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Moyes, le volontaire

Par Ronan Boscher, à Manchester
5 minutes
Moyes, le volontaire

Par son passage à Man United, on ne sait pas encore si David Moyes gagnera le droit à sa particule ou à la solitude. Le club le plus global du monde vient de donner les clés du jeu à un Écossais qui n'a pas gagné un titre. Mais qui es-tu David Moyes ?

Les détails des tractations et des conversations n’ont pas encore filtré. Quand ? Où ? Comment tout s’est joué ? Pour le moment, à la limite, peu importe. Celui qui ne connaît rien de David Moyes, mais un peu du foot, peut au moins deviner un trait de caractère évident au futur manager de Manchester United. Il faut être quand même un peu timbré pour être celui qui passe juste après Sir Alex Ferguson. Rares en effet sont les situations où un nouvel entraîneur doit assumer, « à court terme » , près de 30 ans d’histoire d’un coup, et 20 titres. Un Sir Alex Ferguson mancunien seul pèse plus que le palmarès de toute l’histoire d’Arsenal, par exemple. Le futur retraité dirigeait tout de même dans un stade avec une tribune et une statue à son nom. Voilà, David Moyes est forcément un peu cinglé, de fait. Un Tapie des années 90 pourrait dire « sévèrement burné » même. Comme Ferguson en fait.

Pourtant Moyes ne vient pas exactement du même coin que celui de Sir Alex, où il fallait savoir se défendre, Govan. 15 minutes en voiture plus loin, Beardsen est une petite banlieue boisée de Glasgow, sympathique. Le petit David est plongé dans le foot via son père, dessinateur en construction navale dans le civil, et pour le fun, entraîneur des équipes de foot du collège et du club amateur de Drumchapel. « J’ai été élevé dans une famille totalement impliquée dans le bénévolat, à l’image de mon père au collège ou à Drumchapel » , racontait David dans le Guardian. Au Celtic Boys Club de Glasgow à 12 ans, il réussit à débuter en équipe première, cinq ans plus tard, et glaner un titre de champion. Voilà côté honneur pour un des rares protestants du Celtic. Le défenseur central n’explose pas en Écosse et file en Angleterre à 20 ans à Cambridge. La littérature du club raconte qu’un « billet d’avion à 650 livres avait été payé pour signer le défenseur du Celtic à temps » , pour son premier match contre Portsmouth. Joueur correct, il naviguera par cycle de 2-3 ans de club en club pour finir à Preston North End, après un ultime cycle scottish à Dunfermline. Dans la presse britannique, tous ses anciens coéquipiers parlent de lui comme d’un « énorme travailleur » , « fou de travail » , « un leader sur le terrain » , « un capitaine » . En creux, cela laisse penser qu’il n’était pas non plus le danseur étoile de l’équipe, mais un joueur sur qui on pouvait compter, un taulier.


« Les gens au club devaient lui dire d’arrêter d’aller voir des matchs »

Il s’est rapidement tourné vers sa carrière de coach, alors même qu’il était joueur. Dès ses 22 ans, il démarre les cours pour obtenir ses diplômes. À Dunfermline, son ancien coéquipier et ami Ian McCall rapporte dans le Guardian que ce cher David « descendait à Largs(le Clairefontaine des entraîneurs écossais) dès qu’il en avait l’occasion » . C’est à Preston North End qu’il écrit véritablement ses premières lettres de noblesse, comme joueur-assistant coach, entraîneur-joueur, puis entraîneur. Et ça bosse dur comme le rappelle McCall : « Je sais que quand il était à Preston, les gens au club devaient lui dire d’arrêter d’aller voir des matchs, parfois, 8, 9, 10 dans la semaine. » Le bagage d’entraîneur s’est donc bâti avec énormément de boulot. « Une éponge » pour Kevin Kilbane, qui l’a connu à Preston. Pendant la Coupe du monde 98, il demande à la Fédération s’il peut, à ses propres frais, suivre la sélection écossaise. En toute discrétion et avec un cahier. Plus tard, il passera quelques coups de fil à Sir Alex Ferguson « quand on me proposait un job » pour avoir son avis, confiait-il à France Football en décembre dernier. Sa mentalité « directe, travailleuse » pourrait être caricaturée en old school, façon Sir Alex justement. Mais au-delà de la caricature, Moyes essaie de coller le plus possible à son foot, « son hobby » , « en logique de recherche » . Les appels de Thomas Müller lui ont par exemple inspiré des séances spécifiques attaquants à Everton. Il a une envie d’Amérique du Sud, « pour voir comment on forme les jeunes là-bas, comment ils s’entraînent » .

Il n’est pas du genre à avoir un dogme, si ce n’est celle du taf et de l’observation. « Aujourd’hui, vous avez un dialogue qui s’installe au niveau tactique : possession contre pressing extrême. Et ça, c’est nouveau dans le football moderne » , disait-il dans France Football. Il décrivait aussi sa façon de fonctionner : « Tout club a ce que j’appellerais un thème qui lui est propre. (…) Si j’ai une vision de jeu qui m’appartient et que les joueurs à ma disposition ne sont pas ceux qu’il faut pour la mettre en pratique, et qu’ils ont encore trois ou quatre ans de contrat, je fais quoi ? » Pour résumer, Moyes a préféré emmagasiner autant de savoirs que possible, pour avoir le plus souvent possible la réponse sur le terrain, avec les hommes qu’il a. Difficile donc de définir son profil tactique, surtout que l’homme qui « s’adapte » aura un effectif bien différent sous la main à Carrington. Ses attaquants à Everton adorent ouvrir les espaces au milieu pour que Osman ou Fellaini s’y engouffrent. Qu’en sera-t-il à MU, même si Fellaini arrive dans les bagages de David ?

Jamais viré

De toute façon, la passation semble avoir été bien préparée. Dans le même moule que Sir Alex Ferguson, mais en roux, sans nez rouge, et 20 ans plus jeune, David Moyes est pour l’instant reconnu comme un très bon manager de Premier League, couronné trois fois par ses pairs durant la dernière décennie. Et fait d’Everton le plus gros poil à gratter du Big Four. Le plus régulier. Avec trois francs six sous et 20 millions d’euros pour Fellaini. Dernière chose et non des moindres : David Moyes présente la particularité de n’avoir jamais été viré. Le voici désormais dans un club qui n’a pas connu l’expérience « embauche de manager » depuis 26 ans. Ça promet. Enfin, on l’espère pour lui… Il est cinglé.

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