- Ligue des champions
- 8es
- Chelsea/PSG (2-2 ap)
- Billet d'humeur
Mourinho, the Losing One ?
L'incroyable échec de Chelsea face au PSG est avant tout celui de son entraîneur. Les Blues n'ont rien proposé et leur mentor avec eux. Et si José Mourinho n'était devenu qu'une caricature de lui-même… ?
On en connaît un du côté de Londres qui, ce matin, a dû troquer son Earl Grey matinal pour boire du p’tit lait. Cette mine réjouie, c’est celle d’Arsène Wenger. Celui que José Mourinho qualifie de loser tous les quatre matins. Comme l’an passé, après que le manager d’Arsenal eut supposé que son homologue de Chelsea refusait d’évoquer le titre de champion par peur d’échouer dans cette quête. « Si Wenger a raison et que j’ai peur de l’échec, c’est parce que je n’en ai pas connu beaucoup. Il a peut-être raison. Peut-être que je ne suis pas habitué à perdre. La réalité, c’est que lui est un spécialiste. Huit ans sans rien gagner, c’est un échec. Si moi, je fais ça avec Chelsea, je quitte Londres et je ne reviens pas. » Oubliant au passage que lui-même, José, s’apprêtait à enquiller une deuxième saison de suite sans rien gagner. Alors bien sûr, il y a quelques jours, le Mou a engrangé une bonne petite League Cup face à Tottenham (autre grand expert de l’échec, soit dit en passant), histoire de briser le « jinx » qui guettait. Mais finalement, est-ce bien différent de la FA Cup grattée à l’arrache par Arsenal face à Hull City l’an dernier (3-2 a.p.) ? Pas tellement à vrai dire. Car pour des clubs calibrés comme cela, ces coupes prennent surtout un vrai sens quand elles viennent en appoint d’une conquête majeure. Sans ça, elles font surtout office de léger cache-misère. Au vrai, c’est surtout en Ligue des champions que l’on attendait Mourinho. Histoire de vérifier si la magie est toujours présente. Car disons-le, depuis deux ou trois ans, on est pris par un petit doute.
Plus de lapin dans le chapeau
Il fut un temps où Mourinho sortait le meilleur club du monde en jouant une heure à dix contre onze. Mercredi soir à Stamford Bridge, il a perdu en jouant plus d’une heure et demie à onze contre dix face à une équipe même pas leader de Ligue 1. Bien entendu, on force un peu le trait, mais juste un peu. Car face au PSG, le Special One a ressemblé plus que jamais à ce qu’il est depuis quelque temps : une caricature de lui-même. Le plan de jeu des Blues ? Minimaliste. Et on compte large. À l’aller comme au retour, les Londoniens n’ont absolument rien proposé, marquant au Parc sur leur seule occase (une balle dans la boîte), dans la simple attente de coups de pied arrêtés au Bridge. Et les deux fois en concédant une foultitude d’occases à l’adversaire, et franchement, l’impeccable Courtois aura donné une allure décente au naufrage des Blues. Rien à voir avec le ballet défensif sublime de son Inter au Camp Nou il y a cinq ans, un truc à montrer dans les écoles, quand les Barcelonais s’étaient cassé la binette pour se créer ne serait-ce qu’une demi-occase.
Mais au-delà de ce coup de maître assorti de sa petite légende urbaine qui vous signe les grands moments d’histoire (non Eto’o n’a pas joué latéral dans ce match, mais milieu de couloir), il y avait chez Mourinho une capacité à surprendre l’adversaire, à le prendre à la gorge en lui sortant un lapin de son chapeau. Comme en 2005, lors du plus beau match des années 2000, quand il avait armé Chelsea dans un 4-4-2 surprise pour mettre KO d’entrée le Barça (3 buts lors des 19 premières minutes) en huitième retour de C1. Ou en 2010 en demi-finale aller, quand son Inter avait ciblé non pas Messi, mais Xavi dans le dispositif catalan pour isoler le vrai maître à jouer blaugrana avec le succès que l’on sait (3-1 à San Siro, net et sans bavure). On arrête là la démonstration, mais on en aurait des wagons entiers (ah, la leçon à Ancelotti, toujours en 2010 en 8e retour à Stamford). Oui, l’homme de Setúbal a souvent donné dans le génie pur, au-delà des bons mots.
Le phénomène des artistes en vogue
Mais peut-être conscient de ce pouvoir de fascination dès qu’il dit le moindre mot, esquisse le plus petit début de sourire carnassier, José Mourinho semble aujourd’hui se contenter du match en salle de presse. Là où il reste incontestablement « le putain de chef » , comme dirait Pep Guardiola. Mais pour le reste… ? Car le Mou a tellement subjugué son monde que chaque succès porte désormais sa marque. Même quand il n’y est pas pour grand-chose. Comme l’an passé quand Demba Ba profite d’une glissade lunaire de Steven Gerrard pour aller ruiner les rêves de Liverpool et où tout le monde avait clamé : « Mourinho a encore réussi son coup » . Sauf que le Portugais n’était pour rien dans ce fait de jeu. Il fallait plutôt guetter du côté de la fébrilité du skipper des Reds, coutumier du fait. Mais voilà, la course à la surinterprétation avait conduit à cette analyse bien trop flatteuse sur l’influence réelle de ce brave José, comme on le fait pour les artistes en vogue qui peuvent vous pondre une bouse bien bâclée et au sujet de laquelle tous les critiques crieront au génie. Ivre de sa propre réussite, Mourinho a arrêté d’inventer.
Et ce n’est pas un hasard si ces trois dernières saisons, ses équipes sont sorties de la Champions en prenant des leçons de football, que ce soit par Dortmund, l’Atlético Madrid ou le PSG. Trois équipes qui ont joué au ballon, quand lui s’est contenté de bâtir des machines à balancer de grands coups de bottes devant en attendant la réussite providentielle (comme celle de Demba Ba face à Paris dans une forêt de jambes à deux minutes de la fin l’an dernier), une réussite qu’il avait fini par rendre proverbiale. Sauf qu’en ce temps-là, Mourinho la provoquait, il ne l’attendait pas. Alors oui, ses fidèles parmi les fidèles argueront que Chelsea se dirige vers un titre de champion d’Angleterre et ça ne peut pas être anodin. Oui, une belle couronne conquise dans un championnat dont tous les représentants se sont fait rosser dès qu’ils ont croisé le reste du continent. Dans une semaine, c’est très probable, Arsenal devrait se faire sortir par Monaco. Dans une semaine, Wenger et Mourinho auront des choses à se raconter.
Par Dave Appadoo