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On a maté Sainté-Inter avec Piazza

Par Léo Ruiz, à Buenos Aires
6 minutes
On a maté Sainté-Inter avec Piazza

Défenseur central et idole des Verts dans les années 70, Osvaldo Piazza n'a jamais cessé de suivre l'équipe phare de sa carrière. Pour la réception de l'Inter au Chaudron, il invitait dans son bureau de Nuñez, à Buenos Aires.

Au nord-ouest de Buenos Aires, Nuñez. Le quartier – chic – de River Plate. Aussi celui d’Osvaldo Piazza, le défenseur central charismatique de l’épopée des Verts. En sept saisons passées dans le Forez, Mon copain l’Argentin – chanson que lui a dédiée Bernard Sauvat – a connu le triplé 74-75-76 et la finale des poteaux carrés. Ses chevauchées fantastiques en avaient fait le chouchou du Chaudron. Ses beaux cheveux longs et son accent argentin celui de la gent féminine. À 67 ans, Piazza ne reçoit pas chez lui, à deux pas du Monumental, mais une dizaine de rues plus loin, au onzième étage d’un confortable immeuble. Un grand canapé, une immense télé, une vue privilégiée sur la ville et le Rio la Plata : ici, c’est chez l’agent de Gonzalo Bergessio. Osvaldo y bosse. Il se met des vidéos du foot uruguayen, à la recherche de jeunes promesses. Mais déjà, le match commence. « On est comment au classement ? »

« Début septembre, les mecs me demandaient déjà des places pour ce match »

« J’étais à Sainté en septembre, avec toute la troupe. Bathenay, Janvion, Larqué, Synaeghel, les Revelli, etc. On se retrouve tous les ans à la même période pour aller jouer au golf. J’ai refilé un Argentin de 19 ans à Dominique (Rocheteau), on va voir ce que ça donne. Et là, j’y retourne en décembre. » Piazza n’a plus un poil sur le caillou, mais son fort accent et son attache à Saint-Étienne restent intacts. Premier coup de tête d’Erding, à côté. « Celui-là, je ne sais pas quand il va marquer. L’autre jour, je lisais une interview, il disait : « Je suis un amoureux du but. » Ah bah le pauvre, ça doit être un amoureux frustré alors. Ah bon il était blessé ? » Les coups de pied arrêtés se succèdent. « En France, on ne les travaille pas assez, alors qu’ils te changent souvent un match. Le seul qui les travaille vraiment, c’est Bielsa. Mais lui, c’est un mec complètement fou. Il m’avait remplacé à Vélez. » Gros plan sur le public. « Regardez-moi, ce Chaudron. C’est toujours le même. Avec les travaux, le confort et la capacité ont changé, mais tu sens toujours ce petit quelque chose qui t’attrape. Cette chaleur, ces souvenirs. »

À droite, Gradel déborde et centre. Le juge de touche lève le drapeau. « Quoi hors-jeu ? Putain, c’est vrai. Avec la télé et les ralentis, tu peux même plus protester. Nous, sur le terrain, on réclamait toutes les touches, tous les corners, et si l’arbitre ne nous les donnait pas, ça chauffait dans le public. » Peut-on comparer l’ambiance du Chaudron avec celle des stades argentins ? « Bien sûr ! Même s’il y a des différences. Les supporters argentins ont des chants plus variés, plus longs. Mais généralement, ça se perd dans l’atmosphère, alors qu’au Chaudron, avec ce toit, ça reste, ça résonne. » Piazza ne regarde le foot français que lorsqu’il est en France. D’ici, il suit seulement les résultats. Mais le retour des Verts en Europe le ravit. « J’étais contrarié après l’élimination contre les amateurs (Esbjerg, bel et bien professionnels). Cela faisait combien de temps qu’il n’y avait pas de Coupe d’Europe à Sainté ? Je crois que la dernière fois, il y avait Platini ! Pourtant, tout le monde la voulait : les commerçants, les supporters. Début septembre, les mecs me demandaient déjà des places pour ce match contre l’Inter. Mais Sainté, c’est ça, c’est l’Europe. Cela énerve les Lyonnais, d’ailleurs. Parce qu’on leur dit : « Le derby, c’est bien, mais ce qui nous intéresse vraiment, c’est la Coupe d’Europe ». »

