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On est allé voir la mère du vrai Ronaldo

Par Javier Prieto Santos
On est allé voir la mère du vrai Ronaldo

À Rio, dans le quartier de Bento Ribeiro, vit une personne dont l'importance historique est incontestable : Dona Sonia Nazário, mère de Ronaldo, le Fenomeno.

Note : article publié le 12 juin 2014, juste avant le Mondial brésilien.

Avant d’être Ronaldo pour les Brésiliens, puis O Fenomeno pour la terre entière, Ronaldo fut d’abord Dadado, un gamin de Bento Ribeiro. Même si l’origine du talent a pris naissance à une vingtaine de bornes du centre ville de Rio de Janeiro, le Brésilien n’a jamais vraiment connu la misère. Et pour cause : Bento Ribeiro n’est pas une favela, mais bien un bairro, comme aime à le nuancer la classe moyenne du coin. Certaines rues sont pourtant mieux loties que d’autres. C’est le cas notamment de la rua General César Obino. Les habitants de la rue qui a vu naître Ronaldo ont bénéficié de l’influence de l’enfant du pays pour avoir droit à une décoration urbaine digne de l’évènement. « Il a payé toutes les guirlandes et la peinture avec son argent pour offrir un lifting à la rue qui l’a vu naître. Il connaît tout le monde ici, c’était impensable qu’il y ait une Coupe du monde au Brésil et qu’il ne fasse rien pour l’endroit, où il a commencé à faire ses premiers pas » , lance Sandra, une collaboratrice censée superviser l’avancée des travaux pour l’ancien attaquant de la Seleção. Si les guirlandes jaune et vert sont déjà installées, les fresques au sol ne sont toujours pas terminées. La rue a d’ailleurs été interdite à la circulation des voitures pour permettre aux énormes fresques représentant Ronaldo, la Coupe du monde et sa mascotte de sécher avant le match d’ouverture du Mondial. Et surtout avant le retour de l’inspectrice des travaux finis, Dona Sonia Nazário. Nulle autre que la mère de Ronaldo. Qui en profite pour répondre à quelques questions, maillot de la Seleção 2002 sur le dos.

C’était comment la vie de quartier de Ronaldo ?

Tu vois les enfants qui jouent là-bas ? Bah, Ronaldo était comme eux à leur âge. Il voulait toujours jouer au football, il fallait le freiner. J’étais plutôt protectrice, du genre inquiète. J’avais toujours peur qu’il lui arrive du mal. J’étais celle qui lui disait non. Mais heureusement, tout s’est bien passé. Il a été heureux et nous avons été heureux grâce à lui et pour lui. Ronaldo est né ici, et il aurait très bien pu ne jamais en sortir. Heureusement, il avait beaucoup d’ambition, l’envie de réussir et surtout un talent divin.

Vous avez tout de suite vu ce talent ?

Je suis sa mère, donc ça paraît présomptueux de dire qu’il était plus doué que certains de ses camarades balle au pied, mais c’était le cas. Vraiment. Ça sautait aux yeux qu’il était un joueur différent. À 6 ans, son talent était déjà une évidence pour tout le monde.

C’est-à-dire ?

Il émerveillait tout le quartier. Une attraction. Il y avait même des gens ici qui appelaient des clubs pour leur dire qu’il y avait un talent à signer. Sa réputation est très vite devenue importante auprès des clubs professionnels de la région. Il passait son temps à faire des tests dans les grands clubs : il n’en a jamais raté un seul. À chaque fois, ces clubs voulaient le signer pour leur centre de formation, et à chaque fois c’était le même problème : ils ne voulaient pas avancer les frais de transport.

Vous aviez peur de tous ces étrangers qui s’intéressaient à votre fils ?

J’étais préoccupée, je ne connaissais rien au football, à la manière dont ça fonctionnait, mais je voyais bien que mon fils éveillait l’intérêt de tout le monde. Moi, tout ce que je voulais, c’était qu’il réussisse dans la vie. Et dans ma tête à l’époque, il fallait que ça passe par les études. Je voulais qu’il ait une bonne formation académique pour qu’il puisse avoir un travail qu’il aime. Le football, je voyais ça comme un loisir, pas comme une profession, d’ailleurs je pensais qu’on ne pouvait pas gagner d’argent en tapant dans un ballon.

Ça représente quoi Ribeiro pour Ronaldo aujourd’hui ?

Tout. D’une manière ou d’une autre, il veut toujours être présent dans son quartier d’enfance. C’est ici qu’il a grandi, qu’il a sa famille, les voisins qui l’ont vu grandir, des amis. C’est le début de son histoire. Cette rue est toujours dans un coin de sa tête, où qu’il aille. D’ailleurs, les décorations mondialistes, les guirlandes, les graffitis sur la chaussée, c’est lui qui les a financés. Il veut que cette Coupe du monde apporte des ondes positives dans son quartier d’enfance et il suit tout ça avec beaucoup d’attention. Il y a même des collaborateurs à lui qui sont venus spécialement filer un coup de main aux voisins pour que tout soit prêt pour la compétition. Ce Mondial, il le voit comme une véritable fête. Il veut mettre un écran géant devant sa maison d’enfance pour que tout le monde voit les matchs. Il est présent et impliqué. Ici, c’est son cocon, sa zone de confort.

