Jorge Jesus plus populaire que ses joueurs
Alors que les portes du stade commencent à s'ouvrir, les quelque 40 000 Lions venus assister à la rencontre ne se précipitent pas pour pénétrer dans l'antre multicolore. Assis sur une glacière à côté du car qui les transporte, deux membres du Directivo Ultras XXI discutent. Pas de Bielsa, mais bien de Jorge Jesus. « Sans lui, Benfica est devenu une équipe normale. Et nous, avec lui, on est en tête du championnat. Au Portugal, on ne fait pas mieux que Jesus en ce moment » , s'enflamme l'un d'entre eux, un dénommé Rafael. Apparemment, il n'est pas seul à le penser. L'ancien technicien benfiquista est dans toutes les conversations, sur toutes les lèvres. La star, ce n'est ni Bryan Ruiz, ni Islam Slimani, ni William Carvalho, mais bien un entraîneur de 61 ans dont tout le monde se moquait il y a encore peu de temps au Sporting à cause de son mauvais portugais (n'oublions pas que le Sporting est initialement une équipe de bobos snobs, ndlr). Quand le speaker annonce son nom, il prend son temps, son pied, et gueule plus fort en attendant de la foule qu'elle en fasse de même. Elle le fera. L'ovation pour le sorcier est à la hauteur de la réputation dont jouit ce dernier. Et comme en amour on ne compte pas, le déjà cité Directivo Ultras XXI offre à Jesus une place centrale sur le tifo le plus marrant de la soirée. On le voit surplomber son homologue Rui Vitória, à terre, sur un ring de boxe, avec le corps athlétique qui va avec la profession. Bref, plusieurs mois après son arrivée sur le banc des Leões, Boucle d'or est toujours autant aimée.
« Retourne dans le ventre de ta mère, arbitre de merde ! »
En fin de compte, le seul qui peut rivaliser avec l'entraîneur à l'applaudimètre est Bruno de Carvalho, le président. En constante croisade contre l'arbitrage, c'est sans doute de lui que les supporters vert et blanc tiennent leur intolérance à l'arbitre. C'est que le trio arbitral a été bien plus sifflé que les joueurs d'Estoril à leur entrée sur le terrain à l'occasion de l'échauffement. Socio du Sporting depuis une trentaine d'année, Edgar ne déroge pas à la règle. Quand Jefferson voit jaune pour avoir pris tout son temps avant de frapper un corner, il dégaine. « Mais c'est pas possible, putain ! Retourne dans le ventre de ta mère, arbitre de merde » , avant de s'excuser un peu plus tard. « Je suis désolé, je suis vraiment tendu, d'où mes réactions. » Le plus drôle, c'est que le but de la victoire de Gutiérrez sera inscrit sur… penalty. Grâce à une bonne décision arbitrale, donc. Pas suffisant pour sortir sous les applaudissements, néanmoins.
Ce détail mis de côté, Alvalade a fière allure. Un peu plus de 40 000 âmes répondent présent pour soutenir de vive voix leurs protégés. La Curva Sul, bastion des différents groupes d'ultras sportinguistas, fait le boulot de la première à la dernière minute. La Curva Norte, non organisée, se contente, elle, de répondre de temps en temps. Il n'en faut pas plus pour que l'ambiance soit de feu. La passion qui émane des ultras captive les autres supporters qui préfèrent parfois les regarder plutôt que de suivre une action dangereuse. Pourtant, le match en valait la chandelle, surtout au cours de sa première heure. De l'intensité aux occasions (29 tirs au total et de jolis arrêts à se mettre sous la dent), en passant par le jeu « ThiagoMottesque » de William Carvalho, la générosité de João Pereira et l'intelligence de Bruno César, tous les ingrédients étaient réunis pour que le football prenne le pas sur le reste. Sauf qu'on ne va pas au stade pour regarder du football. Encore moins à Alvalade. Encore moins quand les meilleurs socios du club sont transcendés par la première place du Sporting.
Par William Pereira
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