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Mauro, l’ancien de Chelsea devenu steward

Propos recueillis par William Pereira
Mauro, l’ancien de Chelsea devenu steward

Il a été formé à Porto, a joué à Chelsea un an avant l'arrivée de José Mourinho et travaille comme steward à la TAP depuis ses 25 ans. Avions, choix de carrière, précarité du football portugais, Terry, Lampard, Desailly, Gallas, Petit : Mauro revient sur son parcours et raconte comment il s'est retrouvé la tête en l'air.

Sommairement, à quoi ressemble ton parcours de footballeur professionnel ?

Je suis entré à Porto étant petit avec l’ambition d’intégrer un jour l’équipe première et de devenir international portugais. Mon parcours de formation s’est bien déroulé jusqu’à mon arrivée chez les juniors. À l’époque, l’entraîneur, João Pinto, ne comptait pas sur moi et j’ai fini par passer une année fatigante mentalement comme je ne jouais presque jamais. Heureusement, la possibilité de représenter Chelsea s’est offerte à moi. J’ai fait un essai d’une semaine et ils ont voulu me garder. Je suis resté là-bas l’année qui précédait l’arrivée de José Mourinho et du grand Chelsea d’Abramovitch. Ensuite, j’ai eu la possibilité de partir en prêt chez les Queens Park Rangers, mais j’ai préféré rentrer au Portugal, en l’occurrence à Penafiel (D2). Ensuite, j’ai continué à un niveau inférieur jusqu’à mes 24 ans, âge auquel j’ai décidé d’arrêter ma carrière parce que bon… j’ai compris, après avoir essayé de remonter dans l’élite pendant trois ou quatre ans, que ça ne serait pas possible. Et comme à partir de la deuxième division, la rémunération est moindre et que les clubs payent mal, ce n’était pas la peine de continuer. Être un petit professionnel ou un semi-professionnel au Portugal, c’est devoir à un moment ou un autre faire face à des salaires impayés, à des situations précaires. J’ai évolué à un moment où la crise économique battait son plein et où les clubs inférieurs ont vu les soutiens publicitaires et autres investisseurs se retirer, donc c’étaient des situations normales à ce niveau. Non vraiment, jouer en D2 portugaise, ce n’est pas la même chose qu’évoluer en D2 anglaise. En plus de ça, j’avais l’opportunité de travailler dans les avions, comme j’avais de la famille qui travaillait dans ce secteur, et ça m’a poussé à raccrocher les crampons.

Comment était le Chelsea que tu as connu ?

Il n’était pas si différent que celui d’aujourd’hui dans le sens où c’était déjà un club riche. Cela dit, il manquait de professionnalisme par rapport au club qu’il est devenu. Ce sont les gens venus de l’extérieur qui ont pu perfectionner Chelsea. Concrètement, je me souviens que notre centre d’entraînement était mauvais… En général, le problème était structurel. L’équipe ne jouait pas régulièrement les premières places, comme c’est le cas aujourd’hui, alors qu’elle pouvait compter sur de bons joueurs. En ce sens, les arrivées de José Mourinho et Roman Abramovitch ont permis à l’institution de prendre un virage à 180 degrés et de passer au niveau supérieur.

Quelle était la réputation de Chelsea avant ce changement ?

C’était un club respecté, notamment par ses grands rivaux de Londres et plus précisément Arsenal. À l’époque, Chelsea, c’était un peu l’équipe qui luttait pour accéder aux premières places, mais qui n’y arrivait jamais et se retrouvait toujours dans la zone de la Coupe de l’UEFA. Mais comme je l’ai dit, Chelsea a toujours été un club riche et il ne leur manquait qu’une vraie structure pour se battre pour des trophées. Il n’y a qu’à voir la suite de leur histoire pour s’en rendre compte.

Parle-nous du vestiaire de ton Chelsea…

On avait une bonne équipe, vraiment, avec des champions du monde en la personne de Desailly et Petit… On avait aussi Zola, extrêmement sympathique et qui aidait toujours les jeunes à s’intégrer, et bien sûr, on avait une énorme colonie hollandaise. Zenden, Melchiot, Hasselbaink. D’ailleurs, je m’entendais très bien avec Jimmy Floyd parce qu’il parlait portugais comme il était passé par le Portugal (entre 1995 et 1997, ndlr) avant d’arriver en Angleterre. Et il ne faut pas oublier Terry et Lampard, qui jouent toujours à un très haut niveau aujourd’hui, même si Lampard vient de quitter la Premier League. Si on enlevait les Français… (il rit) C’est marrant parce que vous travaillez pour un magazine français, mais je suis obligé de reconnaître que les Français étaient les plus réservés. Les Hollandais et les Italiens parlaient beaucoup plus, alors que, par exemple, Desailly et Petit la jouaient vraiment solo… Gallas pareil. Ils venaient à l’entraînement s’habillaient, s’entraînaient, se rhabillaient et repartaient. Ils ne participaient pas autant à la vie du vestiaire comme ceux des autres pays. Ça doit être une question de culture, je ne sais pas. En revanche, les Hollandais et les Italiens, niveau excentricité, c’était le top.

Et les deux futurs capitaines, ils étaient comment ?

