Dès lors, à chacun de déterminer si cette démarche peut se considérer comme féministe au regard de la définition que nous en avons sur le Vieux Continent. « Aujourd'hui, nous franchissons une étape passionnante en annonçant le premier groupe propriétaire d'une franchise dirigée par des femmes. (...) Le sport est une façon si joyeuse de rassembler les gens, et cela a le pouvoir de provoquer un changement tangible pour les athlètes féminines, tant dans notre communauté que dans la sphère professionnelle » , a-t-elle précisé plus longuement.
Covid-19, Black Lives Matter et soccer
Dans le contexte américain, le projet des Angel City, le nom de la team mise sur les rails, correspond surtout à des enjeux finalement très politiques et pour tout dire quasi conjoncturels. Dans un pays où Donald Trump joue sa réélection – Natalie Portman s'est exprimée plusieurs fois contre sa politique, en particulier envers les jeunes migrants –, ce sont des figures issues de ce qu'on appelle en France la société civile qui ont fini par incarner et porter la voix de l'opposition au docteur Folamour de la Maison-Blanche, au-delà de démocrates quelque peu épuisés. Megan Rapinoe appartient à cette nouvelle catégorie de porte-paroles, à travers un soccer dont l'image, pour son versant féminin, était déjà très marquée « liberal » et « progressiste » . La victoire lors de la dernière Coupe du monde – à laquelle Natalie Portman avait assisté sur place –, validait déjà un statut de quasi-icônes à Alex Morgan et ses coéquipières. Le retour triomphal à New York enfonçait alors un peu plus le clou dans le crâne du sexisme « old school » de la mèche blonde républicaine.
De l'autre coté de l'Atlantique, la bataille continue contre le Covid-19, alors que le pays, à l'approche de l'échéance de l'élection présidentielle, semble plus divisé et incertain que jamais. Lancer une telle équipe, c'est aussi quelque part mettre de l'argent pour faire pencher la balance du « bon côté » . Après avoir participé à la campagne Time's up contre le harcèlement et les agressions sexuelles dans le cinéma – et de ce point de vue encore, Donald Trump n'était pas franchement du même côté de la barricade, y compris juridique –, Natalie Portman sait ce qu'elle fait en mettant en avant de manière positive la valeur des joueuses, sur la côte Ouest (où le foot féminin est absent au plus haut niveau depuis 2010). « Quel meilleur moment pour bouger que maintenant ? » , peut-on entendre en voix off dans la vidéo de présentation.
California dream ?
Naturellement, rien ne serait plus erroné que de transposer aux États-Unis des formes d'attente qui sont propres à l'histoire des artistes engagés en France. Il n'empêche que cette initiative octroie forcément une nouvelle dimension au foot féminin et sa signification, dans le vaste champ de la bataille culturelle et sociale autour des mobilisations en faveur des droits des femmes ou des causes qui leur sont liées. Est-il imaginable de voir pareille aréopage, emmené par Adèle Haenel ou Béatrice Dalle, venir fonder un club aussi ambitieux et symbolique à Marseille ?
Par Nicolas Kssis-Martov
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