« Il s'est écarté tout seul du chemin du très haut niveau »
Une absence qui est avant tout la conséquence de l'année compliquée de Modrić, frappé par cette fameuse « saison post-Mondial » que l’on promet infernale à tous ceux qui y brillent, et victime de la chute collective du Real Madrid. En un an, on est passé d’un Modrić au sommet de son art dans l’été russe à un Luka terriblement humain, plein de failles, incapable de puiser dans ce Ballon d’or les forces nécessaires pour tirer son équipe vers le haut. Reste que cet écart de la liste des 30 porte, au moins symboliquement, l’idée que le Croate ne fait plus partie de l’élite, celle des meilleurs joueurs du monde. Le genre de déchéance dont on n’avait pas vraiment l’habitude de la part de ceux qui décernent ces prix, et qui nous avaient habitués à un statu quo parfois incompréhensible ces dernières années.
« Une commission composée de journalistes de France Football se réunit plusieurs fois à partir de septembre pour discuter de la future liste, composée principalement à partir des critères sportifs sur la base d’environ un millier de matchs vus dans l’année, nous explique-t-on à la direction de l’hebdomadaire. France Football n’a pas décidé d’écarter Modrić. Ce sont Modrić, et le Real, qui se sont écartés tout seuls du chemin du très haut niveau en 2019. » Face à l’émergence d’un nombre de nouvelles figures proéminentes dans le paysage du football mondial, France Football a donc dû débroussailler du côté des dinosaures madrilènes en déclin, dont la présence dans la liste aurait été injustifiable malgré leur indiscutable talent. En plus du Croate, pas moins de six autres joueurs madrilènes (Bale, Courtois, Isco, Marcelo, Ramos et Varane) ont disparu de la liste des nommés. Modrić, dont l'année 2019 quelconque contraste avec une année 2018 où l'on ne voyait que lui, n'a pas été épargné.
Modrić est mort, vive Modrić !
L’absence de Luka Modrić de la liste des 30 candidats au Ballon d’or, qui arrive trois ans après sa première apparition dans cette liste et un an après son sacre, symbolise la carrière singulière qu’est celle du Croate. Considéré comme un joueur solide dans ses années Tottenham, acheté à prix d’or, mais critiqué lors de ses premières saisons au Real, avant d’être tardivement, mais unanimement considéré comme un maestro une fois la trentaine passée. Une chute, d’autant plus violente que l’ascension fut laborieuse, qui raconte parfaitement ce qu’a incarné Modrić dans l’histoire du Ballon d’or. Un retour éphémère, inespéré, mais juste sur le devant de la scène des magiciens qui tirent les ficelles du jeu, après dix ans d’une lutte qui s’est souvent résumée à qui de Cristiano Ronaldo ou Lionel Messi avait marqué le plus de buts. Au cœur du jeu, son numéro 10 gravé dans le dos, Luka Modrić a incarné un football libéré de la dictature de la statistique, qui a réappris à voir dans une passe, un décalage, une course sans ballon ce qui fait l’essence de ce sport. Une ode aux hommes de l’ombre, métronomes discrets dictant le tempo d’un match et bâtisseurs essentiels des fondations des plus grands succès. Une idée qui ne peut pas, ne doit pas disparaître avec lui. Modrić est mort, vive Modrić !
Par Alexandre Aflalo
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