La maison FIFA qui rend fou
Désormais, la multiplication des problèmes (par exemple le déplacement des dates pour raisons climatiques) autour de ce choix catastrophique, notamment défendu par un Michel Platini d'un coup moins regardant sur les valeurs, s'avère symptomatique de ce qui motive et fait tourner la FIFA. Tout semble clairement indiquer, désormais, le scénario d'une des pires éditions de l'histoire, avant même que le premier coup de sifflet n'ait été donné. Illustration concrète d'une maison foot qui a perdu la tête (inventant pour la suite des usines à gaze avec un tournoi à 48), les yeux fixés sur les lignes budgétaires et les mains sales sur les dessous de table, le mondial 2022 se transforme surtout petit à petit en test ultime de la résistance de l’institution face au principe de réalité.

Ce sentiment de puissance ou d'impunité, au-delà de toute autre considération, mettra-t-il en péril y compris sa propre survie ? Car qui peut douter qu'un fiasco (en matière de public, d'audience, d'images, et qui sait d'éventuels boycotts ou absence des grands joueurs) ne risquerait pas d'entraîner la FIFA dans une spirale auto-destructrice, bien plus grave que les coups de semonce portés par quelques tribunes parues dans la presse « occidentale » .
Le Covid-19 ou l'année zéro du foot mondial ?
Il existe pourtant d'autres chemins, et qui ne sont pas seulement nichés dans les esprits naïfs d'utopistes caressant le rêve d'un autre foot. La crise du Covid-19 a contraint, de fait, l'ensemble du monde sportif à repenser son économie et ses référents en matière d'organisation de grands événements. Le cas des JO de Tokyo ou de l'Euro en 2021 seront peut-être des incarnations grandeur nature de cette tendance à plus de sagesse, ou du moins de sobriété. Est-il ensuite envisageable d'enchaîner sur une Coupe du monde qui serait le témoignage pharaonique de l'extrême inverse ? Le rapport à la vie humaine, qui a justifié ce black-out mondial du sport, et le confinement de plusieurs dizaines de pays, conduit à regarder autrement ce qui a été un peu trop rapidement accepté au nom d'un « différentialisme » en matière de droits de l'homme. Peut-on jouer au foot sur des cimetières quand le foot s'est arrêté, à juste raison, pour éviter d'en creuser trop chez nous ?
Les inquiétudes légitimes sur l'avenir du ballon rond en Afrique n'ouvrent-elles pas des pistes pour repenser un mondial ? Les États qui ont su parfois imposer leur desiderata et leurs impératifs au foot pro ont peut-être aussi l'occasion de prolonger leurs exigences et leur prééminence. De toute façon, maintenir cette Coupe du monde en 2022 au Qatar n'est plus uniquement une question d'éthique, ou un petit pincement au cœur pour les Européens. Ce sera la prochaine épreuve, le calvaire pour tout dire, d'un foot qui va devoir décider ce qu'il veut être. Et pas seulement ce qu'il veut gagner.
Par Nicolas Kssis-Martov
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