Justement, il va en avoir besoin avec toutes les polémiques qu’il y a autour du Mondial, d’autant qu’il est membre du comité d’organisation…

Il va en avoir besoin, c’est sûr, parce que cette Coupe est déjà critiquée, mais j’espère que tout se passera bien. C’est son plus grand souhait. Il veut vraiment que le Brésil donne une belle image. On doit gagner cette Coupe du monde. On doit la gagner ! (elle se tape les mains)

Mais, pour une fois, on a l’impression que les gens ont du mal à s’emballer pour la Seleção

Les Brésiliens ne sont pas contre la Coupe du monde, mais ils n’aiment pas les politiques, leurs manœuvres. On est un pays de football et aujourd’hui, vous verrez, tout le monde supportera la Seleção lors du match d’ouverture. Ronaldo ne prône pas la guerre, mais le rapprochement, il est dans le compromis. Tout ce qu’il souhaite, c’est que les gens soient heureux. Que le Brésil soit heureux et que tous ceux qui viennent soient contents de leur visite chez nous… Cela lui brise le cœur toutes ces manifestations, même s’il les comprend. Il n’est pas non plus insensible aux critiques faites à l’organisation et au Brésil en général. Il fait tout pour que tout se passe pour le mieux, je peux vous l’assurer.

Vous croyez qu’il peut avoir un rôle important à jouer auprès du peuple brésilien s’il y a des débordements ?

Ronaldo est un symbole et un exemple pour tout le monde ici. Il est très brésilien, il est accueillant, mais c’est un guerrier dans sa manière d’aborder la vie. En ce moment, je sais qu’il parle beaucoup des prochaines élections. Il milite pour que les gens aillent aux urnes pour voter (il soutient Aecio Neves, le candidat du parti social-démocrate, pour la prochaine présidence, ndlr). Il veut vraiment qu’il y ait un vote utile lors des prochaines élections pour que les erreurs du passé ne se reproduisent pas. Il est un peu triste, parce qu’il aurait voulu que les choses se passent différemment pour cette Coupe du monde, mais il ne va pas demander aux gens de descendre dans la rue pour protester ou faire des manifestations. Au contraire, s’il faut calmer le jeu, il le fera.

Vous avez l’impression que votre fils a mûri depuis qu’il n’est plus footballeur ?

Mon fils a mûri au contact du football et aujourd’hui, il continue toujours d’apprendre même s’il n’est plus professionnel. Son expérience dans le football lui a changé la vie. Il a connu des cultures, des langues, des manières de penser et de voir les choses qu’il veut mettre à profit au service du Brésil et de cette Coupe du monde.

Vous vivez la Coupe du monde différemment du fait que votre fils est membre du comité d’organisation ?

Quand il était joueur, c’était beaucoup plus stressant. Voir son fils sur un terrain de jeu avec le maillot de son pays, c’est inexplicable. C’est une grande émotion. Une Coupe du monde au Brésil, c’est aussi une grande émotion, mais là c’est différent, la maman que je suis est moins tendue.

Quels conseils aviez-vous donnés à votre fils avant qu’il parte jouer en Europe ?

Je lui ai dit de garder les pieds sur terre et de se focaliser sur sa carrière. Uniquement sur sa carrière. Le problème, c’est que les femmes ont vite commencé à apparaître dans sa vie. (rires). Je n’ai pas pu gérer ça, malheureusement (rires).

Même Dilma Rousseff n’a pas l’aura internationale de votre fils…

Cela ne me surprend pas vraiment. Ronaldo, on peut tout lui reprocher, mais pas de ne pas avoir essayé de donner de la joie aux gens. Il a toujours essayé de faire le bien autour de lui. Il n’a jamais hésité, par exemple, à aller dans des pays en guerre pour donner un peu de bonheur aux gens, même si c’était dangereux. Honnêtement, Ronaldo est un homme bon, et je dirais la même chose si ce n’était pas mon fils… Quand j’étais enceinte de lui, je suis allée voir une personne, vous savez, celles qui lisent dans les boules de cristal… Comment on les appelle déjà ?

Une voyante ?

Voilà ! J’étais enceinte de Ronaldo et quand elle m’a prédit l’avenir, elle m’a dit que le bébé que je portais allait avoir une vie pleine de réussite et de succès. Je ne l’ai pas crue sur le moment, j’ai pensé que c’était une menteuse, mais quand je vois la vie de mon fils et tout ce qu’il a accompli, je me dis que cette femme avait vraiment des pouvoirs magiques.

C’est quoi votre meilleur souvenir de Ronaldo dans une Coupe du monde ?

La finale contre l’Allemagne en 2002. Cette Coupe du monde-là a été un grand moment de joie. Il s’était blessé gravement, il avait douté, et beaucoup pensaient qu’il ne jouerait plus au football. J’entendais dire qu’il était fini, qu’il avait perdu son football. Les mois qui ont précédé cette Coupe du monde ont été très difficiles, c’est pour ça que j’ai vécu son succès avec énormément d’émotion. Avant de partir au Japon, mon fils m’avait juré qu’il soulèverait le trophée. Il en était convaincu et c’est ce qu’il a fait.

Et votre pire souvenir ?

Il n’y en pas eu beaucoup, mais je dois dire que la finale de 98 a été une grande déception pour tout le monde. Il y a quelques mois, je suis allée à Paris et j’ai pris un taxi dont le chauffeur parlait portugais. Il y a beaucoup de Portugais là-bas, non ? Bref, on a commencé à discuter, puis la discussion a dérivé sur le football. Il a commencé à me charrier : « Vous vous rappelez quand le Brésil a perdu en 98 ? » Je lui ai dit que oui, mais je lui ai quand même rappelé qu’en 2002, le Brésil était allé au bout. Au bout d’un moment, il m’a reparlé de cette finale perdue en 98 : « Ronaldo a eu tellement peur de devoir affronter les Français qu’il s’est évanoui avant le match. » J’ai bouilli et c’est à ce moment-là que je lui ai dit que j’étais la mère de Ronaldo. J’étais tellement énervée que je suis sortie du taxi sans attendre d’arriver à destination. Si vous aviez vu sa tête ! (rires)
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