Entre 2010 et 2012, Sissoko n'est plus rappelé. Il disparaît des radars. Pour ce fan de Patrick Vieira, c'est un moment délicat. Il doute, mais n'ouvre jamais sa gueule. Il ne se plaint pas et bosse. Bosse. Bosse. Bosse. Son heure viendra. Elle sera tardive. Les Bleus jouent alors un match important dans la chaleur espagnole en vue du Mondial brésilien. On est en octobre 2012 à Madrid et les Bleus sont menés 1 à 0 par les champions du monde. Il reste 30 minutes quand Deschamps lance Sissoko dans la fournaise ibère. Un changement qui amène, car ils sont nombreux, les suiveurs de l'équipe de France à s'interroger sur la présence du joueur en équipe nationale…
Le déclic ? Madrid
Pendant une demi-heure, il va marcher sur la meilleure équipe du monde. Face à des Espagnols fatigués, Sissoko percute, perfore, brise les lignes. Sur une percée de 40 mètres, il sert Ribéry qui régale ensuite Giroud sur l'égalisation. Son jeu consiste à aller à fond, sans retenue. Ses points forts ? La prise d'espace, sa vitesse, sa puissance. Pourtant, à Newcastle - club qu'il a rejoint en janvier 2013 –, Moussa joue numéro 10 derrière son attaquant pour apporter de la vitesse et de la profondeur. En équipe de France, pas question de le faire jouer à ce poste. Deschamps le préfère dans un milieu à trois, où il peut multiplier les courses défensives pour gêner les montées adverses. Contre la Suisse, il a joué à la place de Paul Pogba. Moins technique, mais meilleur défenseur et plus discipliné que le Turinois, Sissoko a été parfait dans ce rôle pourtant ingrat et peu valorisant. « Quand on joue avec trois attaquants, on ne peut pas leur demander de trop défendre, sinon, ils vont perdre beaucoup d'énergie et être moins présents offensivement, résume Sissoko en conférence de presse après le match contre la Suisse, du coup, c'était à nous de bien contrôler leurs latéraux. » Un mec de collectif. Parfait pour tout sélectionneur, donc.
« Je ne suis pas là pour prendre la place de quelqu'un, lance-t-il. Je fais partie d'un groupe de 23, j'essaie de me tenir prêt et de répondre présent lorsqu'on fait appel à moi. La force de ce groupe, c'est que nous n'avons pas d'états d'âme. » Il faut dire que Sissoko sait que tout va très vite dans le football. Formé avec Étienne Capoue – beaucoup plus talentueux que lui, parait-il – et issue de la génération 1989 (celle d'Obertan, N'Gog, Sankharé), il sait que rien n'est linéaire dans une carrière. À l'image de Blaise Matuidi, abonné au banc de touche des Bleus durant l'Euro 2012 et indispensable aujourd'hui, il revient de nulle part. Et comme le Parisien, Sissoko a cette forme de retard sur le plan de la coordination. Comme quoi, le règne des « beaux joueurs » commence à perdre de sa superbe. Tant mieux pour Moussa Sissoko et l'équipe de France.
Par Mathieu Faure
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