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Monza et merveilles

Par Éric Maggiori
7 minutes
Monza et merveilles

Après 110 années d'existence, et 40 saisons passées en Serie B, Monza a obtenu la première montée de son histoire en Serie A. Et cette montée intervient moins de quatre ans après que le duo Berlusconi-Galliani a débarqué à la tête du club.

C’est une malédiction qui durait depuis 110 ans, et qui a pris fin ce dimanche de la plus folle des manières. Au terme d’un barrage d’accession riche en émotions face à Pise, Monza a obtenu sa montée en Serie A. Et c’est là une sacrée page d’histoire, la fin d’un record peu enviable. De fait, le club fondé en 1912 n’avait, jusqu’ici, jamais participé à la première division. 40 participations à la Serie B, et pas la moindre montée : c’est la seule équipe, en Italie, qui était dans ce cas de figure. L’an passé, les Brianzoli s’étaient même inclinés en demi-finales des play-offs, laissant penser que la malédiction durerait pour toujours. Ce dimanche, lorsque l’équipe s’est retrouvée menée 2-0 après 9 minutes de jeu, les tifosi ont dû se dire que ce n’était pas encore pour cette fois. Mais les joueurs de Giovanni Stroppa ont trouvé d’incroyables ressources pour égaliser, avant d’encaisser un troisième but synonyme de prolongation (à la suite de leur victoire 2-1 du match aller). Et là encore, pendant la prolongation, Monza a su réagir, égalisant à la 96e minute par Marrone, puis prenant l’avantage à la 101e par Gytkjær. Pise ne s’en relèvera pas, et pour la première fois de son histoire, Monza composte son billet pour la Serie A. Quelle histoire.

C’est une opération romantique, un acte d’amour. Disons que pendant 31 ans, j’ai été en prêt à l’AC Milan, puisque Monza est dans mon ADN.

Pas de barbe, pas de tatouage

Retour en arrière de quelques années. À l’été 2015, le tribunal de Monza déclare la faillite officielle de l’AC Monza Brianza 1912, club né quelques années plus tôt des cendres du Calcio Monza. Le club est repris lors de la vente aux enchères de faillite par un certain Nicola Colombo, qui fonde la SSD Monza 1912 et qui repart de la Serie D. La première saison dans le monde amateur est particulièrement compliquée : Monza change deux fois d’entraîneur et termine dixième. Cela pourrait être le début d’une longue traversée du désert, mais le club va rapidement trouver son rythme de croisière. La saison suivante (2016-2017), les Brianzoli terminent premiers et sont donc promus en Serie C. Un an plus tard, au tout début de la saison 2018-2019, la rumeur grandit quant à un intérêt du duo Berlusconi-Galliani, qui a fait pendant plus de deux décennies la grandeur de l’AC Milan. La transaction est finalisée le 28 septembre 2018. Pour Galliani, c’est un choix de cœur, puisque le dirigeant est né à Monza et qu’il avait déjà été vice-président du club dans les années 1980, juste avant de rejoindre Berlusconi à Milan. « C’est une opération romantique, un acte d’amour, assure l’autre divin chauve en conférence de presse. Disons que pendant 31 ans, j’ai été en prêt à l’AC Milan, puisque Monza est dans mon ADN. J’espère d’ailleurs pouvoir affronter l’AC Milan pour un derby en 2020. » 2020, non, mais 2022, oui.

Mes joueurs devront avoir les cheveux en ordre, il y a déjà un coiffeur à Monza qui m’a dit qu’il ferait des coupes gratuitement. Pas de barbe, pas de tatouages.

Le bon Adriano est ainsi nommé administrateur délégué du club, tandis que Paolo Berlusconi, le frère de Silvio, est intronisé comme président. Dès son arrivée, le nouveau staff dirigeant affiche ses intentions : une montée en Serie A au plus vite. Et avec ses ambitions, certains principes… étonnants. « Mon Monza sera une équipe jeune et composée uniquement de joueurs italiens, déclare alors Berlusconi. Ils devront avoir les cheveux en ordre, il y a déjà un coiffeur à Monza qui m’a dit qu’il ferait des coupes gratuitement. Pas de barbe, pas de tatouages et ils ne devront pas non plus porter de boucles d’oreille. Ils s’excuseront auprès de l’adversaire en cas de faute, et traiteront l’arbitre avec respect. Je veux quelque chose de différent du football actuel. » Un discours assez surréaliste, mais qui paraît logique dans la stratégie de com’ d’un vieux monsieur de 82 ans. Qui demeure à ce jour le président le plus titré de l’histoire du foot italien, son AC Milan ayant amassé 29 trophées lors de ses 30 années de présidence, de 1986 à 2016.

