeraient effectif pro, joueuses d’OL Féminin et vieilles gloires venues chercher un jubilé de fortune l’espace de deux mi-temps de 15 minutes. Parmi les gars en question, Maurice, Caveglia et Gava. On est tellement touchés de revoir le milieu le plus classieux du mitan des 90’s lyonnaises qu’on se fout bien de ce maillot XXXL dans lequel il flotte à peine. D’autant plus qu’à quelques mètres de lui, John Mensah fait exactement la même impression, preuve pour ceux qui en doutaient encore que le défenseur ghanéen a lui aussi mis un terme à sa carrière pro.
Camping 3 : dans la gadoue…
On en est donc là, prêts à assister au match le plus improbable jamais vu à Gerland, quand arrive le moment le plus fou de la soirée. A quelques secondes du coup d’envoi déboulent dans Gerland deux Merco entourées chacune d’une dizaine de cheerladers. Dans les deux caisses, Lucas, son père et deux potes à lui, tous les quatre équipés et cramponnés, prêts à jouer. Comme nous l’annonce le speaker, Lucas est le grand vainqueur d’un concours organisé par le club sur sa page Facebook. Le but était de “customiser” le terrain ce soir. Le coup de génie de Lucas ? Avoir placé quatre palmiers gonflables en guise de poteaux de corners – dont un est en train de manquer d’air –, des transats à la place du banc de touche et une rampe de skate devant la tribune sud. De toute évidence, les créatifs de Paris Plage peuvent porter plainte pour plagiat.
En attendant, Lucas, son père et ses potes descendent de leur cabriolet et rejoignent leur équipe, les Bleus. Un brin gênés, les joueurs les ignorent royalement, jusqu’à ce que les deux mecs polis de l’effectif, Kim Källström et Anthony Réveillère, se décident à venir leur serrer la main, leur parler de ciel menaçant et échanger quelques passes convenues. Maintenant que la rencontre peut débuter, on appelle Martin Solveig pour jouer avec les Blancs, on envoie un texto à Clovis Cornillac et on demande à Bernard Lacombe d’arbitrer la partie. De loin, le seul moment d’autodérision digne de ce nom pour ceux qui se rappellent de Dirty Bernie du temps où il réclamait « un chien et une canne » à Monsieur Duhamel au micro d’OL TV.
De la partie qui s’engage, on ne retiendra qu’un râteau pas dégueu du père de Lucas sur Yann Cucherat, donc d’un père de famille sur un gymnaste – c’est dur à écrire, mais c’est vraiment ce qui s’est passé. Pour le reste, en observant du coin de l’œil John Mensah, on en a déduit que l’ex-Roc du Stade Rennais a dû se voir prescrire une interdiction formelle de courir par son médecin traitant. Quant au numéro bennyhilesque de Jimmy Briand “ballon, feinte de dribble, chute, perte de balle”, il n’a même pas réussi à s’attirer l’indifférence polie récoltée quelques minutes plus tôt par Lyou, la mascotte du club.
Le déluge qui s’abat à la mi-temps sur les tribunes finit de convaincre tout le monde qu’on en a assez vu pour aujourd’hui. La tentative de Martin Solveig de se mettre au niveau des tubes qu’il envoie depuis quelques minutes, à savoir en s’en allant patauger dans la gadoue, n’y changera rien.
A peine le temps de tourner le dos au stade et de retrouver les rues plus calmes de Gerland que quelques rayons commencent à percer. Juste ce qu’il faut pour s’arrêter une nouvelle fois devant le Rêve d’un après-midi au Parc Alameda, reproduction du chef-d’œuvre du muraliste mexicain Diego Rivera. Au milieu des flonflons et des badauds, Rivera s’y représente enfant tenant la main de la Calavera Catrina, figure du folklore mexicain, tête de mort posée sur un corps de doña de la bonne société. Façon de rappeler que même les meilleures fêtes ne suffisent pas à dissiper la mort qui rôde autour des vieilles bourgeoises et des clubs en quête d’une seconde jeunesse.
Serge Rezza
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