John Terry avait déjà l’aura du capitaine et il était très attaché à ses coéquipiers. Il faisait en sorte que tout le monde soit à l’aise. Quand quelqu’un faisait ou disait une connerie, Terry était le premier à suivre. Il avait ce truc de capitaine qui montrait l’exemple quand il fallait être sérieux, mais il montrait aussi l’exemple quand c’était le moment de se marrer. Pour briser la glace, c’était le meilleur. Lampard, lui, était un peu plus réservé, mais on devinait déjà très bien qu’il deviendrait ce qu’il est aujourd’hui. Il avait déjà un certain sens du leadership, mais dégageait plus de sérénité que Terry qui faisait autant le fou que deux personnes réunies (il rit). Je pense que ces deux-là se sont bien trouvés, ils se complétaient. L’un était introverti et l’autre un parfait extraverti, et ça ne pouvait qu’être bon dans le vestiaire.

Tu ne regrettes pas d’avoir quitté l’Angleterre après coup ?

Je n’ai pas pour habitude de regretter une décision prise par le passé parce que c’est ce que je pensais être le mieux pour moi à ce moment-là, mais footballistiquement, si j’étais resté la fameuse année où j’aurais pu aller aux QPR, peut-être qu’à l’heure où on parle, je serais encore en activité. Je sais que j’aurais eu d’autres opportunités, parce qu’en Angleterre, les gens respectent vraiment le football et se préoccupent des joueurs. Au Portugal, on a un problème d’intérêt au niveau des agents. Attention, les agents sont très importants pour le football, et le Portugal n’échappe pas à la règle. Ils sont là pour leurs joueurs la plupart du temps, et c’est très bien comme ça. Mais quand le joueur va moins bien, qu’il traverse une mauvaise période et qu’on se rend compte qu’il ne va peut-être finalement pas être rentable… Je pense qu’il y a un opportunisme que je n’ai pas eu l’impression de retrouver en Angleterre où l’on préfère aider le joueur. Il y a un autre truc aussi, c’est que l’agent portugais fait beaucoup de promesses qu’il ne peut pas tenir… Après, je parle d’agents portugais, mais le mien, Amadeu Paixão, l’était aussi. Sauf qu’il travaillait en Angleterre et avait cette approche différente du football. Il a toujours été honnête avec moi et ne m’a jamais promis monts et merveilles. C’est bien mieux comme ça.

Comment ont réagi tes proches quand tu leur as dit que tu voulais jeter l’éponge et travailler dans les airs ?

Je me souviens que ça a été difficile pour moi de l’annoncer au début. Je me rappelle un entraînement au terme duquel j’ai discuté avec l’entraîneur d’Esmoriz, mon dernier club. J’appréhendais vraiment ce moment, j’avais peur qu’il reçoive mon annonce avec mépris. Je me suis jeté à l’eau et je lui ai dit : « Eh, mister, ma situation fait que pour moi, il est préférable de travailler dans ce domaine plutôt que de continuer le foot pour X raisons. » Et au final, sa réaction est allée à l’opposé de tout ce que j’imaginais. Il m’a dit qu’il applaudissait mon choix parce que tout le monde n’a pas le discernement de prendre de telles décisions, d’être raisonnable et de mettre ses rêves de côté. Ma famille m’a évidemment soutenue puisque je lui ai fait comprendre que c’était sans doute ce qu’il y avait de mieux pour mon futur et ma stabilité.

Qu’est-ce que tu préfères dans ton métier de steward ?

Le côté social. J’ai la chance de voir plein de nouvelles personnes tous les jours et de connaître de nouvelles cultures. Tout ça est très enrichissant et me permet de mieux appréhender certaines situations, de comprendre certains comportements. C’est un métier qui m’a apporté beaucoup de connaissances, et le savoir n’a jamais fait de mal à personne.

Tu es amené à rencontrer des footballeurs sur ton chemin ?

Oui, j’en croise beaucoup. Quand je fais des vols vers Madère, je croise beaucoup de joueurs des équipes locales, quand je voyage au Brésil, j’en rencontre énormément aussi… Il n’y a pas si longtemps, je suis rentré de Russie dans le même avion qu’Hugo Almeida, Yannick Djaló et Manuel Fernandes. Parfois, il m’arrive de discuter avec eux, de leur raconter mon histoire. Ils la comprennent parce qu’ils ont des amis qui traversent des situations similaires à celle que j’ai connue quand j’étais footballeur et connaissent donc la réalité du foot portugais. Généralement, ils sont sympas et marrants. Tous ont leur personnalité évidemment, mais le footballeur est un type extraverti qui a toujours envie de se marrer. Tiens, il n’y a qu’à prendre l’exemple d’Almeida, Djaló et Manuel Fernandes. Les deux premiers essayaient de dormir et Manuel Fernandes s’emmerdait, donc il les réveillait et n’arrêtait pas de bouger dans tous les sens pour les emmerder. C’est ça, un footballeur.

Qu’est-ce que tu dirais à un gars comme Dennis Bergkamp pour le convaincre de reprendre l’avion et de ne plus en avoir peur ?

Que je passe mes journées dans des avions et que je suis toujours en vie. Si je suis toujours en vie, c’est que tout se passe bien. Pour rassurer les gens, j’ai l’habitude de leur dire que moi aussi, j’ai une famille et que mon objectif est aussi de rentrer chez moi en vie. Nous, les gens qui travaillons dans les avions, sommes la meilleure raison de ne pas avoir peur dans les airs.
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Propos recueillis par William Pereira

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