Super Mario débarque, Silvio veut la C1

Marco Zaffaroni n’avait ni barbe, ni tatouage, mais le coach de Monza a été le premier à faire les frais des nouvelles ambitions berlusconiennes. En mars 2019, il est viré et remplacé par Cristian Brocchi, ancien joueur de l’AC Milan. Monza termine cinquième, mais s’incline lors des play-offs. Pas de quoi entraver l’enthousiasme de la ville et de ses supporters, qui croient dur comme fer dans le projet de Minus et Cortex. « La volonté de remonter en Serie B est énorme, car cela fait trop d’années que nous n’y sommes plus, assure alors Fausto Marchetti, leader de la Curva Sud de Monza, au Corriere dello Sport. L’équipe actuelle est déjà prête à lutter pour la montée, elle n’a pratiquement pas changé depuis l’an dernier. Maintenant, nous attendons les coups de Galliani et Berlusconi. » La presse italienne s’enflamme et évoque les noms de Gilardino et Kaká, anciens protégés rossoneri. En réalité, les recrues de l’été 2019 seront moins clinquantes, mais pas mal pour la Serie C : Eugenio Lammana (ex-Genoa), Nicola Rigoni (quatre saisons en Serie A avec le Chievo), Giuseppe Bellusci (près de 150 matchs de Serie A avec Catane et Empoli) et Mario Sampirisi (ex-Crotone). Au mois de novembre, alors que l’équipe est leader, l’ancien international Gabriel Paletta débarque gratuitement. D’autres renforts arriveront en janvier (Mota Carvalho, José Machin), et Monza continue son cavalier seul. Le championnat est interrompu au mois de mars à cause de la pandémie de Covid-19. Contrairement à la Serie A, le championnat ne reprendra pas, et Monza, qui comptait 16 points d’avance (!) sur son dauphin au moment de l’interruption, est donc sacré champion. Le retour en Serie B est acté.

Au mercato, le duo Berlu-Galliani met les moyens. Le club débourse 20 millions sur le marché des transferts, et frappe un double coup médiatique en récupérant gratuitement Kevin-Prince Boateng, puis Mario Balotelli en décembre. Cette première année dans l’antichambre de la Serie A se soldera par une troisième place, meilleur classement de l’histoire du club. Malheureusement, seuls les deux premiers sont promus directement, et Monza doit passer par la case play-offs. Battu 3-0 au match aller à Cittadella, les joueurs de Brocchi croient au miracle lorsqu’ils mènent 2-0 au retour. Mais le troisième but n’arrivera jamais, et le rêve de la montée s’évanouit. Ce n’est que partie remise. L’été suivant, les anciens boss du Milan remercient Brocchi et intronisent Giovanni Stroppa, ancien du Milan et de la Lazio, sur le banc. Débarquent en Lombardie Luca Marrone (Crotone), Luca Caldirola (Benevento), Leonardo Mancuso (Empoli), Andrea Favilli (Genoa) et surtout Gastón Ramírez, laissé libre par la Sampdoria en janvier.

Maintenant, nous voulons gagner le Scudetto et aller en Ligue des champions. Pour moi, deux grandes joies cette année, après le Scudetto du Milan.

Dans le peloton de tête pendant toute la saison, Monza est deuxième à 90 minutes du terme de la saison. Mais le club s’incline lors de la dernière journée à Pérouse (1-0), pendant que la Cremonese et Pise s’imposent tous les deux, faisant dégringoler Monza à la quatrième place. Il faut donc à nouveau passer par les barrages, mais cette fois-ci, l’issue sera heureuse. Quatre victoires en autant de matchs (2-1, 2-1 contre Brescia, 2-1, 4-3 contre Pise), et voilà Monza qui valide sa montée, moins de quatre ans après l’arrivée de Berlusconi et Galliani. Fou. « C’est une grande joie, Monza a été fondé en 1912 et n’est jamais monté en Serie A, assure le Cavaliere. Enfin, nous y sommes, la Brianza a l’équipe qu’elle mérite, la région a plus de 70 000 entrepreneurs et c’est donc normal qu’elle ait une équipe forte en Serie A. Maintenant, nous voulons gagner le Scudetto et aller en Ligue des champions. Pour moi, deux grandes joies cette année, après le Scudetto du Milan. » Adriano Galliani, lui le natif de Monza, est encore plus heureux. « Ça a été une épopée pleine d’émotions, surtout lors des dernières semaines. Monza-Milan sera une émotion incroyable, même si mes fils m’ont déjà demandé de battre l’Inter. » L’été risque encore d’être agité, tant les deux hommes sont ambitieux. En revanche, pour les principes initiaux, on repassera : Luca Marrone et Christian Gytkjær, les deux hommes qui ont offert la montée sur la pelouse de Pise, ont respectivement des tatouages plein les bras, et une jolie barbe.

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