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On a suivi la 37e journée de L2 avec les Strasbourgeois

Par Grégoire Belhoste, au Rhénus Sport de Strasbourg
5 minutes
On a suivi la 37e journée de L2 avec les Strasbourgeois

Vendredi 12 mai, près de 3000 supporters du RC Strasbourg étaient massés dans la salle Rhénus Sport pour suivre l'avant-dernière journée de Ligue 2 sur écran géant. Face à Niort, le club alsacien avait l'opportunité de valider son ticket pour l'étage supérieur. À l'issue d'un match décevant, la grande fête n'a pas eu lieu.

Ce soir, c’est multiplex. Alors Enzo, dix-sept ans, a un œil rivé sur le grand écran de la salle Rhénus Sport diffusant le décisif Niort-Strasbourg, l’autre sur son smartphone pour suivre en simultané les autres rencontres de la soirée. En cette fin de saison, seuls quelques points séparent les cinq premiers de Ligue 2. Tout peut se jouer ce soir, du moins pour le leader strasbourgeois, tenu éloigné des terrains de première division depuis la terrible saison 2007-2008, qui l’a vu dégringoler à l’échelon inférieur après une série de onze défaites. Enzo avait huit ans. Il ne vibrait pas encore pour le Racing. Trop jeune et plutôt porté sur le basket. Mais ce soir, c’est différent : le dauphin Amiens affronte Laval, tandis que le troisième, Troyes, reçoit Reims pour le derby champenois. Si ces deux-là chutent et que le RCS l’emporte, Enzo et les siens pourront fêter la montée. « Sinon, il restera le match à la maison, prévient le supporter. Ce sera vraiment dur, mais toujours faisable. »

D’ordinaire, la salle Rhénus Sport accueille les matchs de la SIG (pour Strasbourg Illkirch-Graffenstaden), l’équipe de basket de la ville. Suspendus au plafond, des fanions rappellent les grandes heures de la formation alsacienne : champion de France Pro B en 1999, champion de France Pro A en 2005, champion de France Espoirs en 2015. Ce soir, les deux paniers de baskets sont abaissés. Au fond de la salle trône un écran géant. Devant, 3000 spectateurs ciel et blanc. La mairie a décidé de réquisitionner le Rhénus pour diffuser le match du Racing, en pleine bourre cette saison. « Ça faisait très longtemps qu’on n’avait pas eu droit à ce genre de dispositif, dit Sébastien, 25 ans, dont dix à supporter le club alsacien. En National ou en CFA, la municipalité ne proposait pas ce genre de choses. Là, ça joue la montée en Ligue 1, donc forcément ça change tout. »

Dixième minute. Faute niortaise dans la surface. Penalty pour le Racing. Khalid Boutaïb s’élance et ouvre le score. Vacarme monstrueux au Rhénus. Pour les supporters, le match ne pouvait pas mieux commencer. « Il est là dans les grands matchs » , note Enzo, en regardant Boutaïb célébrer son but. Avec vingt réalisations, l’international marocain figure à la deuxième place au classement des buteurs du championnat. De quoi rejoindre les légendes Daniel Ljuboja, Peggy Luyindula ou Pascal Nouma dans le cœur des supporters. À la 36e, rebelote. Cette fois, c’est le Camerounais Stéphane Bahoken qui dégaine une tête imparable face au gardien des Chamois. Rhénus exulte. Jusqu’à ce que l’arbitre refuse le but, le ballon n’ayant pas franchi la ligne. « Arbitre enculé ! » , hurle-t-on dans un coin de la salle. Dix minutes plus tard, à quelques secondes de la mi-temps, André Dona Ndoh, Camerounais lui aussi, égalise pour Niort. « On ne le mérite pas ce but » , grogne le speaker. Puis sa voix reprend du muscle : « Allez, on est toujours premier de la Domino’s Ligue 2 ! » Mi-temps, et pause Flamenkuche.

Ascenseur émotionnel

Chemisette à manches courtes et écharpe autour du cou, René Stoeckel se présente comme le président du club de supporters « Allez les Bleus Champions » . Ce quinqua connaît le Racing comme sa poche. Premier souvenir ? « Un Strasbourg-Nancy, en 1977. Sur la pelouse, côté nancéien, il y avait un phénomène nommé Michel Platini » , dit-il tandis que les enceintes crachent un remix électro de Suga Suga, tube sirupeux des années 2000 signé Baby Bash. Plus récemment, René a connu ce que tous nomment ici le « purgatoire » . La descente du club en L2 en 2008, mais surtout la relégation en CFA 2 à l’été 2011, pour raisons financières. « Le nombre de membres de notre association a fondu comme neige au soleil, mais un petit noyau dur est resté, coûte que coûte. » Fayçal, la trentaine, a lui aussi vécu l’ascenseur émotionnel : les années fastes puis la dégringolade. « Le premier match que j’ai vu, c’est un Strasbourg-Bordeaux en 1997. Score final : 1-1. But de Jean-Pierre Papin, puis égalisation de David Zitelli trois minutes plus tard. C’est l’année où le Racing commençait à faire une belle campagne européenne. L’année d’après, on a tabassé Liverpool et le Milan de Ronaldo. C’était foutu, j’étais fan à vie. » Durant la descente aux enfers, Fayçal vit à Paris. Loin des yeux, loin du cœur ? « J’y ai vécu cinq ans, je n’ai pas réussi à devenir fan du PSG, je vibrais toujours pour le Racing. »

Douche froide au retour des vestiaires : le RCS encaisse un but à l’heure de jeu. Le bourreau se nomme encore Ande Dona N’Doh. Dans les gradins, les mines sont déconfites. Trois jeunes grimés aux couleurs du RCS viennent saluer René. « Je regrettais un peu de ne pas avoir fait le déplacement à Niort, bredouille l’un d’eux. Mais bon, quand je vois le match… » René rassure, proverbe à la clé : « Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. » Six minutes plus tard, Bahoken permet à Strasbourg de revenir à la marque. Ouf. Rhénus respire. Mieux, à la 75e minute, un Chamois niortais est expulsé pour un but, refusé, inscrit de la main. « Auf Wiedersehen » , chambre le speaker, avec un accent allemand impeccable. La fin de match est à l’avantage du Racing, mais le score ne bouge pas. Mauvaise opération pour le RCS. De leur côté, Troyes et Amiens ont remporté leur match. Le Rhénus se vide en silence. Seuls trois points séparent désormais Strasbourg, leader, du Nîmes Olympique, sixième. Avec Amiens, Troyes, Lens et Brest également dans la bagarre, c’est une ultime journée sous haute tension qui se profile pour les ultras strasbourgeois. « C’est ça le Racing, jamais là où on l’attend, toujours dans la surprise, soupire Alexandre, 32 ans, devant l’arène désormais déserte. Ça fait dix ans que toutes les fins de saison, on joue quelque chose sur les deux derniers matchs, soit une montée, soit une descente. Avec toujours de la pression, bien sûr. Comme si le club ne pouvait jamais rien faire simplement. » Un petit silence, puis un sourire : « Et en même temps, c’est ce qui le rend excitant. »

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