Les Russes d’Ukraine et le marquage des Italiens

Parade de Ruffier, mais Dodô reprend et ouvre le score. « Oh merde. Du coup, les deux Russes (Qarabağ, d’Azerbaïdjan, et Dnipro, d’Ukraine) nous passent devant ? Je comprends pas Bayal Sall, il doit faire parler son mètre 90 là, Palacio est tout petit, il n’a pas le droit de prendre un ballon de la tête dans la surface. » À la mi-temps, le constat est sans appel : « On n’a pas eu une vraie occase » . Dans son canapé, Piazza peste contre la défense à cinq de Galtier, même si les latéraux Théophile-Catherine et Tabanou lui plaisent bien. « Il n’y a pas mieux que les Italiens au marquage. Je n’ai jamais joué contre l’Inter, mais en 78, en pleine Coupe du monde en Argentine, on avait fait un tournoi d’été avec Sainté, et on avait joué en Italie contre la Roma. Une défaite 2-0, la moitié de notre équipe était en sélection, mais je me souviens qu’ils étaient impressionnants au marquage. » Cette Coupe du monde, Piazza aurait dû la disputer. Menotti l’avait convoqué, mais au début de la préparation, sa femme a eu un grave accident de voiture au péage de Salon-de-Provence. Reprise, égalisation de Bayal, pas de réaction. « Bon, ça va mieux. »

Tout compte fait, cet ASSE lui plaît bien. « À l’époque, notre grande force, c’était notre solidarité. Et cette équipe a ça aussi, ils se battent les uns pour les autres. L’état d’esprit est bon. » Il précise toutefois qu’il y a « un Sainté avec Perrin et un Sainté sans Perrin » , et que « quand Lemoine est le meilleur joueur du match, tu peux t’inquiéter » . Entre deux tirs des Verts, désormais dominateurs, Piazza se marre de l’embrouille Domenech-Larqué. « C’est pour le folklore. Le truc avec Larqué, c’est qu’il n’était pas seulement le plus fort, il savait en plus qu’il était le plus fort. » Jouer à la fois le championnat et l’Europe, c’est si dur que ça ? « Non, nous, on ne lâchait rien, on jouait à fond sur les deux tableaux. Par contre, ça se complique avec la Coupe de France. Là, ça devenait trop. D’ailleurs, en 76, heureusement qu’on se fait sortir direct par Gueugnon, sinon je ne pense pas qu’on serait aller en finale. D’autant qu’on avait un effectif de 13 pros, donc rien à voir avec aujourd’hui. En Coupe d’Europe, il fallait mettre 16 types sur la feuille de match, donc on mettait trois jeunes du centre. »

Dernier quart d’heure. « Allez, on plante le deuxième et on s’en va. » Hamouma, après avoir tenté maintes fois de dribbler toute l’équipe, laisse sa place. Et ça ne plaît guère à Piazza. « C’est le meilleur. Dans ce football fermé, où l’objectif principal est de détruire et non de créer, ce type de joueurs qui tentent, tentent et retentent, je les admire. Ils sont précieux. » Sur Fox Sport, qui diffuse le match, le commentateur s’attarde sur Osvaldo, l’attaquant de l’Inter, et lance : « Saint-Étienne avait aussi son Osvaldo à l’époque, Osvaldo Piazza » . « Vous avez entendu ? Il m’a nommé ! » Les Verts poussent, le Chaudron aussi, mais l’arbitre siffle la fin de la soirée. Il y avait la place pour arracher la victoire. Bayal Sall salue le public. « Qu’est-ce qu’il applaudit, celui-là ? Si on n’a pas gagné ! » Tant pis, pour se qualifier, il faudra battre les Russes d’Azerbaïdjan dans trois semaines.

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